Départs hors retraites dans la police et la gendarmerie
Question de :
Mme Marietta Karamanli
Sarthe (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Marietta Karamanli attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les vacances de postes dans la gendarmerie et la police. La Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des crédits 2022 de la mission « Sécurité » notait que le nombre de personnels quittant la police et la gendarmerie nationales était croissant. Selon elle les départs ne sont pas lissés et créent des périodes de vacance avant que de nouveaux personnels soient recrutés, réduisant de la sorte le potentiel opérationnel des forces de sécurité intérieure. Elle s'inquiétait aussi des conditions de formation, le recrutement étant concentré et le nombre de places étant limité. Par ailleurs plusieurs enquêtes mettent en évidence le besoin d'une amélioration des conditions de travail des personnels et d'une gestion dynamique des ressources humaines. Certaines font état d'un malaise nourri par une succession de réformes et le sentiment d'une insuffisance de considération ainsi que d'une dégradation des conditions d'exercice des missions. Elle souhaite connaître le nombre de départs de la gendarmerie et de la police hors retraites en 2024 et savoir s'il conforte la tendance observée ces dernières année ainsi que le taux de vacance observé. Elle lui demande quelles mesures sont envisagées pour améliorer l'attractivité et la fidélisation des personnels au-delà des seules revalorisations indemnitaires.
Réponse publiée le 3 juin 2025
Tandis que le volume de candidats pour la gendarmerie nationale demeure à un niveau stable, autour de 30 000 candidats chaque année (concours interne et externe), le vivier de candidats aux concours de la police nationale a tendance à se contracter, notamment pour le concours de gardien de la paix. Au cours des cinq dernières années, le vivier d'inscrits est passé de 23 000 candidats à un peu plus de 12 590 candidats pour le concours de gardien de la paix de septembre 2024. Ce phénomène est la conséquence des volumes importants de recrutements des dernières années, d'une part, et d'une désaffection relative pour le métier de policier et plus généralement pour les emplois de la fonction publique, d'autre part, avec en outre la mise en concurrence avec d'autres métiers de la sécurité (armées, sécurité privée, administration pénitentiaire, etc.) comme avec la fonction publique territoriale (polices municipales, etc.). Contrairement toutefois aux titres sensationnalistes de certains médias, la « grande démission » à laquelle serait confrontée la police nationale - qui compte d'ailleurs plus de 152 000 agents - ne correspond pas à la réalité. En cours de scolarité par exemple, la proportion d'élèves gardiens de la paix démissionnaires varie entre 1,6 % et 3,5 % du volume des promotions depuis la 257e promotion (juin 2020), pour une moyenne de 2,45 %, soit environ 100 démissions pour plus de 4 000 élèves. Cette tendance s'observe également en gendarmerie, où la forte hausse des recrutements conjuguée à une formation plus exigeante visant à un aguerrissement accru des élèves gendarmes pour mieux les préparer à l'adversité croissante dans l'exercice du métier, a entraîné une hausse des démissions en école, avec un taux d'attrition de 10,67 % pour les élèves sous-officiers de gendarmerie (SOG, soit 493 sous-officiers de gendarmerie) et de 6,6 % pour les officiers (soit 14 officiers). S'agissant du chiffre de « 10 840 départs » en 2021 enregistrés par la police nationale - chiffre émanant d'un rapport de la Cour des comptes -, il appelle des précisions. En premier lieu, il peut être indiqué qu'en 2024, le nombre de sorties s'est élevé à 10 778 (hors concours internes et nominations au choix), et à 12 657 en tenant compte des changements de corps. En second lieu, ce chiffre ne traduit aucunement un départ massif d'agents. Les 12 657 sorties enregistrées en 2024 se décomposent en effet comme suit : - 3 647 sorties suite à des changements de corps (policiers adjoints devenant gardiens de la paix, réussite à des concours internes…) ; - 6 177 sorties définitives (départs en retraite, ruptures en cours de