Transferts sous escorte vers les pays du Maghreb
Question de :
Mme Sophie Blanc
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Rassemblement National
Mme Sophie Blanc interroge M. le ministre de l'intérieur sur une problématique qui touche à l'efficacité des missions de service public assurées par les compagnies aériennes, notamment dans le cadre des transferts sous escorte vers les pays du Maghreb. Cette question se pose de manière particulièrement aiguë lorsque des filiales d'Air France, telles que Transavia, ne prennent pas en charge certaines missions essentielles de service public, alors même qu'elles bénéficient de soutiens importants de la part de l'État. En effet, il apparaît que Transavia, bien que filiale du groupe Air France-KLM, refuse de participer aux opérations de transfert d'étrangers en situation irrégulière vers les pays du Maghreb et plus particulièrement dans le cadre des escortes organisées pour assurer les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Cette décision est d'autant plus surprenante qu'Air France, sa maison mère, est largement impliquée dans la gestion de ces missions sensibles, étant fréquemment sollicitée par les autorités françaises pour organiser ces vols sous escorte. La situation devient particulièrement complexe lorsque l'on considère que certaines liaisons directes vers le Maghreb, notamment vers le Maroc, sont assurées par Transavia au départ de villes comme Perpignan. Or malgré ces liaisons existantes, les transferts sous escorte nécessitent actuellement des détours par des aéroports plus éloignés, tels que Paris ou Marseille, créant ainsi des coûts supplémentaires et des délais allongés, tant pour les forces de l'ordre que pour l'administration. Cet état de fait constitue une charge financière et administrative significative pour les autorités compétentes, qui doivent organiser des escortes routières ou ferroviaires vers ces hubs aéroportuaires. Incohérence entre la mission de service public d'Air France et celle de Transavia : l'une des principales questions soulevées ici est celle de la cohérence des politiques de ces compagnies aériennes appartenant au même groupe. D'un côté, Air France assume pleinement son rôle dans la gestion des transferts sous escorte, tandis que sa filiale, Transavia, se dérobe à cette responsabilité. Pourtant, étant donné que Transavia bénéficie d'un soutien étatique similaire à celui d'Air France, notamment par l'accès à des créneaux horaires avantageux dans les aéroports et la perception d'aides financières, il semble légitime d'attendre qu'elle remplisse, elle aussi, certaines obligations de service public. Cette différence de traitement semble d'autant plus incohérente au regard de l'importance stratégique du Maghreb dans la politique migratoire française. Selon des informations récentes, Transavia continue de développer ses capacités sur les lignes vers le Maghreb, augmentant significativement le nombre de sièges disponibles, notamment vers l'Algérie. Pour l'été 2024, elle prévoit d'opérer près de 875 000 sièges entre la France et l'Algérie, avec des vols fréquents au départ de plusieurs grandes villes françaises, telles que Paris, Nantes, Lyon, Montpellier et Strasbourg. De même, des liaisons vers le Maroc sont assurées depuis Perpignan, une ville stratégique proche de l'Espagne, facilitant ainsi l'accès direct au Maghreb pour les voyageurs. Pourtant, cette même compagnie n'accepte pas de se voir confier les missions de transfert d'étrangers en situation irrégulière, obligeant ainsi les services publics à rediriger ces missions vers d'autres compagnies et aéroports. Il s'agit là d'un manque d'efficacité notable et d'une déperdition de ressources qui pourrait être évitée avec une meilleure coordination. Impact sur les forces de l'ordre et coûts induits : les refus de Transavia de procéder à ces transferts génèrent des coûts supplémentaires, tant en termes financiers qu'en ressources humaines. Le recours à des aéroports plus éloignés implique la mobilisation de personnels supplémentaires, non seulement pour assurer les transferts en question, mais également pour garantir la sécurité des escortes durant tout le processus. Cela nécessite l'allongement des temps de déplacement et l'affectation de personnels sur des missions longues, chronophages et coûteuses, mobilisant des moyens policiers ou gendarmiques pendant plusieurs heures. À titre d'exemple, le transfert d'un individu sous escorte depuis Perpignan, où des vols vers le Maroc sont assurés, mais où