Baisse de l'aide publique au développement : quelle cohérence ?
Question de :
M. Idir Boumertit
Rhône (14e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Idir Boumertit appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la trajectoire de l'aide publique au développement (APD). La loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales précise dans son article 2 que la France « s'efforcera d'atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2025 » pour son aide au développement. Cette disposition visait à enfin inscrire dans la loi la promesse initiale des 0,7 % prise devant l'ONU il y a plus de 50 ans et que la France n'a jamais honorée. Pourtant, après les récentes annonces de coupes budgétaires, la France semble tirer un trait sur cet objectif. En effet, le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 acte une annulation des crédits d'un montant de plus de 742 millions d'euros pour l'aide cette année. Plus récemment, après la publication par l'OCDE des chiffres de l'APD, on a même observé une baisse de 11 % de l'APD française entre 2022 et 2023, faisant ainsi chuter l'APD à 0,5 % du revenu national brut (RNB) et ne respectant même plus la promesse présidentielle de 2017 des 0,55 %. Ces décisions interviennent alors que les crises se multiplient et les besoins humanitaires explosent. Par exemple, au Sahel, 25 % de la population a besoin d'une aide humanitaire alors que certains pays de la région sont très dépendants de l'aide internationale comme le Niger (64 % de son budget). In fine, les coupes et suspensions sont aussi synonymes de l'accroissement de l'instabilité à travers le monde. Dans ce contexte, la décision de la France de baisser les crédits alloués à l'aide publique au développement, après des années de progrès, apparaît alors incohérente face à ses engagements et aux défis mondiaux que l'on traverse. Il lui demande alors comment la France compte tenir une trajectoire de l'aide publique au développement à la hausse comme l'indiquait la loi de programmation de 2021.
Réponse publiée le 10 décembre 2024
Depuis 2017, le volume total d'aide publique au développement (APD) de la France a connu une progression significative, augmentant de près de 50 % en cinq ans. Cette hausse stable de nos moyens au service de la solidarité internationale a permis à la France de devenir le 4e bailleur à l'échelle mondiale. Avec près de 15,2 milliards d'euros en 2022, l'APD de la France s'est établie à 0,56 % de notre revenu national brut (RNB), dépassant légèrement l'objectif de 0,55 % fixé par la loi de programmation du 4 août 2021. Pour l'année 2023, les données préliminaires publiées par l'OCDE en avril dernier font état d'une légère baisse du volume total d'APD de la France (14,2 milliards d'euros). Ce reflux s'explique principalement par la hausse générale des taux d'intérêts qui affecte mécaniquement la capacité des prêts bilatéraux à générer de l'APD, mais également par des facteurs externes, indépendants du pilotage de notre politique : la baisse des frais d'accueil des réfugiés (2022 étant un pic, notamment avec les réfugiés ukrainiens), ou encore la baisse importante du nombre de dons de vaccins par rapport à 2022. Ainsi, ce recul n'est pas dû à une baisse des moyens budgétaires de la mission « Aide publique au développement », qui ont augmenté en 2023. Le 21 février dernier, une première mesure d'économie de 10 milliards d'euros a été adoptée par décret, mettant la mission budgétaire « Aide publique au développement » à contribution à hauteur de 742 millions d'euros. A l'occasion du PLF 2025, le contexte budgétaire et la nécessité d'assainir les comptes publics ont conduit à une nouvelle mesure de réduction sur la mission « Aide publique au développement ». Le montant des baisses des engagements prévus par le PLF 2025 pourrait atteindre 1,9 milliard d'euros par rapport à 2024, dont plus de 1,48 milliard d'euros pour le programme 209 géré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Le Gouvernement est cependant conscient que nos moyens ne peuvent pas, et ne pourront jamais, répondre seuls aux besoins et aux crises. Toutes les ressources disponibles doivent être mobilisées et orientées vers la préservation des biens publics mondiaux et l'éradication de la pauvreté. C'est le point de départ du Sommet de Paris pour un Nouveau Pacte financier mondial, qui a permis de mobiliser la communauté internationale sur ce défi du financement de la lutte contre la pauvreté et de la préservation de la planète, et sur sa concrétisation à chaque échéance multilatérale. Nous continuons de porter cette ambition au sein des enceintes multilatérales et auprès de nos partenaires grâce au Pacte de Paris pour les peuples et la planète, aujourd'hui soutenu par 68 partenaires. Nous attendons par exemple des grandes banques de développement qu'elles mobilisent au moins 200 milliards de dollars additionnels en prêt sur la décennie à venir, et 100 milliards de dollars de financements privés chaque année, en complément de l'aide publique au développement mondiale, qui s'est établie, en 2023, à 224 milliards de dollars.
Auteur : M. Idir Boumertit
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024