Quelle révolution fiscale pour la France ?
Question de :
M. Rodrigo Arenas
Paris (10e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Rodrigo Arenas appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'état du système fiscal français. Après l'échec de la mise en place d'une taxe sur les transactions financières à l'échelle européenne en 2014, dite « taxe Tobin », a été instituée une taxe sur les transactions financières françaises pour les achats d'action par des sociétés dont la capitalisation s'élève à plus de 1 milliard d'euros et siégeant socialement en France. Son taux est de 0,3 % depuis 2021 et depuis lors, il n'a jamais été question de l'augmenter, ou d'élargir son assiette à la réalité d'une économie financiarisée, où les produits dérivés tant que les transactions à haute fréquence représentent une part prépondérante des transactions financières quotidiennes. La TTF a certes un rendement budgétaire pour l'État, mais elle ne remplit aucunement les buts visés à son instigation, trahissant, au large, un manque d'adaptation à la conjoncture actuelle. Un référé de la Cour des comptes en date du 19 juin 2017 pointe que « le rendement budgétaire de la taxe est réel » mais « qu'aucun des trois objectifs visés lors de sa création n'a été atteint ». Ces trois objectifs se traduisaient par l'imposition des opérations à haute fréquence, les acquisitions de contrat d'échange sur défaut, ainsi que les acquisitions de titre de capital ou assimilées. À l'heure actuelle, ces mêmes trois objectifs, ces mêmes trois composantes, sont davantage nécessaires face au besoin de financement de l'État et les pertes béantes causées par la fraude et l'évasion fiscale. À ce manque s'ajoute le fait, rappelé par la Cour des comptes, que « les activités les plus spéculatives ne sont de facto pas taxées ». En effet, les opérations à haute fréquence ont un rendement nul et le seul déplacement des transactions à l'étranger permet d'échapper à la taxe. Avoir réduit l'assiette au pays d'émission des opérations d'acquisitions nettes des ventes réalisées au cours de la même journée a été un choix préjudiciable à la taxation. Qualifier de superficielle l'actuelle TTF n'est dès lors pas un abus de langage au regard de l'inadaptabilité de sa structure à la réalité du marché financier, qu'on ne peut plus résumer à de simples achats d'actions de sociétés françaises. L'inefficience de l'imposition amène à questionner sa subsistance, notamment quand des catégories de contribuables ressentent le poids de l'augmentation de la fiscalité, notamment de la contribution sociale, alors que l'imposition des transactions financières en France ne suit pas l'accroissement du volume du marché financier, sans oublier la fraude et l'évasion qui sont encore des fuites de rendement préjudiciables à l'intérêt général. Émerge en conséquence un indéfectible sentiment d'injustice fiscale. Ainsi, il lui demande si l'État compte revenir sur le taux et l'assiette de la TTF afin d'accroître ses recettes, convenir aux objectifs précédant son institution et corriger l'injustice fiscale prégnante en France.
Réponse publiée le 3 juin 2025
La taxe sur les transactions financières (TTF) a rapporté 1,6Md€ en 2023 et 1,5Md€ en 2024 et contribue ainsi significativement au budget de l'État. Par ailleurs, elle s'applique à chaque transaction concernée et est donc à ce titre bien proportionnelle à l'accroissement du volume de transaction. Le taux de la TTF est déjà élevé et le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà. La loi de finances pour 2025 a fait passer ce taux de 0,3% à 0,4 %. Il est rappelé que le taux a ainsi déjà été quadruplé par rapport à celui initialement prévu lors de la création du dispositif : initialement prévu à 0,1 %, il a finalement été porté à 0,2 % dès sa création en 2012 puis augmenté à 0,3 % en 2017. Toute augmentation supplémentaire pourrait conduire à une baisse des transactions, compte tenu de la sensibilité du volume au taux, et avoir un impact négatif sur les recettes de l'État. Un tel risque d'éviction est renforcé par le fait qu'une nouvelle hausse singulariserait encore davantage la France au niveau européen, nuisant à l'image d'attractivité de la place de Paris (pour mémoire, de nombreux pays ne disposent pas d'une telle taxe, comme par exemple l'Allemagne ou les Pays-Bas ; par ailleurs le taux de la TTF appliqué par la France se situe déjà dans la fourchette haute des pays européens disposant d'une telle taxe : 0,1 % ou 0,2 % en Italie, 0,2 % en Espagne, 0,5 % au Royaume-Uni mais avec des exemptions très nombreuses qui réduisent de facto significativement les revenus et l'impact de la taxe). Par ailleurs, le Gouvernement n'est pas favorable à une extension du champ de la taxe sur les transactions financières. En effet, la suggestion d'appliquer la taxe aux produits dérivés et aux opérations intra-journalières poserait de nombreuses difficultés techniques majeures ; et une telle extension unilatérale en France risquerait de générer d'importants mouvement de flux financiers hors de France. La diversité et le faible degré de standardisation des produits dérivés rendent extrêmement complexe une taxation homogène et fiable de ces transactions. En pratique, la détermination d'une assiette unique, d'un taux unique et d'un fait générateur unique (conclusion ou dénouement) est extrêmement difficile au regard de l'impératif de lisibilité de la taxe et de traitement équitable de produits économiquement substituables. Une taxe sur les dérivés serait difficile à contrôler et son recouvrement complexe. Une partie significative des produits dérivés ne sont en effet pas soumis à l'obligation de compensation centrale et s'échange de gré-à-gré, ce qui prive l'administration fiscale d'un point d'accès simple au registre des transactions. Économiquement, l'extension de la TTF aux produits dérivés conduirait probablement à une migration des activités des transactions dans d'autres pays de l'Union européenne comme cela s'est observé en Suède en 1989 lors de l'extension de la TTF nationale des actions aux obligations et instruments dérivés, conduisant à une baisse du marché des dérivés de 85 % - au profit de la place de Londres - et au retrait de la taxe en 1990. Les produits dérivés sont des contrats (et non des titres de propriété) qui sont particulièrement mobiles en raison de la facilité à changer de contrepartie dans un écosystème où les acteurs financiers sont suffisamment nombreux pour assurer une grande profondeur de marché. Enfin, il existe un risque de double taxation, dans la mesure ou certains dérivés déclenchent l'acquisition du titre sous-jacent, auquel s'applique la TTF. De même, la taxation des opérations intra-journalières intervenant avant l'inscription au compte titres d'un dépositaire central (Euroclear en France) impliquerait de modifier le fait générateur de la taxe, aujourd'hui fondé sur la notion juridique de transfert de propriété, ce qui susciterait des difficultés de mise en œuvre de la taxe et des risques de contentieux. Enfin, il est rappelé que le Gouvernement soutient la mise en place d'une taxe européenne sur les transactions financières sur le modèle de la taxe française ainsi que les travaux internationaux pour établir une telle taxe au niveau mondial, dans le cadre du G20 notamment.
Auteur : M. Rodrigo Arenas
Type de question : Question écrite
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Économie, finances et industrie
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025