Question orale n° 186 :
Manque d'accompagnement des élèves en situation de handicap dans le Val-de-Marne

17e Législature

Question de : Mme Clémence Guetté
Val-de-Marne (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Clémence Guetté alerte Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le manque d'accompagnement suffisant et adapté pour les élèves en situation de handicap dans le Val-de-Marne. Dans plusieurs écoles de la 2e circonscription du Val-de-Marne, les parents, les enseignants et les AESH dénoncent la situation intenable liée à la pénurie d'AESH. Dans certaines écoles, il n'y a que 3 ou 4 postes pour accompagner jusqu'à une vingtaine d'élèves, certains avec besoin d'un temps plein. Il manquerait ainsi 40 AESH rien que pour la ville de Choisy-le-Roi. À la rentrée de septembre 2024, le département ne comptait que 2 200 AESH en poste pour près de 9 000 élèves reconnus comme ayant besoin d'un accompagnement humain. Aujourd'hui, 20 % de ces élèves n'ont pas d'accompagnement adapté. Plusieurs milliers d'élèves sont ainsi mal pris en charge, mal-scolarisés, donc discriminés, en souffrance à l'école, en raison de leur handicap. La prédécesseure de Mme la ministre avait été alertée sur la situation d'un élève de la circonscription privé de toutes les sorties scolaires, tenu à l'écart des autres élèves, faute d'accompagnement. L'engagement pour l'inclusion scolaire pris il y a 20 ans est bien loin. Les causes de cette faillite sont pourtant dénoncées unanimement par les syndicats de professionnels. L'académie de Créteil tente depuis des années de recruter plus d'AESH, mais se heurte au manque d'attractivité d'un métier mal payé et aux conditions de travail catastrophiques. Les dispositions de l'Acte II de l'école inclusive, passé en force à la rentrée 2024, ont même conduit à dégrader les conditions de travail des AESH. Ces travailleuses, très souvent des femmes, sont maintenues dans la précarité, avec des temps incomplets imposés et de plus en plus d'élèves à gérer. Mme la députée demande à Mme la ministre d'entendre l'alarme qui vient de l'école, des professionnels qui disent participer malgré eux à une forme de maltraitance et des professeurs ou des parents obligés de se substituer à des agents formés. Elle lui demande quelle mesures elle compte prendre à ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 5 mars 2025

ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP DANS LE VAL-DE-MARNE
M. le président . La parole est à Mme Clémence Guetté, pour exposer sa question, no 186, relative aux élèves en situation de handicap dans le Val-de-Marne.

Mme Clémence Guetté . J'espère moi aussi obtenir une réponse satisfaisante et convaincante. J'attends de voir…

Les alertes et mobilisations en faveur de l’école publique émancipatrice se multiplient, de la part des personnels, des parents d’élèves et des élus, parce que la situation s’aggrave partout. Dans mon département, le Val-de-Marne, le manque d’accompagnement pour les élèves en situation de handicap est probablement l’aspect le plus dramatique et urgent de cette faillite. Nous avons besoin de personnels en nombre suffisant, bien formés et bien rémunérés.

J’étais, l'automne dernier, dans plusieurs écoles de ma circonscription, aux côtés des parents et des enseignants pour dénoncer la situation désormais intenable, liée à la pénurie d’accompagnantes d’élèves en situation de handicap (AESH). À la rentrée de septembre, le département ne comptait que 2 200 AESH en poste pour près de 9 000 élèves reconnus comme ayant besoin d’un accompagnement humain. Aujourd’hui, 20 % de ces élèves ne disposent donc pas d’un accompagnement adapté. Dans certaines écoles, il n’y a que trois ou quatre postes pour accompagner jusqu’à une vingtaine d’élèves notifiés, reconnus comme ayant besoin de cette aide, parfois à temps plein. Il manquerait quarante AESH rien que dans la ville de Choisy-le-Roi.

Il faut se rendre compte de ce que cela veut dire : plusieurs milliers d’élèves sont mal pris en charge dans leurs apprentissages et leur vie quotidienne à l’école ; ils sont donc discriminés et en souffrance en raison de leur handicap ; certains ne peuvent même pas être scolarisés. J’avais alerté votre prédécesseure sur la situation d’un élève de ma circonscription, privé de toutes les sorties scolaires et tenu à l’écart des autres élèves faute d'accompagnement.