contrat, démissions, licenciements, radiations, révocations, fins de contrat…) - dont 3 001 sorties pour les seuls départs en retraite - ; - 2 833 sorties temporaires (détachements, mutations inter-programmes, congés de longue durée…). Pour sa part, la gendarmerie recense en 2024 un total de 4 538 radiations, dont 2 425 avec droit à pension avant la limite d'âge (i.e. tous les départs intervenant à plus de quatre ans de la limite d'âge), et 2 113 sans droit à pension. S'agissant des sorties non anticipées en cours de carrière, parmi les 12 657 sorties enregistrées en 2024, les chiffres sont limités : 1 108 ruptures en cours de contrat et 962 départs définitifs (décès, démissions, licenciements, radiations, fin de scolarité, etc.). Les motifs de départ en gendarmerie varient sensiblement selon les profils. Chez les sous-officiers de plus de 49 ans, plus d'un sur deux (51 %) évoque une conjoncture financière jugée favorable, une tendance également relevée chez 45 % des officiers. Les militaires âgés de 40 à 49 ans évoquent plutôt des conditions de travail difficiles mentionnées par 47 % des répondants. Enfin, les sous-officiers de moins de 40 ans mettent davantage en avant des raisons personnelles et familiales, une justification citée par 60 % d'entre eux. Même si elle doit faire face - à l'instar de la majeure partie de la fonction publique - à des difficultés de recrutement, la police nationale remplit ses objectifs en la matière et reste attractive. La gendarmerie nationale ne rencontre pas de difficulté de recrutement. En 2023, 12 981 agents ont rejoint la police nationale (entrées dans le programme budgétaire 176 « police nationale » - qui ne sont pas toutes des créations nettes de poste, mais concernent aussi des départs à la retraite à compenser). En 2024, le programme budgétaire 176 a enregistré 12 814 entrées (concours externes, concours internes, recrutements de contractuels, détachements, etc.), ce qui est loin d'être négligeable. Plus de 32 400 personnes se sont présentées aux différents concours de la police nationale en 2024. 4 132 ont été admises. En gendarmerie, les hauts volumes de recrutement SOG ont permis à 2 876 gendarmes adjoints volontaires (GAV) de rejoindre ce corps en 2024. Parmi les sous-officiers sortis d'écoles, 3 513 militaires avaient déjà une expérience dans la gendarmerie, représentant 66 % des élèves-gendarmes. Ces 3 513 militaires se décomposent en 551 issus de la réserve opérationnelle (officiers, sous-officiers ou volontaires) et 2 962 militaires d'active (21 issus du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale, CSTAGN et 2 941 GAV) Par ailleurs, en 2024, la police nationale a atteint 96 % de ses objectifs au regard du schéma d'emplois de la loi de finances (+ 1 139 ETP). La gendarmerie nationale a atteint ses objectifs de réalisation du schéma d'emplois à + 1 045 ETP. Pour autant, la police nationale doit s'adapter et agit en ce sens. Afin de promouvoir le concours de gardien de la paix et, au-delà, la marque employeur, le service d'information et de communication de la police nationale (SICoP) mène régulièrement des campagnes de communication, notamment sur les réseaux sociaux. L'académie de police, direction chargée du recrutement et de la formation de la police nationale, a intensifié ses partenariats et en a développé de nouveaux, notamment pour accroître ses actions de communication. Plusieurs mesures sont ainsi mises en œuvre pour renforcer l'attractivité du métier : amplification du partenariat initié en 2018 avec les universités pour présenter les métiers et susciter des vocations ; dispositif de mentorat pour favoriser la promotion interne en identifiant les agents ayant du potentiel et en les accompagnant dans la préparation des concours ; rénovation générale des concours et examens professionnels pour s'adapter aux nouveaux publics, etc. Grâce à son réseau partenarial, l'académie de police est présente dans l'ensemble du territoire national et participe activement, par des campagnes d'information et par sa présence dans les forums et salons de l'emploi, à la promotion et à l'attractivité des concours de la police nationale. La gendarmerie développe également ses partenariats avec les universités, les missions