Enjeu de santé publique - Contamination du thon au mercure
Publication de la réponse au Journal Officiel du 27 mai 2025, page 4015
Question de :
M. Boris Tavernier
Rhône (2e circonscription) - Écologiste et Social
M. Boris Tavernier attire l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur un nouveau scandale de santé publique concernant la contamination au mercure du thon et la faillite complète de la politique française et européenne de régulation des contaminants dans l'alimentation révélées par l'association Bloom. Le mercure est un puissant neurotoxique, considéré par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme l'une des dix substances les plus préoccupantes pour la santé publique, au même titre que l'amiante ou l'arsenic. De nombreuses études scientifiques soulignent qu'une exposition chronique au mercure, même à faibles doses, peut avoir des effets irréversibles sur le système neuromoteur, augmenter le risque de maladies neurodégénératives et de sénilité précoce, ou encore avoir des effets délétères sur le système immunitaire, reproducteur, cardiovasculaire ou encore rénal. On doit donc tout faire pour limiter au maximum l'exposition au mercure de la population et notamment des publics vulnérables : les nourrissons, les enfants et adolescents, les femmes enceintes, les personnes malades et âgées. Or les révélations de Bloom montrent que si l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) jugeait dès 2015 que « le thon, l'espadon, la morue, le merlan et le brochet ont été les principaux contributeurs à l'exposition alimentaire au méthylmercure », le thon, poisson le plus consommé en France, avec une consommation de près de 5 kilogrammes en moyenne par personne et par an en équivalent poids vif et quelques 64 000 tonnes de thon en conserve écoulées chaque année, bénéficie d'un régime d'exception en matière de norme concernant le mercure. Ainsi, alors que le cabillaud, les sardines, les anchois, le maquereau ou le hareng doivent respecter une teneur maximale en mercure de 0,3mg/kg et que les produits de la mer doivent, en général, respecter une teneur maximale de 0,5mg/kg, la teneur maximale en mercure dans le thon peut aller jusqu'à 1mg/kg. De plus, le rapport de Bloom indique que cette teneur maximale s'applique au thon frais et que « entre le thon frais et le thon en boîte, la concentration en mercure peut théoriquement passer de 1mg/kg à 2,7mg/kg. La norme qui s'applique au thon en boîte peut donc être jusqu'à neuf fois plus élevée que celle d'une sardine fraîche ». Et ce d'autant plus que, sur les 150 boîtes de thon en conserve que l'association Bloom a collectées en France et en Europe, 100 % des boîtes étaient contaminées au mercure, que plus de la moitié d'entre elles dépassaient les 0,3mg/kg, que dix pour cent dépassaient 1mg/kg et qu'une boîte de la marque Petit Navire achetée dans un Carrefour City parisien affichait une teneur record de 3,9 mg/kg. Tenant compte des conclusions de l'EFSA, tout devrait être mis en œuvre pour réduire la promotion et la consommation de thon en France, ce poisson figurant parmi les plus contaminés au mercure. Ainsi, M. le député alerte Mme la ministre sur le fait que Santé publique France fait la promotion du thon en conserve sur le site mangerbouger.fr sans avertir sur les risques que sa consommation entraîne chez les femmes enceintes, les nourrissons, les enfants, les adolescents, les personnes malades. Il souhaite également savoir si elle compte porter une loi Evin sur le thon afin d'interdire la publicité sur le thon en conserve.
Réponse publiée le 27 mai 2025
Dans le cadre de l'actualisation des recommandations alimentaires du Programme national nutrition santé (PNNS), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a publié un rapport en 2016 afin de réviser les repères de consommation de la population générale en prenant en compte, d'une part, la couverture des besoins nutritionnels, et d'autre part, l'exposition aux contaminants. Le mercure fait partie des contaminants environnementaux pris en compte dans ce rapport, afin de s'assurer que l'exposition alimentaire de la population ne dépasse pas la valeur de référence, à savoir la dose hebdomadaire tolérable établie par l'autorité européenne de sécurité des aliments à 1,3 µg/kg. Dans un souci de protection, l'ANSES a réalisé des simulations selon une hypothèse maximaliste, à savoir que dans les poissons, 100 % du mercure était présent sous forme de méthylmercure, soit la forme toxique de la substance ayant des effets sur la santé humaine. Les travaux ont ainsi conduit à recommander dans le PNNS pour la population générale la consommation de deux portions (une portion ne dépassant pas 100 g) de poissons par semaine, dont un poisson gras, tout en variant les espèces et les sources d'approvisionnement. Pour les femmes enceintes et allaitantes ainsi que les enfants en bas âge (moins de 3 ans), l'ANSES recommande de prendre des précautions particulières en limitant la consommation de poissons prédateurs sauvages, tels que le thon, susceptibles d'être fortement contaminés. Sur la base des derniers niveaux de contamination du poisson au mercure estimés par l'ANSES (0,13mg/kg dans l'étude EAT 2, 2006-2010), le respect des recommandations du PNNS permet de satisfaire les besoins nutritionnels essentiels pour un bon état de santé (i.e. apports en fer et oméga-3) tout en limitant la contamination au mercure. Alors que de nouvelles données plus récentes de contamination sont attendues dans le cadre de l'étude EAT 3 de l'ANSES, les autorités solliciteront l'agence afin de s'assurer que les recommandations alimentaires du PNNS restent protectrices pour la santé au regard des niveaux de contamination des poissons en mercure. Le cas échéant, des réflexions seront engagées par la direction générale de la santé afin de renforcer la diffusion et la communication des recommandations nutritionnelles, en particulier pour les populations plus sensibles. Concernant les contrôles, la direction générale de l'alimentation pilote chaque année une campagne de prélèvements dans le cadre des plans de surveillance et de contrôle, sur tous types de denrées alimentaires y compris des denrées importées de pays tiers. Les programmations annuelles du dispositif PSPC sont toujours consultables en ligne (sur le site BO-Agri).
Auteur : M. Boris Tavernier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 12 mai 2025
Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 27 mai 2025