Question au Gouvernement n° 180 :
Quotas de pêche

17e Législature

Question de : M. Damien Girard
Morbihan (5e circonscription) - Écologiste et Social

Question posée en séance, et publiée le 14 novembre 2024


QUOTAS DE PÊCHE

Mme la présidente . La parole est à M. Damien Girard.

M. Damien Girard . Ma question s'adresse à M. Fabrice Loher, ministre délégué à la mer et à la pêche. Pourquoi avoir trahi la pêche française ? L'Annelies-Ilena est un gigantesque navire-usine néerlandais qui bat pavillon polonais. Ce monstre de 145 mètres est capable de capturer jusqu'à 400 tonnes de poissons par jour.

Le 5 novembre, vous affirmiez au Sénat qu'aucune décision n'avait été prise concernant un transfert de quota de pêche au bénéfice de ce navire. Or, quelques jours plus tard, vous confirmiez un échange de quota de 22 000 tonnes de merlan bleu.

Ce navire est tellement grand qu'il ne peut accéder au port de Saint-Malo, où se situe l'usine de transformation. Le merlan bleu sera donc débarqué aux Pays-Bas, puis arrivera pour partie à Saint-Malo par transport routier.

Si cet accord est bien un échange, pouvez-vous éclairer notre assemblée sur le quota récupéré par la France ? Quels bénéfices, concrets et chiffrés, pour les pêcheurs français, qui ont dû abandonner 42 % de leur quota de merlan bleu à la Pologne ? (M. Didier Le Gac s'exclame.) Ces opérations sont-elles menées en transparence et avec la validation de la Commission européenne, comme l'impose la politique commune des pêches ?

Vous avez renvoyé à votre prédécesseur la responsabilité de cette décision. Pourtant, l'arrêté de transfert de quota a été pris le 4 novembre, un mois après votre prise de poste. Vous disposiez de ce mois pour annuler la décision et adopter une ligne responsable : celle qui protège l'océan et la biodiversité, qui défend la pêche artisanale et qui rejette l'accaparement de nos ressources par une poignée d'industriels, au détriment de la pêche française. Pourquoi ne pas avoir fait ce choix courageux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre délégué chargé de la mer et de la pêche.

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche . Je ne relèverai pas le caractère très excessif de vos propos, pleins d'approximations et de contre-vérités. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)

Mme Marie-Charlotte Garin . Et le caractère méprisant des vôtres ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué . Je vous remercie toutefois de votre question qui permettra, je l'espère, d'apporter de l'apaisement sur un sujet qui, j'en suis conscient, suscite de l'émoi.

Je viens en effet d'être saisi d'une nouvelle demande d'échange de quota par la Compagnie des pêches de Saint-Malo, afin d'exploiter en mer du Nord un quota de merlans bleus, espèce qu'elle cible historiquement, au moyen d'un navire de pêche sous pavillon polonais, l'Annelies-Ilena. Le groupe a investi 15 millions sur ce navire, en y installant une usine embarquée, le précédent navire, le Joseph-Roty 2, étant arrivé en fin de vie après cinquante ans d'exploitation.

Je le dis très clairement : le Gouvernement assume pleinement que des échanges de quota soient réalisés entre États membres de l'Union européenne (M. Vincent Rolland applaudit) dès lors que ces accords génèrent des retombées économiques suffisantes pour la filière française – ce qui est le cas dans l'exemple que nous évoquons. De tels échanges, dont la possibilité est d'ailleurs prévue par la politique commune des pêches, sont indispensables pour optimiser la consommation de nos quotas.

Deux échanges de merlans bleus ont ainsi été validés depuis le début de l'année 2024 par mon prédécesseur – que je salue –, pour un total de 22 000 tonnes, ce qui a permis au navire Émeraude, sous pavillon français, de pêcher plusieurs centaines de tonnes de cabillauds arctiques. Le nouvel échange – dont je viens de demander la validation à mon administration – porte sur 15 000 tonnes de merlans bleus. Il permettra à ce même navire d'accéder à un nouveau quota de 500 tonnes de cabillauds supplémentaires.

Je l'affirme avec clarté : ces échanges ne constituent pas un transfert définitif de quota de pêche. Ces droits doivent rester sous pavillon national, et de telles opérations s'accompagnent forcément de contreparties.

De même, du point de vue environnemental, je précise que le stock de merlans bleus est en bon état de conservation et fait l'objet d'une exploitation maîtrisée, sur la base d'avis scientifiques.

La grande pêche est une composante à part entière de la pêche française.

Mme la présidente . Monsieur le ministre délégué, je vous demande de conclure.

M. Fabrice Loher, ministre délégué . La compagnie des pêches de Saint-Malo emploie près de 300 salariés dont 70 marins. Ces emplois dépendent tous directement de l'activité des navires concernés… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l'orateur. – Quelques députés des groupes EPR et DR applaudissent ce dernier.)

Mme la présidente . La parole est à M. Damien Girard.

M. Damien Girard . Je vous remercie pour votre réponse. Vous confirmez donc que la France a échangé 22 000 tonnes de merlans bleus contre moins de 1 000 tonnes de maquereaux. C'est totalement inéquitable et très mauvais pour la pêche française. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

Données clés

Auteur : M. Damien Girard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle

Ministère interrogé : Mer et pêche

Ministère répondant : Mer et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 novembre 2024

partager