Question de : M. Patrice Martin
Seine-Maritime (6e circonscription) - Rassemblement National

M. Patrice Martin attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur l'imminence possible de la conclusion de l'accord commercial entre l'Union européenne et le bloc sud-américain du Mercosur d'ici à la fin de l'année 2024. Cette perspective s'intensifie suite à l'accélération des discussions menées par la Commission européenne, soutenue notamment par l'Allemagne et l'Espagne. Selon les dernières informatives relatées par la presse, cet accord pourrait être divisé en deux volets : l'un politique, axé sur les investissements et l'autre purement commercial. Ce second volet pourrait entrer en vigueur par un vote à la majorité qualifiée des vingt-sept États membres (15 États représentant 65 % de la population de l'Union européenne), suivi de l'approbation du Parlement européen, sans consultation des parlements nationaux. Cette procédure, si elle est retenue, constituerait une erreur politique dans le contexte actuel, alors que la France, affaiblie par la récente dissolution et le manque de soutien de certains partenaires européens, peine à défendre ses intérêts. Par ailleurs, les agriculteurs français expriment toujours leur inquiétude concernant l'absence de « clauses miroirs » qui imposeraient aux producteurs du Mercosur les mêmes exigences que celles pesant sur les agriculteurs européens. En réponse à la colère agricole, la Commission européenne envisage la création d'un fonds d'accompagnement des filières les plus exposées, doté d'un milliard d'euros, mais dont le déblocage ne serait envisagé qu'en 2028 et uniquement en cas de distorsion de concurrence avérée. Un tel dispositif ne créerait pas vraiment un climat de confiance pour la conclusion de l'accord commercial, puisqu'il exprime bien les difficultés créées pour certaines filières agricoles et reporte les mesures de soutien à un horizon lointain, sans garantie de compensation immédiate des impacts négatifs de l'accord. À la lumière de ces observations, il demande au Gouvernement de préciser sa position concernant la création de ce fonds d'accompagnement, jugé insuffisant pour compenser les pertes potentielles de l'agriculture française que la ratification de cet accord pourrait engendrer, ainsi que de détailler les actions envisagées pour défendre les intérêts des agriculteurs.

Réponse publiée le 11 février 2025

Le Gouvernement estime que l'annonce de la conclusion de l'accord de commerce avec le Mercosur, le 6 décembre 2024, par la Présidente de la Commission européenne, est particulièrement regrettable. En tout état de cause, cette annonce, si elle engage la Commission, n'engage pas les États membres. En effet, alors que l'annonce de la Commission pouvait laisser penser qu'il s'agissait de la fin du processus, en réalité, ce n'est que le début d'une nouvelle phase dans ces négociations qui durent depuis plus de vingt ans, celle de la ratification et de la signature de l'accord conclu. Ce n'est donc pas la fin de l'histoire. Dans le nouveau texte, il apparaît que les amendements apportés ne sont pas en mesure de répondre aux conditions posées par la France pour rendre l'accord acceptable. Ainsi, il demeure donc inacceptable en l'état. En effet, l'accord conclu comporte de nouvelles concessions faites par l'Union européenne (UE) par rapport au contenu de l'accord de 2019, notamment sur le porc et le biodiésel, sans contrepartie pour les filières européennes et françaises, ce qui risque d'aggraver l'impact anticipé sur l'agriculture européenne. Le texte introduit également un mécanisme de rééquilibrage des concessions inédit et particulièrement regrettable, qui pourrait fragiliser la capacité de l'UE à élaborer et à déployer des mesures de réciprocité adaptées à l'avenir. Or la France a posé des exigences très claires concernant le respect des normes de production sanitaires et des contrôles. Il est essentiel que des règles de commerce justes soient garanties, qui protègent les agriculteurs européens de la concurrence déloyale engendrée par l'importation de produits qui ne respectent pas les mêmes règles de production que celles applicables dans l'UE. De nombreux États membres comme des parlementaires européens partagent les préoccupations du Gouvernement français. En outre, nombreux sont ceux, dans la société civile au sens large, qui refusent que l'agriculture soit considérée comme une variable d'ajustement dans les accords de libre-échange. L'ensemble des conditions que la France a posées n'étant pas satisfaites a priori, la France continuera à s'opposer à la ratification de cet accord. Le Gouvernement reste ainsi déterminé à défendre les intérêts de l'agriculture française avec toute la rigueur nécessaire. Concernant l'agriculture, la Commission évoque l'existence d'un mécanisme de compensation qui serait activable en cas d'impact de l'accord sur les filières européennes. La Commission indique également que les fonds ne seront versés qu'en cas de circonstances exceptionnelles et non prévues. Sur ce sujet, la position du Gouvernement n'a pas changé : la voie de la compensation ne répondra toujours que très imparfaitement à la question de la préservation des intérêts des filières et n'est pas de nature à infléchir la position d'opposition de la France à l'accord. En ce qui concerne le fonds de compensation d'un milliard d'euros, annoncé par la Commission comme une panacée à même de compenser l'impact négatif qu'aurait la mise en œuvre de cet accord sur les filières de production européennes, il convient d'être très circonspect quant à sa réalité, les modélités de sa mise en œuvre et, enfin, sa capacité à effectivement compenser cet impact. La présentation de la Commission, venue présenter l'accord devant le Parlement européen, en janvier, est loin d'avoir rassuré sur ce sujet. S'agissant du calendrier, la Commission indique que la version finale du texte ne devrait être disponible qu'à l'été 2025, après un travail de nettoyage juridique et de traduction. D'ici là, elle devra décider quelle forme juridique elle compte choisir pour l'architecture de l'accord, ce choix déterminant la procédure pouvant conduire à sa signature. En cas de scission de l'accord, la ratification de sa partie commerciale serait possible sans la consultation des parlements nationaux et avec une majorité qualifiée au Conseil de l'UE. La France ne pourrait alors s'y opposer seule : une minorité de blocage constituée d'au moins quatre États membres représentant plus de 35 % de la population européenne serait alors nécessaire pour empêcher sa ratification, ou un rejet d'une majorité au Parlement européen. S'il s'oppose à cette possible scission de l'accord, le Gouvernement se mobilise toutefois depuis déjà plusieurs mois pour réunir, le cas échéant, une minorité de blocage et faire peser les voix nombreuses qui s'opposent à un tel accord. Ce travail commence à porter ses fruits, et la France ne relâchera pas ses efforts.

Données clés

Auteur : M. Patrice Martin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Commerce extérieur

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 12 novembre 2024
Réponse publiée le 11 février 2025

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