Projet de décret sur la qualité d'accueil au sein des EAJE
Question de :
M. Christophe Marion
Loir-et-Cher (3e circonscription) - Ensemble pour la République
M. Christophe Marion interroge Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la publication imminente d'un décret visant à renforcer la qualité d'accueil au sein des établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE). Ce projet de décret a été étudié par nombre d'acteurs : le Conseil d'État, le conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), le comité de filière et le Conseil national d'évaluation des normes. Il a pour ambition de supprimer une partie importante des dérogations accordées jusque-là aux micro-crèches afin de rapprocher les normes d'encadrement des micro-crèches de celles des petites crèches. Pour ce faire, ce texte s'appuie sur les recommandations formulées par l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans son rapport de mars 2023 sur la qualité de l'accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches ainsi que sur les préconisations plus récentes de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'IGAS listées dans son rapport de janvier 2024 intitulé « Micro-crèches : modèles de financement et qualité d'accueil ». Pourtant, malgré ces précautions, ce projet de décret suscite des inquiétudes de la part des micro-crèches installées dans les territoires ruraux comme le Loir-et-Cher ainsi que des élus de ces mêmes territoires qui sont nombreux à ne pouvoir disposer sur leur commune que de ce seul mode de garde. Leur inquiétude se concentre sur une disposition particulière : l'obligation de la présence d'au moins une personne diplômée auxiliaire de puériculture parmi les effectifs encadrant les enfants. En effet, la majorité des micro-crèches ne répondent pas à cette exigence et le secteur de la petite enfance souffre aujourd'hui du manque d'au moins 10 000 professionnels. Le recrutement massif d'auxiliaires de puériculture apparaît donc difficilement réalisable. En outre, les micro-crèches ayant des budgets contraints par l'encadrement de leurs prix, il est possible que ce recrutement engendre le licenciement d'un nombre conséquent de salariés diplômés d'un certificat d'aptitude professionnelle à l'accompagnement éducatif petite enfance (CAP AEPE). Des responsables de micro-crèches en Loir-et-Cher relèvent également que ce décret pourrait nuire tant à l'évolution professionnelle des auxiliaires de puériculture en les empêchant d'accéder à des postes de direction que, par conséquent, à l'attractivité de leur métier. Néanmoins, l'amélioration de l'accueil des jeunes enfants est indispensable et primordiale et doit effectivement être un objectif prioritaire de la politique publique de la petite enfance pour répondre aux besoins des enfants. Il est donc utile et pertinent que des décisions soient prises mais, comme le note très justement l'IGAS, l'amélioration de la formation initiale des professionnels et le relèvement général du niveau de qualification « ne pourront pas être atteints si la pénurie actuelle de professionnels n'est pas résolue, ce qui suppose un travail avec les régions pour une augmentation très importante de l'appareil de formation et un travail sur les conditions d'attractivité et la perception sociale des métiers ». Dès lors, M. le député demande à Mme la ministre si elle a bien prévu dans ce projet de décret d'accompagner ses décisions d'une montée en puissance et d'une amélioration de la formation des professionnels de la petite enfance. Il lui demande enfin si la date d'application envisagée pour ce décret, à savoir le 1er septembre 2026, laissera suffisamment de temps aux micro-crèches pour se réorganiser et se mettre en conformité avec ces nouvelles exigences et à la formation initiale et continue de s'amplifier.
Réponse en séance, et publiée le 5 mars 2025
ÉTABLISSEMENTS D'ACCUEIL DU JEUNE ENFANT
M. le président . La parole est à M. Christophe Marion, pour exposer sa question, no 177, relative aux établissements d'accueil du jeune enfant.
M. Christophe Marion . Je souhaite vous interroger sur les dispositions prévues par le décret, à paraître, visant à renforcer la qualité d'accueil au sein des établissements d'accueil du jeune enfant.
Bien que ce projet de décret s'appuie sur le travail rigoureux de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF), il continue de susciter l'inquiétude des gestionnaires de microcrèches et des élus, notamment ceux des territoires ruraux.
En effet, ce texte supprimerait de nombreuses dérogations accordées aux microcrèches, afin de rapprocher leurs normes d'encadrement de celles des petites crèches.
