Question orale n° 165 :
Prise en charge du relogement par les assurances en cas d'arrêté de péril

17e Législature

Question de : M. Romain Eskenazi
Val-d'Oise (7e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Romain Eskenazi appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la situation alarmante des petits propriétaires face aux conséquences d'un arrêté de mise en sécurité pour cause de péril pris par un maire. Le 13 janvier 2025, en pleine nuit, 143 personnes ont été contraintes d'évacuer leur logement à Montmorency, dans le Val-d'Oise, en raison du risque imminent d'effondrement du parking de leur résidence, aménagé sur un sol sableux et faisant courir le risque qu'un immeuble s'écroule sur celui d'une autre résidence située en contrebas. Les habitants ont été contraints pendant plusieurs jours de dormir dans un gymnase, dans des hôtels lorsque les rares compagnies d'assurance prenaient en charge quelques nuitées dans cette situation, chez des proches ou de généreux habitants, ou dans le pire des cas, dans leur voiture. Le rapport provisoire de l'expert judiciaire adressé à la mairie 11 jours plus tard a conclu que les résidents ne pourraient rentrer chez eux « avant nouvel ordre », jusqu'à la réalisation de travaux de sécurisation du parking qui prendront certainement plusieurs semaines dans le meilleur des cas, plus probablement plusieurs mois. Conseiller municipal de cette commune, M. le député a demandé au maire de consacrer une part du budget du centre communal d'action sociale (CCAS) de la ville au relogement temporaire des familles en difficulté et remercie la municipalité d'avoir finalement accepté de débloquer un fonds de solidarité pour venir financièrement en aide aux résidents sinistrés sans solution. En effet, si les locataires doivent être légalement relogés par leur propriétaire, les propriétaires occupants sont démunis dans ces circonstances. Or cette situation n'est pas un cas isolé. En décembre 2023, la ville de Sarcelles, sur la même circonscription, a vécu la même situation et avait également consacré une partie non négligeable du budget de son CCAS pour reloger des propriétaires modestes qui se sont retrouvés à la rue du jour au lendemain après la mise en sécurité de leur immeuble pour péril. Alors que la législation prévoit une indemnisation et une prise en charge du relogement pour les sinistres liés aux catastrophes naturelles, aux inondations ou aux incendies, il est incompréhensible qu'un arrêté de mise en sécurité, pris précisément pour protéger la population d'un drame, n'entraîne aucune obligation pour les assurances d'assurer le relogement des propriétaires évacués. Ces derniers doivent ainsi faire face à des charges multiples (remboursement de leur prêt, charges du logement qu'ils continuent à payer, frais de location temporaire) sans aucun soutien institutionnel, sauf bonne volonté des municipalités, qui n'ont aucune obligation légale en la matière. M. le député interroge donc M. le ministre sur l'absence de dispositif législatif imposant aux assurances de couvrir le relogement des propriétaires frappés par un arrêté de mise en sécurité, au même titre que pour d'autres natures de sinistres. Il souhaite savoir si le Gouvernement entend réformer la loi afin de mettre fin à cette situation profondément injuste et irrationnelle pour garantir une véritable protection des propriétaires confrontés à de telles catastrophes ou, a minima, s'il est favorable à des initiatives parlementaires en ce sens.

Réponse en séance, et publiée le 19 février 2025

RELOGEMENT DU PROPRIÉTAIRE OCCUPANT EN CAS DE PÉRIL
Mme la présidente . La parole est à M. Romain Eskenazi, pour exposer sa question, no 165, relative au relogement du propriétaire occupant en cas de péril.

M. Romain Eskenazi . Je souhaite appeler votre attention sur une situation alarmante qui touche de nombreux petits propriétaires lorsqu’un arrêté de mise en sécurité est pris pour cause de péril. Le 13 janvier, en pleine nuit, 143 personnes ont été contraintes d’évacuer leur logement dans ma ville de Montmorency, dans le Val-d’Oise. Un risque imminent d’effondrement du parking de leur résidence, situé sur un sol sableux, faisait courir celui qu'un immeuble s'écroule sur une résidence voisine. Face à cette situation dramatique, les habitants ont dû être relogés dans la précipitation : plusieurs d'entre eux ont dormi dans un gymnase, certains ont été hébergés par des proches ou des voisins solidaires ; d'autres, faute de mieux, ont passé plusieurs nuits dans leur voiture. Je salue l'engagement et la mobilisation dont les élus et les services de l'État ont fait preuve cette nuit-là.

