Addiction numérique et téléphone scolaire
Question de :
Mme Colette Capdevielle
Pyrénées-Atlantiques (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Colette Capdevielle interroge Mme la ministre de l'éducation nationale sur l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les collèges. L'article L. 511-5 du code de l'éducation, adopté le 30 juillet 2018, dispose : « L'utilisation d'un téléphone mobile ou de tout autre équipement terminal de communications électroniques par un élève est interdite dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges et pendant toute activité liée à l'enseignement qui se déroule à l'extérieur de leur enceinte, à l'exception des circonstances, notamment les usages pédagogiques et des lieux dans lesquels le règlement intérieur l'autorise expressément ». À ce jour, six ans après l'adoption de cette loi, il est alarmant de constater que 84 % des moins de 35 ans se déclarent dépendants au numérique. Entre 11 et 14 ans, les enfants passent en moyenne 8 heures 30 par jour devant différents écrans et chaque foyer compterait environ 10 écrans (données extraites de la proposition de résolution européenne n° 484 du 24 octobre 2024). Les recherches indiquent également que l'augmentation des problèmes de santé mentale chez les jeunes pourrait être due à une dépendance forte aux médias sociaux. Cette situation soulève des préoccupations majeures de santé publique. En parallèle de cette addiction, un phénomène d'illectronisme se fait jour : les mêmes jeunes, qui sont souvent passifs face aux écrans, éprouvent des difficultés à utiliser ces outils de manière positive pour effectuer des recherches ou faire valoir leurs droits. Ils se retrouvent ainsi doublement fragiles : d'un côté, soumis à un contenu numérique qui peut les rendre addicts et de l'autre, incapables d'exploiter ces outils de manière active et constructive. Dans ce contexte préoccupant, Mme la députée souhaite attirer l'attention de Mme la ministre sur un concept novateur : « le téléphone scolaire ». Ce dispositif consisterait à interdire l'apport de téléphones personnels par les élèves et à fournir un téléphone « scolaire » géré par l'établissement. Parmi ses atouts : l'enregistrement des présences sur des bornes, l'envoi de messages importants par la direction, ainsi qu'un GPS permettant de localiser les élèves sur le trajet école-maison. Elle souhaite savoir si des mesures seront prises pour protéger les élèves et si des réflexions sont en cours concernant la création de ce type de dispositif. Les points suivants sont soumis à son appréciation : quelles mesures pourraient être mises en place pour faciliter le financement d'un tel dispositif dans les collèges, en collaboration avec les opérateurs de télécommunications ? Comment le ministère envisage-t-il d'encadrer l'utilisation des écrans afin de favoriser une approche active et constructive, plutôt qu'une consommation passive ? Elle souhaite connaître sa position sur le sujet.
Réponse publiée le 1er juillet 2025
Afin de renforcer l'effectivité de l'interdiction d'utilisation des téléphones portables résultant de l'article L. 511-5 du code de l'éducation dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-698 du 3 août 2018 et dans la lignée des travaux de la commission « écrans », le Gouvernement a souhaité expérimenter à compter de la rentrée 2024 une "pause numérique"au collège. Ce dispositif reposait sur l'expérimentation d'une mise à l'écart effective du téléphone portable des élèves au sein de collèges volontaires. Elle supposait l'organisation par ces établissements d'un véritable temps sans téléphone portable tout au long de la journée scolaire. Les modalités d'organisation de cette"pause numérique" étaient déterminées par chaque établissement volontaire, en lien avec leur collectivité territoriale de rattachement qui pouvaient en assurer le financement. Plus de 110 collèges, répartis dans 25 académies ont mis en oeuvre cette expérimentation, impliquant 32800 élèves. A l'issue de la phase d'évaluation menée en janvier 2025, 78% des établissements expérimentateurs ont émis une appréciation positive quant à l'expérimentation. A ceette occasion, ont notamment été mis en avant une amélioration du climat scolaire, une hausse des interactions entre élèves, une plus grande sérénité des élèves et des personnels. Il en résulte également une adhésion de la communauté éducative et notamment des familles. Cette mesure pourra donc donner lieu à une généralisation. Si la "pause numérique" vise à restreindre l'utilisation des téléphones portables par les élèves tant lors des temps en classe que lors des temps interstitiels, elle n'exclut pas l'usage pédagogique des équipements numériques dans le cadre des différents enseignements. En outre, les élèves reçoivent un enseignement au numérique visant à assurer l'acquisition des compétences numériques tout au long de leur parcours scolaire et à leur permettre de devenir des citoyens éclairés à l'ère du numérique. Le plan d'actions interministériel « pour un usage raisonné des écrans par les jeunes et les enfants » lancé en 2022 vise à promouvoir l'information, l'éducation et l'accompagnement des enfants, des parents et des professionnels à l'utilisation adaptée des écrans. Il a notamment prévu la généralisation de la plateforme Pix pour les élèves de 6e à la rentrée 2023 pour permettre aux enfants et aux jeunes d'acquérir un regard critique et de choisir en connaissance de cause les contenus diffusés par les écrans utilisés. Une sensibilisation débute dès le CM1 et une attestation de compétences numériques est délivrée en classe de 6e, comme elle l'est déjà aux élèves de 3e et à ceux de terminale sous forme de certification. En outre, la refonte du programme de technologie en cycle 4 mis en oeuvre depuis la rentrée 2024 prévoit une place plus importante à l'éducation au numérique et à l'informatique. La place de l'éducation aux médias et à l'information a également été renforcée dans les nouveaux programmes d'éducation morale et civique. La mise en œuvre d'un dispositif permettant la fourniture d'un « téléphone scolaire » se heurterait à différents obstacles. En effet, ce dispositif nécessiterait, d'une part, un engagement financier élevé de la part des collectivités territoriales de rattachement, tant au regard du prix d'achat du matériel que du coût afférent à la maintenance de celui-ci et, d'autre part, de veiller au respect du droit à la vie privée des élèves et de leur famille ainsi que de la réglementation relative aux données à caractère personnel, notamment s'agissant de l'enregistrement des données de localisation. En tout état de cause, la fourniture d'un « téléphone scolaire » ne saurait en elle-même exclure l'utilisation par les élèves de leur téléphone personnel.
Auteur : Mme Colette Capdevielle
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement secondaire
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Dates :
Question publiée le 12 novembre 2024
Réponse publiée le 1er juillet 2025