Je salue sincèrement la volonté du gouvernement de garantir aux enfants un accueil de qualité – c'est évidemment primordial. Je remercie également Mme la ministre Catherine Vautrin d'avoir entendu les préoccupations du secteur auxquelles elle a répondu dans un courrier adressé début février aux députés.
J'y lis que l'amélioration de l'accueil des enfants permettra une amélioration des conditions de travail des professionnels, préalable à une plus grande attractivité des métiers.
J'entends. Néanmoins, c'est un peu le serpent qui se mord la queue puisque, pour améliorer l'accueil des enfants, il est proposé de renforcer leur encadrement, et donc de recourir à plus de professionnels, qui plus est mieux diplômés.
Or, vous savez que le secteur de la petite enfance manque d'au moins 10 000 professionnels. Comment, en pratique, procéder au recrutement de ces auxiliaires de puériculture ?
Selon l'Igas, l'amélioration de la formation initiale des personnels et le relèvement général du niveau de qualification « ne pourront pas être atteints si la pénurie actuelle de professionnels n'est pas résolue ». Elle préconise donc une augmentation très importante de l'appareil de formation et une réflexion sur les conditions d'attractivité et la perception sociale des métiers. Le gouvernement l'envisage-t-il ?
Enfin, le projet de décret prévoit des modifications pour l'accès à la direction des microcrèches. Mme Vautrin a annoncé des dispositions dérogatoires pour les personnels déjà en poste. Quelle est la teneur de ces dérogations ? Sous quelles conditions seront-elles accordées ?
M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins . Je réponds pour Mme Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Ce projet de décret est important pour assurer la qualité d'accueil des jeunes enfants. Or, de nombreuses informations erronées ont circulé.
Soyons clairs sur ce que prévoit ce texte, en cours d'examen par le Conseil d'État : il s'agit d'aligner les normes d'encadrement des microcrèches sur les crèches classiques de taille similaire, les petites crèches. Les microcrèches devront compter au moins un professionnel de catégorie 1 et, sous réserve qu'il soit titulaire d'un diplôme, chaque professionnel ne pourra pas encadrer plus de trois enfants. En outre, un directeur ne pourra exercer des fonctions de direction que dans deux établissements au maximum.
Ce décret n'entrera en vigueur qu'à compter du 1er septembre 2026. Les auxiliaires de puériculture occupant le poste de référent technique et disposant d'une expérience de trois ans pourront être maintenus à leur poste. Tous les titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) travaillant déjà dans ces crèches n'auront pas à acquérir le diplôme d'État d'auxiliaire de puériculture et pourront continuer à exercer leur métier.
De nombreuses crèches disposent déjà d'un directeur ou d'un référent technique pour deux structures et 40 % de leur personnel est déjà qualifié de catégorie 1.
Ces mesures sont essentielles pour respecter les besoins des enfants, d'autant que, dans les microcrèches, ces derniers sont les mêmes que dans les petites crèches classiques. Il n'y a donc aucune raison que les conditions d'encadrement diffèrent.
L'État n'abandonne pas les microcrèches : il finance ces établissements, notamment par le versement du complément de libre choix du mode de garde (CMG) aux parents.
Concernant les microcrèches éligibles à la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), j'appelle votre attention : le prix de revient moyen est inférieur au plafond des 10 euros et nous ne disposons d'aucun élément financier me démontrant l'inverse.
Enfin, le gouvernement entend faciliter l'accès au diplôme d'État d'auxiliaire de puériculture – ou à tout autre diplôme appartenant à la catégorie 1 – par voie de validation des acquis de l'expérience, afin de reconnaître l'engagement des professionnels et de renforcer l'attractivité des métiers.
Nous sommes donc pleinement mobilisés pour accompagner ce changement conduit en faveur de nos enfants.
M. le président . La parole est à M. Christophe Marion.
M. Christophe Marion . Je vous remercie. Je serai particulièrement attentif aux mesures dérogatoires prévues par Mme la ministre, afin de sauver certaines microcrèches, notamment en territoire rural.
Auteur : M. Christophe Marion
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions et activités sociales
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 février 2025