Question écrite n° 1835 :
Multiplication alarmante des vols de bois dans les forêts privées en Meuse

17e Législature

Question de : M. Maxime Amblard
Meuse (1re circonscription) - Rassemblement National

M. Maxime Amblard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la multiplication alarmante des vols de bois dans les forêts privées du sud de la Meuse. Ces vols, particulièrement organisés et méthodiques, portent un grave préjudice aux petits propriétaires forestiers locaux, dont les pertes, tant économiques qu'écologiques, s'élèvent déjà à plus de 150 000 euros. Les propriétaires voient leurs parcelles dégradées et impraticables et des chênes de haute qualité abattus et emportés sans contrat de vente. Les organisations syndicales locales et les autorités déplorent l'insuffisance de moyens pour lutter efficacement contre ce fléau. Face à l'ampleur de ce phénomène, M. le député souhaiterait savoir quelles mesures le ministère envisage pour renforcer la sécurité des forêts privées et soutenir les propriétaires concernés, notamment à travers la mise en place d'un réseau de vigilance citoyenne, associant chasseurs, forestiers privés et collectivités locales et l'installation de dispositifs de surveillance adaptés. Par ailleurs, il lui demande si des actions sont prévues pour anticiper et accélérer la mise en œuvre d'une traçabilité obligatoire des bois sur l'ensemble du territoire, notamment dans le cadre du règlement européen contre la déforestation, dont l'entrée en vigueur est actuellement reportée à 2026. Enfin, il aimerait connaître la position du ministère de l'intérieur, en concertation avec le ministère de la justice, sur un éventuel durcissement de la législation pénale applicable aux vols de bois en forêts privées, à travers la création de circonstances aggravantes ou le renforcement des peines, dont l'objectif serait de rendre plus dissuasives les sanctions face aux réseaux organisés soupçonnés de cibler les forêts, notamment celles de l'Est de la France.

Réponse publiée le 14 janvier 2025

En métropole, la forêt occupe 31 % du territoire, soit 17 millions d'hectares. Les infractions subies par la filière bois depuis le 1er janvier 2021 sont géographiquement dispersées, en adéquation avec la carte forestière française, notamment au sud de l'axe allant du département des Ardennes à la Gironde. Les atteintes subies par cette filière, et par ricochet par les petits propriétaires forestiers, sont majoritairement des vols de bois. Le bois volé est très souvent celui stocké sur le bord de routes ou de chemins dans l'attente d'une prise en charge. Il l'est également par prélèvement direct d'arbres sur les parcelles voisines de l'exploitation sur laquelle une coupe licite a lieu. Le règlement déforestation de l'Union européenne (RDUE), dont l'entrée en vigueur a été reportée à 2026, fait à nouveau l'objet de discussions entre le Parlement et le Conseil européens. Dans ce contexte, il pourrait se révéler inopportun pour les autorités françaises d'édicter une nouvelle réglementation sur la traçabilité des produits en prenant le risque d'une contradiction avec le futur règlement européen (considérant notamment qu'en droit communautaire, les règlements, à l'inverse des directives, sont d'application directe en droit national). De surcroît, toute évolution normative sur la matière environnementale relève des prérogatives du ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, et non de celles du ministère de l'intérieur. Comme le prévoit le code forestier dans son article L. 163-7 (section 4 : infractions commises en forêt d'autrui), la coupe ou l'enlèvement d'arbres est puni conformément aux dispositions du code pénal (CP) traitant du vol (infraction délictuelle sanctionnée de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende). Si ce vol est réalisé en réunion, il est passible de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Cependant, le code forestier ne prévoyant actuellement pas la possibilité de poursuivre les faits de coupe ou d'enlèvement de bois en forêt d'autrui en bande organisée, une réflexion pourrait être conduite afin de procéder à la modification rédactionnelle de la disposition susvisée, en l'intégrant au titre XXV du code de procédure pénale. Ainsi, il pourrait se révéler opportun de procéder à l'ajout d'un nouvel alinéa 2 à l'article L. 163-7 du code forestier prescrivant que la coupe ou l'enlèvement d'arbres ayant au moins 20 centimètres de circonférence en bande organisée est puni conformément à l'alinéa 1er de l'article 311-9 du CP, soit 15 ans de réclusion criminelle et 150 000 euros d'amende. La gendarmerie, à travers le CESAN (commandement pour l'environnement et la santé), a déjà engagé une réflexion sur la problématique de la lutte contre la coupe illégale de bois (contrôle des transporteurs de bois, identifications des bois) et s'attache à sensibiliser les enquêteurs environnements et les unités de gestion des flux (brigades motorisées notamment). La sécurisation des propriétés forestières privées par le biais de la création d'un réseau de vigilance citoyenne et de l'installation de dispositifs de surveillance adaptés ne peut que s'intégrer dans un schéma global. Les mesures de protection passive des propriétés privées relèvent principalement de la responsabilité des propriétaires fonciers (pose de clôture, installation de caméras de surveillance, contrat avec des sociétés de sécurité privées). Pour répondre à ces atteintes, la gendarmerie nationale s'appuie sur une occupation toujours plus importante de l'espace public, afin de déceler les potentiels délinquants et de dissuader le passage à l'acte. La création en cours de 239 nouvelles brigades, dont un tiers de brigades mobiles, concourent à la densification du maillage territorial de la gendarmerie nationale. Plus d'une vingtaine de ces nouvelles brigades seront spécifiquement employées dans la lutte contre les atteintes à l'environnement. Les exploitants ont également la possibilité de bénéficier des services, à titre gracieux, de la chaîne de prévention situationnelle, composée des correspondants sûreté (présents dans chaque brigade) et des référents sûreté (présents dans chaque département). Ces experts sont à même de prodiguer des conseils de sûreté et de réaliser des études pour sécuriser au mieux les lieux exposés aux phénomènes de délinquance. En ce qui concerne plus particulièrement le département de la Meuse, le commandant de groupement a reçu le 18 septembre 2024 le président de Fransylva 55, union syndicale des forestiers privés de la Meuse. La discussion portait sur les vols de bois sur pied commis au préjudice de propriétaires forestiers privés. Sur l'année 2023, en Meuse, 4 vols de bois au préjudice de particuliers ont été recensés, dont notamment le vol de 57 hêtres et 4 chênes. Il s'agissait d'un différend commercial entre propriétaire et exploitant. Depuis le début d'année 2024, 13 plaintes pour vol de bois ont été prises en compte par les unités de gendarmerie meusiennes. Sous l'autorité du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc, la brigade de recherches de Commercy a centralisé 5 procédures portant sur un total de 13 faits et pour un préjudice estimé de 70 000€. L'enquête est en cours.

Données clés

Auteur : M. Maxime Amblard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Bois et forêts

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 12 novembre 2024
Réponse publiée le 14 janvier 2025

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