Nous en sommes là : bien loin de l’engagement pris il y a vingt ans en faveur de l’école inclusive, des enfants sont exclus de fait. Les causes de cette faillite, bien connues, sont dénoncées unanimement par les syndicats de professionnels. L’académie de Créteil tente depuis des années de recruter davantage d’AESH, mais elle se heurte au manque d’attractivité du métier – euphémisme pour exprimer le fait que ces professionnelles ne sont pas reconnues, n’ont pas de formation adaptée, sont très mal payées et souffrent de conditions de travail catastrophiques, notamment du fait de temps partiels subis qui les contraignent à se démener entre plusieurs écoles et plusieurs enfants aux besoins très différents, avec des journées et des semaines à trous.

Les démissions, burn-out, dépressions et accidents de travail explosent. En janvier dernier, le suicide de Karen, AESH dans l’Eure, dans l’indifférence la plus totale, rappelait les drames de France Télécom. Vous en porterez la responsabilité si votre politique ne change pas radicalement. En effet, les choix opérés par les précédents gouvernements pèsent lourd dans cette souffrance : les dispositions de l’acte II de l’école inclusive, passé en force à la rentrée scolaire 2024, ne répondent en rien aux problèmes et ont même conduit à dégrader les conditions de travail des AESH.

Ces travailleuses sont méprisées par vos choix en matière de politique éducative. Ce sont presque toutes des femmes, bien souvent racisées, qui vivent dans des quartiers populaires et sont souvent elles-mêmes mères isolées. En cette semaine du 8 mars, car la cause des AESH est éminemment féministe, je sonne l’alerte. Il faut écouter ces professionnelles qui disent participer malgré elles à une forme de maltraitance et entendre ces professeurs ou ces parents obligés de se substituer à des agents formés.

Il faut également créer un véritable statut de fonctionnaire pour les AESH, construit avec les accompagnantes et leurs organisations syndicales, rémunérer à sa juste valeur leur travail essentiel de soin, d’attention, de tendresse et d’éducation, recruter et former massivement, en finir avec les pôles inclusifs d'accompagnement localisé (Pial), les pôles d'appui à la scolarité (PAS) et la mutualisation, appliquer une politique coordonnée avec le secteur médico-social et y consacrer des moyens à la hauteur des besoins. L’inclusion des enfants et des futurs adultes handicapés doit être mise au cœur du projet de l'école républicaine. (Mme Mathilde Hignet applaudit.)

M. le président . La parole est à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . Manifestement, nous ne vivons pas dans le même monde.

Mme Clémence Guetté. Sans doute !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État . Nier les efforts réalisés depuis des années pour mieux soutenir nos élèves en situation de handicap constitue vraiment un déni de réalité.

Mme Clémence Guetté. Venez dans ma circonscription !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État . À l'échelle nationale, nous sommes ainsi passés de 110 000 AESH en 2020 à 143 000 en 2024 et à la prochaine rentrée, plus de 340 000 élèves en situation de handicap bénéficieront d'une notification d'aide humaine, avec un taux de couverture dépassant 90 %.

À quelques jours de la célébration de l'anniversaire de la loi de 2005, rappelons-nous aussi que 150 000 élèves en situation de handicap étaient accueillis dans les écoles en 2005, contre 520 000 aujourd'hui. Nous faisons donc des progrès dans la prise en charge des élèves en situation de handicap.

Les notifications tombent tout au long de l'année pour les élèves en situation de handicap, ce qui constitue une grande difficulté pour l'éducation nationale, chargée de trouver des accompagnants dans des délais restreints. C'est pourquoi les pôles d'appui à la scolarité, qui permettent une prise en charge continue par des équipes médico-sociales, autour d'un professeur spécialisé, constituent une réponse adaptée pour apporter au plus vite et au plus près une solution aux besoins des jeunes.

S'agissant des AESH, je conviens qu'il reste des progrès à accomplir. Toutefois, depuis 2017, la rémunération des AESH a été revalorisée de 41 %, le nombre d'AESH en CDI est désormais de 65 % et la transformation de leur contrat en CDI est possible au bout de trois ans. Nous avons étendu leur rôle sur la pause méridienne pour qu'ils bénéficient d'un temps plein. Nous faisons donc le maximum pour améliorer la reconnaissance et les conditions de travail de nos AESH.

Données clés

Auteur : Mme Clémence Guetté

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 février 2025

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