Question écrite n° 1701 :
Absence de décret sur loi permettant prévention addictions en milieu carcéral

17e Législature

Question de : M. Emmanuel Fernandes
Bas-Rhin (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Emmanuel Fernandes alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'absence de publication du décret d'application de la loi de 2016, qui prévoit d'agir à la fois sur l'équivalence des soins et sur la réduction des risques entre le milieu ouvert et le milieu carcéral. Partant du constat que les maladies ont une prévalence bien plus élevée en milieu carcéral qu'en liberté, la loi du 18 janvier 1994 a confié au ministère chargé de la santé, en lien avec le ministère chargé de la justice, la prise en charge sanitaire des personnes détenues dans l'ensemble des établissements pénitentiaires, afin de garantir l'égal accès aux soins de ces personnes. Cette avancée majeure a ouvert la possibilité à des centaines de milliers de personnes incarcérées de bénéficier d'une amélioration notable des soins en détention. La conséquence directe de cette décision est la diminution drastique du nombre d'épidémies en milieu fermé, qui étaient un véritable fléau et un danger pour la santé publique en général, y compris en milieu ouvert. Malheureusement, la loi de 1994 n'allait pas assez loin en matière de prévention des addictions et de transmission des infections sexuellement transmissibles (IST). Le constat est glaçant : un tiers des personnes qui entrent en prison présentent une problématique d'addiction (hors tabac) et la consommation des produits stupéfiants continue en établissement pénitentiaire. Plus de 40 % des détenus partagent le matériel de consommation (tout particulièrement les seringues) et pratiquement aucune protection n'est disponible lors des rapports sexuels. Le résultat est dramatique : la prévalence du VIH et des hépatites virales est aujourd'hui 6 à 10 fois plus importante en milieu carcéral qu'à l'extérieur. Par ailleurs, ces personnes étant amenées à sortir de prison et à se réinsérer dans la société, c'est un véritable sujet de santé publique qui se présente et qui dépasse largement les frontières des cellules. Pour faire face à ces risques, le 26 janvier 2016, la loi de modernisation du système de santé français a été adoptée. Elle prévoit une politique ambitieuse de réduction des risques en direction des usagers de drogue pour les personnes détenues. Cette politique inclut par exemple, la distribution gratuite de matériel, notamment des seringues stériles et des antidotes en cas de surdose, mais également des distributions de préservatifs ainsi qu'un programme de sensibilisation et de prévention en milieu fermé, assuré par des associations habilitées. M. le ministre l'aura compris, la mise en place de cette prévention est à la fois indispensable et urgente pour lutter efficacement contre les addictions et la diffusion de maladies mortelles. De manière totalement incompréhensible, huit ans plus tard, le décret d'application n'est toujours pas publié et la loi n'est donc pas appliquée. En conséquence, l'accès aux outils de prévention et d'évitement des maladies est quasiment inexistant en prison. Aussi, il lui demande d'alerter le Président de la République ou le Premier ministre au plus vite, afin que ce décret d'application soit publié et de permettre enfin la mise en place des actions de prévention à destination des détenus du pays.

Réponse publiée le 20 mai 2025

Le ministère de la justice est pleinement mobilisé aux côtés du ministère de la santé et de l'accès aux soins pour favoriser l'accès aux soins des personnes placées sous main de justice (PPSMJ). La prise en charge des conduites addictives et la lutte contre la consommation de drogues en milieu carcéral constituent des missions essentiellement dévolues au ministère de la santé et de l'accès aux soins en vertu de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994. Les services du ministère de la justice et du ministère de la santé et de l'accès aux soins travaillent conjointement à la mise en œuvre d'une politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue adaptée au milieu pénitentiaire. En ce sens, la feuille de route santé des PPSMJ 2024-2028 signée le 5 juillet dernier rassemble six actions dédiées à la lutte contre les addictions en milieu carcéral. En outre, la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) nourrit une collaboration étroite avec les services de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA). En 2024, l'appel à projets lancé dans le cadre du fonds de concours (FDC) « Drogues » de la MILDECA et auquel la DAP a répondu au même titre que les années précédentes, a permis d'allouer 1 190 000 € à la mise en œuvre de 44 projets répartis sur l'ensemble du territoire national. Par ailleurs, l'administration pénitentiaire s'attache depuis de nombreuses années à tisser un réseau diversifié d'acteurs, notamment par le biais de conventions avec les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). La DAP a également signé des conventions avec les associations Alcooliques anonymes, Camerup et Narcotiques anonymes. Dans ce cadre, de multiples actions sont menées quotidiennement à l'échelle des établissements pénitentiaires, des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et des réseaux d'associations spécialisées dans les troubles addictifs afin de proposer des solutions durables. Ainsi, l'actuel cadre législatif permet de développer et déployer sur le territoire national les dispositifs de réduction des risques et des dommages à destination des PPSMJ. Aucun décret n'est donc prévu, dans l'immédiat, en la matière. Le Conseil d'Etat, dans une décision n° 466859 rendue le 8 avril 2024, a confirmé cette position, considérant qu'il ne « résulte pas que l'application de cette politique aux personnes détenues serait subordonnée à l'intervention préalable du pouvoir réglementaire ».

Données clés

Auteur : M. Emmanuel Fernandes

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 20 mai 2025

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