Souveraineté industrielle de la production de médicaments et pénuries constatées
Publication de la réponse au Journal Officiel du 11 février 2025, page 827
Question de :
M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
M. André Chassaigne interroge Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur la souveraineté industrielle de la production des médicaments et sur les pénuries toujours constatées. En effet, il existe actuellement de fortes tensions, voire des ruptures de stock sur des médicaments essentiels, comme l'Ozempic, le Victoza et surtout le Trulicity du laboratoire Lilly qui traitent les patients souffrant de diabète 2. Il en est de même pour la production de Concerta avec des conséquences graves pour le traitement des troubles du déficit de l'attention (TDAH) de milliers d'enfants et d'adolescents. Pourtant, le Gouvernement avait annoncé sa volonté d'avancer sur des projets de relocalisation d'une cinquantaine de molécules prioritaires et avait déclaré prendre des mesures adaptées comme les « feuilles de route » pluriannuelles contre les pénuries de produits de santé, la publication d'une liste de médicaments « essentiels » et un plan de sécurisation sur les pathologies hivernales. Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a instauré des dispositifs sur la reprise de droits de production des médicaments d'intérêt majeur en arrêt de commercialisation, l'encadrement de la vente directe aux officines et des prescriptions en cas de rupture d'approvisionnement et sur l'élargissement des dispositifs de productions alternatives. Une charte d'engagement collective et solidaire des acteurs de la chaîne pharmaceutique a aussi été signée le 22 novembre 2023. Le risque récent de perte de souveraineté du pays sur la production du Doliprane met encore plus en évidence la nécessité d'une politique plus forte et efficace de sécurisation de la production et de la distribution des médicaments sensibles pour pallier les risques de pénurie. De plus, les difficultés de la société EuroApi, créée pour dynamiser la production européenne de principes actifs pharmaceutiques, sont révélateurs de l'échec d'une politique de développement industriel dans ce domaine. Force est de constater que les annonces et les mesures prises depuis des années sont aujourd'hui totalement insuffisantes, avec des conséquences importantes pour les professionnels de santé, les pharmaciens et bien sûr pour la santé des patients. Il lui demande d'agir rapidement et efficacement contre la pénurie de certains médicaments, notamment par une politique pérenne et volontariste de sécurisation de la production au niveau national, sinon européen.
Réponse publiée le 11 février 2025
La disponibilité des médicaments dans les pharmacies est un sujet de préoccupation majeur pour tous nos concitoyens et a un impact important sur leur vie quotidienne. Les causes des tensions constatées en officines sont multifactorielles : prévalence des épidémies hivernales, disponibilité des matières premières, tensions sur le marché mondial, problèmes dans les chaînes de fabrication… Face à ce constat, le Gouvernement est actif : - identification à l'été 2023 d'une liste de 450 médicaments essentiels faisant l'objet d'un suivi renforcé ; - annonce, par le Président de la République en juin 2023, de la relocalisation sur sol français de la production de 25 médicaments stratégiques dans le cadre du plan France 2030 ; - signature, par l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament, d'une charte d'engagement en novembre 2023, visant à mieux contrôler et réguler les approvisionnements, favoriser la transparence de l'information, et responsabiliser chacun dans l'intérêt premier du patient ; - vote, par le législateur dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale 2024, de dispositions permettant d'accroître la capacité d'action des autorités sanitaires pour lutter contre les tensions d'approvisionnement ; - publication, en février 2024, d'un plan d'action volontariste pour trois années permettant de relever le défi des pénuries avec méthode, détermination et réalisme. En janvier 2025, les ministres chargés de la santé et de l'industrie ont annoncé un nouveau soutien de l'Etat à la relocalisation industrielle pharmaceutique. En annonçant le soutien par France 2030 de 7 projets industriels, soit 21 M€ injectés pour 160 M€ d'investissements industriels, l'Etat vient appuyer la production ou la relocalisation de médicaments essentiels. Ces projets, ainsi que ceux soutenus dans le cadre de France Relance, permettent de renforcer la production de médicaments essentiels sur le territoire national pour 42 médicaments essentiels, dont l'approvisionnement du marché français est vulnérable aux importations extra-européennes. S'agissant plus spécifiquement de la situation des médicaments utilisés dans le traitement du diabète et notamment ceux de la classe des agonistes GLP1 Victoza, Ozempic et Trulicity, plusieurs tensions sont effectivement identifiées, notamment dues à une augmentation importante de la demande mondiale. Ces tensions surviennent dans un contexte de mésusage dans lequel ces spécialités sont utilisées à des fins de perte de poids. Pour rappel, ces spécialités sont indiquées dans le diabète de type 2 insuffisamment contrôlé en complément d'un régime alimentaire et d'une activité physique. