Question orale n° 182 :
Pratique croissante des coupes rases : le cas de la forêt de Montmorency

17e Législature

Question de : M. Emmanuel Maurel
Val-d'Oise (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine

M. Emmanuel Maurel interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la pratique des coupes rases dans les forêts françaises. Nécessaires lorsqu'il s'agit de lutter contre la propagation de certaines maladies ou parasites, parfois utiles pour favoriser la régénération en créant des conditions favorables à la croissance de nouvelles pousses, les coupes rases sont trop souvent menées dans un but étroitement économique. Des propriétaires de surfaces forestières remplacent ainsi des essences par d'autres, plus rentables, comme par exemple dans le massif du Morvan. Il en résulte une perte de biodiversité qui peut être irréversible, ainsi qu'une érosion des sols et des modifications du cycle de l'eau préjudiciables pour le biotope. Dans le département du Val-d'Oise, la forêt de Montmorency, véritable poumon vert d'une surface de 2 200 hectares, a subi plusieurs coupes rases (la dernière date d'octobre 2024, sur 6 hectares soit 12 terrains de football), contre lesquelles se mobilisent des élus locaux de toutes sensibilités politiques et de nombreux militants associatifs. Ceux-ci souhaitent engager avec l'Office national des forêts un débat approfondi et exigeant sur les motivations qui l'ont conduit à procéder à ces coupes rases, car il peut arriver que la justification sanitaire - en l'occurrence la propagation de la « maladie de l'encre » - vienne en renfort d'une finalité essentiellement économique, car l'ONF procède aussi à la vente d'une partie du bois coupé. Ce débat leur semble d'autant plus nécessaire que l'ONF n'a pas, jusqu'à présent, démontré d'attachement au dialogue et la concertation. Ils déplorent à raison le coût environnemental de ces opérations, qui se sont traduites par la mise en danger d'espèces d'oiseaux comme les pics ou les sittelles et d'insectes comme les xylophages ou les chiroptères. Ils font également remarquer que les coupes réalisées avec de gros engins de chantier peuvent contribuer à étendre les maladies. Ils se désolent enfin des transformations et destructions du paysage occasionnées par les coupes rases dans une forêt fréquentée par des millions de promeneurs. M. le député rappelle au Gouvernement que la législation européenne en matière de lutte contre la déforestation comporte un volet sur la déforestation issue des pratiques de dégradation forestière, dont les coupes rases font partie. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse en séance, et publiée le 5 mars 2025

FORÊT DE MONTMORENCY
M. le président . La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour exposer sa question, no 182, relative à la forêt de Montmorency.

M. Emmanuel Maurel . Je souhaitais interroger la ministre de la transition écologique, notamment chargée de la forêt, sur un sujet important pour les habitants du Val-d'Oise, je veux parler des coupes rases.

Ces coupes rases sont nécessaires lorsqu'il s'agit d'éviter la propagation de certaines maladies ou parasites ; elles sont parfois utiles pour favoriser la régénération des espèces, mais elles sont trop souvent hélas effectuées avec un objectif étroitement économique.

Or les coupes rases ont des conséquences pour l'environnement. D'abord une perte de biodiversité, qui peut être irréversible, mais aussi une érosion des sols et des modifications du cycle de l'eau, préjudiciables au biotope.

Dans le département du Val-d'Oise, la forêt de Montmorency est un véritable poumon vert de près de 2 200 hectares. Or elle subit régulièrement des coupes rases, la dernière remontant à octobre 2024, sur 6 hectares, soit l'équivalent de douze terrains de football.

Ces coupes rases suscitent évidemment l'émotion des élus locaux, des associations mais aussi des promeneurs, dont je fais partie. C'est pourquoi les élus souhaitent engager avec l'Office national des forêts (ONF) un débat approfondi et exigeant sur les raisons qui l'ont conduit à procéder à de telles coupes rases. Souvent, en effet, la justification sanitaire – en l'occurrence, la maladie de l'encre – recouvre surtout des raisons économiques – je rappelle que l'ONF vend le bois abattu. Ce débat est d'autant plus nécessaire que l'ONF n'a pas, jusqu'à présent, fait preuve d'un esprit de dialogue et de concertation.