locales, et France Travail. La gendarmerie s'applique à répondre aux différentes attentes. Dans le domaine immobilier, les crédits T5 du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ont été augmentés de 232 millions d'euros par rapport à 2024 en AE, traduisant un engagement budgétaire renforcé. La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), ainsi que la revalorisation de l'indemnité de garnison (IGAR), ont par ailleurs constitué des leviers importants de fidélisation, notamment pour les militaires des corps de soutien. Afin de promouvoir les concours, il a également été décidé de mettre en place une phase unique permettant à tous les candidats présents aux épreuves écrites de présenter l'ensemble des épreuves du concours. Cette procédure, expérimentée en 2021 pendant la crise sanitaire, avait finalement permis à quelque 800 candidats qui n'auraient peut-être pas pu franchir le seuil de l'admissibilité de valoriser leurs motivations à l'oral et d'être lauréats du concours de gardien de la paix. Par ailleurs, depuis mars 2023, deux recrutements de gardiens de la paix sont réalisés chaque année, afin de réduire les délais d'incorporation des lauréats (à 6 mois maximum) et de maintenir un taux de sélectivité suffisant. Cette réforme vise également à élargir le vivier potentiel de candidats. Les efforts pour susciter un plus grand nombre de candidatures vont se poursuivre. L'activité des pôles « recrutement » de la filière « formation » de la police nationale sera en particulier renforcée en lien avec le SICoP, de même que seront développés les partenariats avec l'Union nationale des missions locales, France Travail ou les grandes plates-formes de recrutement. Les enjeux de la formation sont également essentiels, tant pour promouvoir les candidatures que pour prendre pleinement en compte les impératifs opérationnels et les besoins des différentes filières de la police nationale, notamment ceux de la filière investigation. La police nationale garantit de longue date à l'ensemble de ses agents une formation de qualité et particulièrement exigeante sur le plan professionnel. En matière de formation initiale, qui participe tant de l'attractivité du métier que de l'efficacité des agents, l'académie de police a mis en place depuis septembre 2023 une nouvelle organisation de la scolarité des gardiens de la paix dite « fusionnée », dont la première partie du socle commun d'apprentissage est partagée avec la formation des policiers adjoints. Cette réorganisation permet aux policiers adjoints ayant validé ce socle commun depuis moins de 2 ans, et ayant été admis au concours de gardien de la paix, de bénéficier d'une scolarité réduite à désormais 8 mois en capitalisant sur leur expérience professionnelle. Par ailleurs, la formation initiale comprend désormais l'accessibilité, pour tous les élèves gardiens de la paix, à la formation qui permet d'acquérir la qualification « OPJ 16 ». Au cours de l'année 2024, tous corps confondus, ce sont 6 262 agents qui ont été formés dans le cadre de la formation initiale, dont près de 4 000 gardiens de la paix. Enfin, il doit être souligné que l'amélioration des conditions de travail des forces est un sujet constant d'attention, afin d'accroitre l'attractivité des métiers. Ceci que ce soit sur le plan matériel ou sur le plan social, avec pour objectif d'améliorer tant la qualité de vie au travail que la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Il convient à cet égard de souligner qu'à la demande du ministre d'État, ministre de l'intérieur, la direction générale de la police nationale va engager un véritable plan de gestion des ressources humaines visant à améliorer la RH du quotidien. Un plan spécifique en faveur de l'attractivité de la filière investigation, notamment en matière de formation, sera également prochainement mis en œuvre. La police nationale et la gendarmerie nationale continueront à placer l'attractivité, la fidélisation et la qualité des conditions de travail au centre des enjeux de leur politique de ressources humaines.
Auteur : Mme Marietta Karamanli
Type de question : Question écrite
Rubrique : Fonctionnaires et agents publics
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025