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) travaille depuis l'été 2022 en lien étroit avec les sociétés savantes et les associations de patients concernées par la prise en charge du diabète. Ainsi, l'ANSM a publié dès septembre 2022 des recommandations à destination des professionnels de santé, après concertation de la Société francophone du diabète et de la Fédération française des diabétiques qui ont d'ailleurs rappelé l'importance de respecter strictement l'indication des autorisations de mise sur le marché et de ne prescrire ces médicaments qu'aux patients atteints de diabète de type 2. Ces recommandations ont ensuite été réactualisées en mars et décembre 2023 au regard des annonces des laboratoires concernés qui ont indiqué qu'ils allaient devoir faire face à des tensions d'approvisionnement pour l'ensemble de l'année 2024. Aussi, afin que les patients déjà traités puissent continuer à recevoir leur traitement, l'ANSM a mis à jour les recommandations pour les médecins prescripteurs, en concertation avec la Société francophone du diabète (SFD), la fédération française des diabétiques, la fédération française de nutrition, le collège de la médecine générale et les syndicats de pharmaciens (FSPF et USPO) en demandant aux prescripteurs de ne plus initier de traitement et de réserver la prescription des spécialités Victoza, Ozempic et Trulicity uniquement aux patients déjà sous traitement. Depuis début octobre 2024, ces médicaments étant de nouveau disponibles en quantités limitées, les initiations de traitement ont pu reprendre progressivement. En outre, ces situations de rupture de stock ont amené l'ANSM à prendre des mesures sur les stocks de sécurité de ces médicaments. Ainsi, par décision du 2 février 2024, le seuil du stock de sécurité pour les spécialités Trulicity (0,75 mg, 1,5 mg, 3 mg et 4,5 mg) a été augmenté à 4 mois de couverture des besoins des patients en France. Par décision du 2 juillet 2024, le seuil du stock de sécurité pour les spécialités Ozempic dosées à 0,25 mg, 0,5 mg et 1 mg et Victoza 6 mg/ml a également été augmenté à 4 mois de couverture des besoins des patients en France. L'ANSM renvoie par ailleurs aux recommandations de la SFD sur les stratégies d'utilisation des traitements anti-hyperglycémiants dans le diabète de type 2 qui ont été publiées le 1er décembre 2023. Ces communications se sont également accompagnées de courriers adressés aux professionnels de santé par les laboratoires concernés ainsi que par des fiches qui détaillent les tensions d'approvisionnement ainsi que les mesures de gestion mises en place pour chacune des trois spécialités. L'ANSM et la Caisse nationale de l'assurance maladie ont mis en place une surveillance active de l'utilisation de ces spécialités par le suivi des données de vente et de remboursement issues du Système national des données de santé, et par le suivi des signalements d'usages non conformes et des déclarations d'effets indésirables aux centres régionaux de pharmacovigilance. Enfin, l'ANSM a mis en place, depuis décembre 2023, un comité scientifique temporaire sur les analogues du GLP1 qui s'est réuni cinq fois depuis sa création. Composé d'experts multidisciplinaires, ce comité est chargé de dresser un état des lieux de l'utilisation des analogues du GLP1, déterminer les risques associés à la prise de ces médicaments et élaborer des recommandations pour leur utilisation en cas de difficultés d'approvisionnement. S'agissant des tensions portant sur les spécialités à base de Méthylphénidate indiquées dans la prise en charge du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité et la narcolepsie, il convient de souligner que ces produits sont des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur au sens de la règlementation en vigueur et font l'objet d'une attention particulière de la part de l'ANSM. L'ANSM a mis en place des actions pour assurer la continuité de traitement des patients traités par ces médicaments.
Auteur : M. André Chassaigne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 13 janvier 2025
Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 11 février 2025