Difficultés de la filière bois face à la REP
Question de :
M. Philippe Lottiaux
Var (4e circonscription) - Rassemblement National
M. Philippe Lottiaux attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques sur la responsabilité élargie des producteurs (REP) concernant les produits et matériaux de construction pour le secteur du bâtiment (PMCB). Le principe de la REP est celui du « pollueur-payeur », le fabriquant ou le distributeur doit donc assurer la fin de vie d'un produit en finançant, organisant sa réutilisation ou son recyclage. La loi impose ainsi la création d'éco-organismes agréés par filière. L'objectif est de réduire le prix des produits vertueux. Or la mise en œuvre de la filière REP PMCB créée actuellement une distorsion de concurrence entre matériaux de construction au détriment du bois, comme avec les produits importés. Le ministère de la transition écologique, faisant fi d'un avis de l'ADEME sur la question, a décidé en 2022 que l'éco-contributeur ne soit finalement pas le dernier acteur industriel ayant transformé ou assemblé les produits et matériaux avant-vente. Ce sont les industriels de la première transformation, comme les scieurs, qui devront s'acquitter de la taxe. Le montant de l'éco-contribution a déjà augmenté en 2024. Il doit encore augmenter en 2025 et ainsi de suite jusqu'en 2027. En 2023, les scieurs devaient ainsi payer 2 % de leur chiffre d'affaires au titre de cette REP. En 2024, il s'agit de 5 % avec une montée en puissance entre 10 et 15 % à horizon 2027. Alors que le coût de traitement des déchets du bâtiment dans la filière PMCB est de 23 euros pour le bois, il est en revanche de 3,5 euros seulement pour le béton. Les consommateurs paient en réalité deux à trois fois le coût réel du bois. Cette augmentation engendre une préférence pour le béton et l'acier, ce qui est complètement contradictoire avec les objectifs écologiques affichés par le Gouvernement et a fortiori avec son ambition de faire progresser de 50 % les volumes de bois pour le bâtiment à l'horizon 2035. Cela apparaît d'autant plus contradictoire que le bois est aujourd'hui parfaitement collecté et valorisé et le précédent ministre de l'agriculture allait même jusqu'à remettre en question la pertinence de la REP pour le bois. Par ailleurs, il semblerait selon une réponse écrite du précédent ministre de la transition écologique à une question sénatoriale qu'aucun effort n'ait été entrepris pour identifier les non-contributeurs avec notamment un minimum de 30 % de fraude à l'acquittement des taxes, pénalisant ainsi les entreprises légalistes. Enfin, le système de la REP finançant le transport à l'étranger des bois en fin de vie, aboutit sur une délocalisation de l'industrie nationale, qui n'en n'a certainement pas besoin. Il lui demande si le Gouvernement compte prendre des mesures afin de rétablir une concurrence équitable et l'égalité entre les entreprises concernées par les matériaux de construction, afin que cette REP ne pénalise pas les industriels de la filière bois, déjà fortement impactée par l'inflation.
Réponse publiée le 25 février 2025
La filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) de produits et matériaux de construction du bâtiment, créée par la loi anti-gaspillage de février 2020, comporte de très nombreux acteurs. Le cahier des charges de la filière et l'agrément des 4 éco-organismes, qui à la fois collectent les contributions financières des entreprises metteurs en marché des produits et matériaux de construction, organisent la collecte et soutiennent les collectivités locales participant à la gestion de ces déchets pour les particuliers ou les professionnels, a été pleinement effective au début de l'année 2023. Les éco-organismes ont défini dès septembre 2022 le montant des contributions qu'ils appellent en tenant compte de la trajectoire de montée en puissance des soutiens à accorder aux nouvelles installations de collecte et de tri à mettre en œuvre. Les points de collecte à développer et les actions à mener en 2024 et en 2025 nécessitent ainsi des moyens supplémentaires, et les éco-organismes n'ont d'autre choix que d'augmenter le montant de la contribution. Toutefois, le précédent Gouvernement a fait évoluer le cadre réglementaire relatif à ces contributions afin notamment de rétablir l'équité entre les produits de construction en bois issus de scieries qui sont principalement fabriqués en France et les produits de construction en bois préfabriqués qui sont souvent importés. Un premier arrêté a effectivement été publié le 20 février 2024 afin de mettre sur un pied d'égalité les bois français et les bois d'importation grâce à l'introduction d'un taux d'abattement de 20 % applicable aux bois frais de sciage. Il permet également une réduction des coûts supportés par la filière par un report de certaines mesures ; les éco-organismes estimaient la réduction du montant des contributions financières perçues de l'ordre de 100 millions d'euros pour l'année 2024. Un second arrêté a été publié pour compléter ce dispositif le 3 juillet 2024. Il prévoit un nouvel abattement de contribution pour les produits générant des déchets qui sont mieux collectés et valorisés que ceux issus d'autres produits (par exemple les produits en bois versus ceux en plastique) ; le gain pour la filière bois est estimé à près de 45 M€. De plus, un décret permettant de mutualiser les obligations de reprise sans frais des distributeurs de produits et de matériaux de construction entre sites proches, qui permettra un gain pour l'ensemble de la filière REP d'au moins 180 M€, a été publié au Journal Officiel le 21 novembre 2024. Par ailleurs, par un avis publié au Journal Officiel le 5 décembre 2024, le point de prélèvement de la contribution financière a été déplacé plus en aval sur la chaîne de valeur ce qui libérera les entreprises de première transformation du bois du paiement de la contribution financière à compter du 1er janvier 2026. Enfin, les travaux réalisés par les éco-organismes, les services du ministère chargé de l'environnement ainsi que l'ADEME ont permis de diminuer de 40 % le gisement de déchets devant être pris en charge par la filière en 2024, ce qui permettra une diminution des besoins financiers liés au fonctionnement de la filière. Le Gouvernement continue d'être attentif à la situation des acteurs de la filière bois.
Auteur : M. Philippe Lottiaux
Type de question : Question écrite
Rubrique : Bois et forêts
Ministère interrogé : Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques
Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 25 février 2025