Réponse judiciaire aux actes de vandalisme antichrétien
Question de :
M. Auguste Evrard
Pas-de-Calais (8e circonscription) - Rassemblement National
M. Auguste Evrard alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les mesures prises à l'encontre des auteurs d'actes anti-chrétiens visant les lieux de culte en France. Ces dernières années, une série d'incendies criminels et autres actes de vandalisme a ciblé des édifices religieux catholiques, suscitant une vive émotion au sein de la population, attachée à ce patrimoine historique et spirituel. La recrudescence des attaques visant les bâtiments et les biens religieux et l'héritage historique de la France soulève des questions quant à l'efficacité des dispositifs judiciaires et de sécurité existants pour prévenir et réprimer de tels actes. Ainsi, le 2 septembre 2024, l'église de l'Immaculée-Conception de Saint-Omer a été incendiée par un individu multirécidiviste, déjà condamné pour avoir incendié quatre églises dans le Pas-de-Calais en 2021. Auparavant, le 18 juillet 2020, c'était la cathédrale de Nantes qui subissait un incendie criminel provoqué par un demandeur d'asile rwandais sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et qui, plus tard, a assassiné un prêtre alors qu'il était en liberté conditionnelle. Ces évènements s'inscrivent dans une série de vandalisme ciblant les églises et les fidèles catholiques de France. Un rapport parlementaire de mars 2022 relevait d'ailleurs une « gravité croissante » des actes antireligieux dans le pays, avec 857 actes antichrétiens signalés pour l'année 2021, bien que ces chiffres soient déjà considérés comme sous-estimés par le Sénat et le ministère de l'intérieur. Dans ce contexte, M. le député demande à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, de préciser les dispositifs de suivi et d'accompagnement mis en œuvre pour les individus aux antécédents criminels connus, notamment en matière de prévention de la récidive, ainsi que les critères de leur éventuelle remise en liberté ou de leur maintien en détention. Il l'interroge enfin sur les actions spécifiques envisagées pour renforcer la réponse pénale face aux actes anti-chrétiens, en particulier dans les cas impliquant des récidivistes ou des individus identifiés comme potentiellement dangereux, afin d'améliorer la prévention et la répression de ces actes et de garantir la sécurité des lieux de culte.
Réponse publiée le 8 avril 2025
En application de l'article 1er de la loi du 25 juillet 2013 et des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et de l'indépendance de l'autorité judiciaire, il n'appartient pas au garde des sceaux de formuler des appréciations sur les décisions rendues, de donner quelque instruction que ce soit dans le cadre de dossiers individuels ni de commenter les affaires judiciaires en cours. Il revient aux juridictions, dans les limites fixées par la loi et en conciliant d'une part les impératifs de protection des intérêts de la société et de sécurité des citoyens et de sanction de l'auteur avec d'autre part l'impératif de réinsertion des personnes condamnées, de déterminer la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur, et de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 et 132-1 du code pénal. Il est toutefois possible de vous assurer que la lutte contre les infractions commises à raison de l'appartenance à une religion constitue une priorité du ministère de la justice qui déploie en la matière une politique pénale dynamique et empreinte de fermeté. Dans ce contexte, les magistrats, qui sont pleinement conscients que les actions et actes de dégradations de lieux de cultes portent directement atteinte à la liberté religieuse de nos concitoyens, disposent d'un arsenal législatif renforcé pour sanctionner les auteurs de ces infractions. Si l'article 322-1 du code pénal réprime la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui de peines de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, l'article 322-3-1 du code pénal porte ces peines à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque la destruction, la dégradation ou la détérioration vise un édifice affecté au culte. L'auteur encourt également des peines complémentaires telles que l'interdiction de port d'arme pendant une durée maximale de cinq ans ou, lorsqu'il n'est pas de nationalité française, l'interdiction du territoire français à titre définitif ou pendant une durée de 10 ans maximum. Selon l'article 322-6 du code pénal, lorsque la destruction, la dégradation ou la détérioration est commise par l'effet d'une substance explosive d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes, elle est punie des peines de 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, ainsi que par la peine obligatoire d'interdiction de port d'arme pendant une durée maximale de 5 ans. La juridiction dispose enfin de la possibilité de prononcer un suivi socio-judiciaire qui emporte pour le condamné l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, à des mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive. De surcroît, en vertu de la circonstance aggravante générale prévue à l'article 132-76 du code pénal, tout crime ou délit peut voir ses peines encourues aggravées lorsqu'ils sont commis en raison de l'appartenance à une religion déterminée. L'auteur des faits encourt alors également la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité pendant une durée maximale de 10 ans et la peine complémentaire d'interdiction de séjour pendant une durée de 10 ans maximum. L'attention des procureurs généraux et des procureurs de la République est régulièrement appelée quant à l'importance de retenir cette circonstance aggravante lorsque cela est possible, comme en témoignent notamment les circulaires du 20 avril 2017 de présentation des dispositions de droit pénal ou de procédure pénale de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté et du 4 avril 2019 relative à la lutte contre les discriminations, les propos et les comportements haineux. Enfin, l'article 32 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation de l'Eglise et de l'Etat réprime l'entrave à l'exercice d'un culte de la peine d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende lorsque l'auteur a agi par voie de fait ou violence. En cas de récidive, le code pénal prévoit le doublement de l'ensemble des peines encourues. Afin d'assurer la pleine effectivité de ces dispositions, qui ont pour objectif de permettre à la République de garantir à chacun le libre exercice de son culte, le ministère de la justice a publié le 29 avril dernier une circulaire relative au traitement judiciaire des infractions commises à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance à une religion, dans un contexte de séparatisme ou d'atteintes portées à la laïcité. Les parquets sont ainsi appelés à mettre en œuvre une réponse pénale rapide, au plus proche possible de la commission des faits et à tenir des réquisitions empreintes de fermeté à l'encontre des faits les plus graves. La dimension pédagogique de la sanction, notamment dans le cadre de stage de citoyenneté, afin de rappeler les valeurs fondatrices de notre République, doit aussi être recherchée pour les faits de moindre gravité. Les parquets sont aussi invités à maintenir et renforcer la coordination et les partenariats avec les acteurs locaux, représentants des autres ministères et acteurs associatifs. L'impératif de prévention de la récidive, apprécié notamment au regard du passé pénal du condamné, est pris en compte par le juge de l'application des peines tout au long de l'exécution de la condamnation. Ainsi, l'article 707 II du code de procédure pénale impose à ce magistrat de prendre en considération le risque de récidive lorsqu'il statue sur l'octroi d'un éventuel aménagement de peine ou dispositif de sortie anticipée. Après la condamnation, il peut modifier les mesures en cours (sursis probatoire ou suivi socio judiciaire notamment) en ajoutant des obligations ou interdictions au condamné, afin de limiter le risque de nouveau passage à l'acte (par exemple, interdiction de fréquenter certains lieux, obligation d'indemniser la victime…). Enfin, après la libération du condamné, l'impératif de prévention de récidive est susceptible de donner lieu à l'application de mesures de contrôle et de sûreté, au regard de la dangerosité du condamné ou de son passé pénal, à l'instar du placement sous surveillance électronique mobile qui peut être ordonné en cas de crime ou délit commis une nouvelle fois en récidive (article 131-36-10 du code de procédure pénale) ou de la surveillance judiciaire de personnes dangereuses, prévue par les articles 723-29 et suivants du code de procédure pénale.
Auteur : M. Auguste Evrard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité des biens et des personnes
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025