Le rapport provisoire de l’expert judiciaire, adressé à la mairie onze jours plus tard, a confirmé que ces résidents ne pourraient pas rentrer chez eux avant nouvel ordre, et jusqu'à la réalisation des travaux nécessaires, qui prendront certainement plusieurs mois. En tant que conseiller municipal, j’ai demandé au maire de consacrer une partie du budget du centre communal d’action sociale au relogement temporaire des familles en difficulté. Alors qu'il considérait initialement qu'il n'en avait pas l'obligation légale, je lui ai finalement fait admettre qu'il s'agissait pour la ville d'un devoir moral. À cet égard, je salue la décision du dernier conseil municipal de débloquer un fonds de solidarité en urgence pour les sinistrés.

Cependant, un problème majeur persiste. Alors que la loi prévoit une indemnisation et une prise en charge du relogement pour les sinistres liés aux catastrophes naturelles, aux inondations ou aux incendies, il est incompréhensible qu’un arrêté de mise en sécurité, pris justement pour protéger la population d’un drame, n’impose aux assurances aucune obligation de couvrir le relogement des propriétaires évacués. Ces derniers se retrouvent alors dans une situation intenable : ils doivent continuer à rembourser leur prêt, payer les charges de leur logement devenu inhabitable et assumer en plus des frais de location temporaire.

Cette situation n’est pas un cas isolé. En décembre 2023, la ville de Sarcelles, dans la même circonscription, a connu le même problème, s'agissant également d'arrêtés de mise en sécurité. Les locataires doivent être relogés par leur propriétaire et si ce dernier est défaillant, un fonds d'État existe pour le relogement, mais rien n'est prévu pour les propriétaires. En 2020, la ville de Bordeaux a connu une multitude de scénarios similaires : les 141 arrêtés de péril pris dans l’année ont mis à la rue de nombreux propriétaires modestes, qui constatèrent avec stupeur qu’aucun cadre légal ne leur garantissait un relogement.

Il est urgent d’agir. Le gouvernement entend-il réformer la loi afin d’imposer aux assurances la prise en charge du relogement des propriétaires touchés par un arrêté de mise en sécurité, au même titre que pour d’autres types de sinistres ? À défaut, seriez-vous favorable à des initiatives parlementaires que je ne manquerai pas de prendre pour remédier à cette injustice flagrante ?

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du tourisme.

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . Les assureurs proposent aujourd'hui une couverture très large des risques habitation. Au sein des contrats multirisques habitation, qui couvrent la quasi-totalité des ménages en métropole, des garanties prévoient dans la grande majorité des cas la prise en charge des frais de relogement à la suite d'un sinistre. En fonction de l'étendue des garanties contractuelles, cette prise en charge va de quelques jours à plusieurs mois.

Cependant, seuls les sinistres couverts par le contrat peuvent faire l'objet d'une prise en charge. Si les dommages causés par des incendies, tempêtes ou encore dégâts des eaux rendant un logement inhabitable peuvent donner lieu à un relogement payé par l'assureur, il en va différemment des dommages exclus du contrat et de ceux dépourvus d'aléa, par définition non assurables.

À cet égard, les assureurs n'indemnisent généralement pas les dommages causés par un événement ne relevant pas de la notion d'aléa, comme ceux provenant des mouvements naturels d'un sol meuble fragilisant la structure d'une habitation. Aussi M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et Mme la ministre chargée du logement vont-ils étudier le problème que vous soulevez, afin de voir si une réponse est susceptible d'y être apportée, notamment à la lumière de l'expérience des habitants de votre commune et de nos circonscriptions respectives. Toute initiative, même parlementaire, sera la bienvenue.

Mme la présidente . La parole est à M. Romain Eskenazi.

M. Romain Eskenazi . En général, les assureurs demandent aux habitants de leur envoyer des photos pour constater le sinistre : marques d'incendie, fissures dans les murs et ainsi de suite. En l'espèce, il s'agissait d'un parking qui risquait de s'effondrer et d'entraîner l'immeuble avec lui : en l'absence de sinistre visible dans l'immeuble ou dans le logement, les assureurs ont estimé qu'aucune indemnité n'était due. Pourtant, les travaux de renforcement du parking vont durer plusieurs mois et les petits propriétaires sont en très grande difficulté – ce qui n'est pas le cas des locataires. En effet, ils doivent continuer à payer un crédit tout en se relogeant.

Je suivrai donc avec la plus grande attention les initiatives du gouvernement pour garantir aux propriétaires un relogement pérenne ou même temporaire, qui relève aujourd'hui de la bonne volonté du maire : si celui-ci octroie une petite aide au relogement, ils sont aidés ; dans le cas contraire, ils se retrouvent en grande détresse.

Données clés

Auteur : M. Romain Eskenazi

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 février 2025

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