Transavia refuse d'embarquer des individus en situation d'OQTF, nécessite souvent de rediriger l'opération vers des aéroports plus grands comme Marseille ou Paris. Cela ajoute des coûts significatifs pour l'État, qui doit financer à la fois les frais de transport vers l'aéroport, la sécurité pendant le trajet et les frais supplémentaires liés à l'organisation du vol avec d'autres compagnies aériennes. De plus, ces transferts retardés ou compliqués affectent directement la charge de travail des forces de l'ordre, qui voient leur efficacité diminuer en raison de ces contraintes logistiques. Les gendarmes et policiers affectés à ces missions pourraient être réassignés à d'autres tâches de sécurité publique, mais leur immobilisation prolongée pour des missions d'escorte est une perte de productivité pour les forces de sécurité intérieure. Une question de justice et d'équité territoriale : l'exemple de Perpignan n'est pas isolé. Dans d'autres régions, notamment en province, les autorités locales sont souvent confrontées à ce type de blocage opérationnel lorsque les compagnies locales, comme Transavia, refusent d'assumer les missions de service public. Cette situation accentue les inégalités territoriales, en imposant des contraintes supplémentaires aux régions éloignées des grands hubs aéroportuaires. Les autorités de ces territoires doivent multiplier les démarches pour organiser les transferts, alors qu'une meilleure coordination avec les compagnies locales permettrait une gestion plus fluide et moins coûteuse. Cette inégalité de traitement entre les grandes villes, dotées d'infrastructures plus importantes et les régions périphériques, est d'autant plus problématique que les villes comme Perpignan jouent un rôle stratégique en matière de contrôle des flux migratoires. Située non loin de la frontière espagnole, Perpignan pourrait justement être un point d'embarquement direct et efficace pour les expulsions vers le Maghreb, si seulement Transavia acceptait de jouer un rôle dans ces missions. Le rôle de Transavia dans la gestion des flux migratoires : la gestion des flux migratoires est l'une des priorités du Gouvernement et les compagnies aériennes ont un rôle à jouer dans cette mission de service public. Il semble impératif que des compagnies comme Transavia, qui profitent largement des aides publiques et des infrastructures aéroportuaires subventionnées, soient soumises à des obligations similaires à celles d'Air France en ce qui concerne la gestion des transferts sous escorte. Il est donc légitime de s'interroger sur les raisons pour lesquelles Transavia, bien que pleinement intégrée au groupe Air France-KLM, refuse de participer à ces opérations, alors qu'elle assure des liaisons régulières vers le Maghreb. Une réflexion s'impose quant à l'adoption de mesures incitatives ou contraignantes à l'égard de ces compagnies afin de les amener à participer pleinement aux missions de service public. Il serait pertinent d'envisager la mise en place de nouveaux dispositifs règlementaires qui obligeraient toutes les compagnies aériennes opérant sur des liaisons internationales au départ du territoire français à se conformer aux mêmes exigences en matière de transferts sous escorte. En conclusion, M. le ministre, il est urgent de clarifier la situation et d'assurer une meilleure coordination entre les compagnies aériennes et les autorités publiques dans la gestion des OQTF et des missions sous escorte vers les pays du Maghreb. Transavia, en tant que filiale d'Air France, se doit de respecter des obligations similaires à celles de sa maison mère en matière de service public et il semble injustifié qu'elle puisse échapper à ses responsabilités alors qu'elle bénéficie des mêmes soutiens publics. Aussi, Mme la députée demande à M. le ministre de bien vouloir clarifier les positions du Gouvernement sur ce sujet. M. le ministre envisage-t-il d'imposer de nouvelles obligations à Transavia afin qu'elle prenne part aux missions de transfert sous escorte, notamment depuis les aéroports régionaux comme Perpignan ? Enfin, elle souhaite connaître les mesures qui pourraient être mises en place pour garantir une équité de traitement entre les différentes compagnies aériennes, afin que l'ensemble du territoire soit efficacement couvert en matière de gestion des expulsions.
Auteur : Mme Sophie Blanc
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité des biens et des personnes
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date :
Question publiée le 5 novembre 2024