Les élus locaux et les associations déplorent le coût environnemental de ces opérations, qui se sont traduites par la mise en danger d'un certain nombre d'espèces animales dont des insectes. Ils font également remarquer que les « coupes réalisées avec de gros engins de chantier peuvent contribuer à étendre les maladies ». Ils se désolent enfin des transformations et destructions du paysage occasionnées par les coupes rases, dans une forêt fréquentée par des millions de promeneurs. Je rappelle que nous parlons de la forêt dans laquelle Jean-Jacques Rousseau aimait à herboriser : autant dire que nous sommes dans le patrimoine national !

Le gouvernement est censé respecter la législation européenne en matière de lutte contre la déforestation, laquelle comporte un volet sur la déforestation issue des pratiques de dégradation forestière, dont les coupes rases font partie. Les Val-d'Oisiens comptent donc sur lui pour qu'il les aide à régler ce problème.

M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins . Voici les éléments que m'a transmis Mme la ministre de la transition écologique. Les coupes rases constituent un sujet sensible auquel le gouvernement apporte son attention afin de mieux les expliquer et de mieux les encadrer. À ce sujet, il convient de citer des données issues de l'inventaire national réalisé par l'Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) : chaque année, la surface concernée par des coupes de plus de 90 % du couvert représente seulement 10 % de l'ensemble des coupes réalisées en France, soit 0,35 % de la surface totale des forêts métropolitaines, et cette surface est stable dans le temps.

À titre personnel, monsieur le député, j'avoue cependant partager votre réaction face aux coupes rases effectuées sur mon territoire.

Ma collègue indique ensuite que l'IGN recense parmi ces surfaces les coupes réalisées pour des raisons sanitaires, dans des cas de dépérissement massif des épicéas et des châtaigniers.

Elle comprend néanmoins que l'impact d'une coupe rase sur les paysages soit ressenti par certains comme une grande violence, mais seule une très petite surface de nos forêts est concernée, et de nombreux forestiers privilégient la régénération naturelle, complétée par des enrichissements destinés à diversifier les peuplements et à les rendre plus résilients face au climat de demain.

Vous évoquez spécifiquement la forêt domaniale de Montmorency. Cette forêt est constituée en grande majorité de peuplements purs de châtaigniers. Depuis 2018, les dépérissements causés par la maladie de l'encre se sont accélérés. Plus de 280 hectares de châtaigniers ont ainsi été renouvelés, avec, pour l'essentiel, des essences feuillues, diversifiées à plus de 85 %. L'ONF a organisé des échanges avec les parties prenantes et reste bien entendu ouvert au dialogue. L'aménagement de la forêt sera d'ailleurs très bientôt révisé, et une large concertation, intégrant les élus locaux, sera lancée.

Il convient de rappeler que les coupes rases sont un acte sylvicole qui intervient dans un contexte précis, en l'occurrence en réaction à une maladie dévastatrice pour les arbres. Il s'agit donc plutôt d'une coupe sanitaire que d'une coupe rase, et il est essentiel de l'expliquer.

Vous évoquez également l'encadrement de la pratique des coupes rases. Les nouveaux schémas régionaux de gestion sylvicole, sur lesquels s'appuie l'agrément des documents de gestion durable des forêts privées, comprennent des seuils de surface.

Je vous confirme enfin que la mise en œuvre des nouveaux textes communautaires amène à vérifier que le cadre existant permet bien d'apporter toutes les garanties de gestion durable. Le ministère de la transition écologique y travaille actuellement.

Données clés

Auteur : M. Emmanuel Maurel

Type de question : Question orale

Rubrique : Bois et forêts

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 février 2025

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