Protection des TPE/PME françaises de la prédation économique internationale
Question de :
M. David Taupiac
Gers (2e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. David Taupiac interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation des petites et moyennes entreprises (PME) françaises menacées dans leur stabilité par des stratégies commerciales aggressives de la part de grands groupes internationaux. Ces entreprises, souvent familiales, jouent un rôle central dans le tissu économique local des régions. Elles font néanmoins face à des défis croissants dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée qui menacent leur stabilité et leur pérennité. L'exemple de la société CDP Distribution, implantée à Auch dans le département du Gers, illustre de manière alarmante cette problématique. Créée dans les années 1950 sous le nom de Garros, cette entreprise a d'abord distribué des articles phytosanitaires et de quincaillerie. En 1987, elle a été reprise par Michel Doligé, qui l'a ensuite renommée CDP Garros, avant de devenir CDP Distribution en 2000. Depuis lors, l'entreprise s'est spécialisée dans le domaine du fait-maison culinaire et de la conserve, notamment à travers la commercialisation des marques Le Parfait et Le Pratique. Le parcours de CDP Distribution est exemplaire : elle a développé la marque Le Parfait en France pendant plus de 35 ans, en assurant sa commercialisation auprès des grandes enseignes de distribution (Leclerc, Auchan, Carrefour, jardineries, libre-service agricole, etc.), représentant à elle seule deux tiers du chiffre d'affaires de l'entreprise. Cependant, en dépit de ses efforts, cette PME familiale est aujourd'hui déstabilisée par l'acquisition de la marque Le Parfait par le groupe américain Berlin Packaging, détenu par le fonds d'investissement américain Oak Hill Capital, en 2022. Cette acquisition, après une série d'opérations initiées par le fabricant de verre Owens-Illinois (O-I), a profondément bouleversé l'équilibre de CDP Distribution, qui se voit désormais retirer la commercialisation d'une marque qu'elle a elle-même développée. Le cas de CDP Distribution est un exemple parmi tant d'autres de PME françaises qui, après avoir bâti leur succès sur plusieurs décennies, sont confrontées à des stratégies de grands groupes internationaux, qui profitent de leur position dominante pour s'approprier des savoir-faire et des innovations sans contrepartie équitable. La stratégie déployée par Berlin Packaging, visant à concurrencer directement les produits développés par CDP Distribution sous la marque Le Pratique, met en péril l'ensemble de l'activité de cette PME, qui se retrouve dans une guerre économique déséquilibrée face à des acteurs financiers internationaux aux moyens disproportionnés. Cette situation soulève de nombreuses questions quant à la protection des PME françaises et de leurs savoir-faire, en particulier lorsque ces entreprises jouent un rôle clé dans l'économie régionale. Il apparaît urgent d'apporter des réponses concrètes afin de limiter l'impact négatif des rachats par des fonds d'investissement étrangers, qui fragilisent les entreprises locales. Face à ce genre de situations, l'emploi local est menacé et le dynamisme économique des territoires, mis en danger. Dans ce contexte, M. le député souhaite savoir quelles mesures M. le ministre compte prendre pour garantir une meilleure protection des entreprises françaises, en particulier les PME et TPE, face aux rachats et aux stratégies agressives des grands groupes internationaux. Il lui demande également s'il envisage de renforcer la législation visant à protéger les innovations, les savoir-faire nationaux et les entreprises locales, face à ces guerres économiques asymétriques, où les fonds d'investissement étrangers semblent avoir un avantage démesuré.
Réponse publiée le 1er avril 2025
Dans le cadre de la concurrence internationale féroce à laquelle nos entreprises font face, le Gouvernement est particulièrement attentif à l'action des fonds d'investissements internationaux. Cette vigilance est pleinement intégrée aux dispositifs nationaux de sécurité économique qui bénéficient à toutes nos entreprises stratégiques quelle que soit leur taille et dont la coordination relève de la direction générale des entreprises, plus particulièrement du service de l'information stratégique et de la sécurité économique (SISSE). Concrètement, le SISSE pilote un dispositif de veille pour détecter tout intérêt étranger sur un actif stratégique aussi tôt que possible mobilisant toutes les administrations, incluant les services de renseignement, au niveau central et local, notamment via les 24 délégués régionaux à l'information stratégique et à la sécurité économique (DISSE), placés sous l'autorité conjointe des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et des préfets de région. Ces dernières années, le référentiel de sécurité économique, qui liste les entités considérées comme stratégiques, s'est considérablement élargi. Il comprend aujourd'hui des entreprises stratégiques, des technologies critiques et des unités de recherche scientifique. Sur ces actifs stratégiques, le SISSE coordonne un travail d'anticipation et de neutralisation des menaces, qu'elles consistent en un rachat hostile, une tentative de prédation sur la propriété intellectuelle, ou en diverses formes d'espionnage ou de déstabilisation économique. En plus d'assurer un rôle de capteurs d'alertes, cette couverture du territoire par les DISSSE, en contact direct avec les écosystèmes stratégiques permet de les structurer sur ces questions, notamment via la désignation au sein des pôles de compétitivité de référents sécurité économique, et de sensibiliser les entreprises, par exemple quant aux réactions à adopter face à une tentative de rachat. Si l'analyse de risques révèle une menace, une palette d'outils peut être mobilisée allant de l'incitation (financements ciblés pour « dérisquer » et catalyser l'investissement privé) à l'obligation (notamment le contrôle des investissements étrangers en France dit « contrôle IEF », prévu par le code monétaire et financier). Le contrôle IEF, étendu depuis la loi de 2019 pour la croissance et la transformation des entreprises (« loi PACTE »), soumet à autorisation préalable du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tout investissement étranger significatif dans une activité ayant un impact sur la sécurité nationale et l'ordre public. En 2023, 255 demandes d'autorisation ont été déposées auprès de la direction générale du Trésor, 135 ont été considérées éligibles et 59 ont fait l'objet d'autorisations sous conditions, qui peuvent concerner le maintien en France d'activités critiques. La politique de sécurité économique vise à permettre aux entreprises de se développer avec des risques maîtrisés. Il est ainsi essentiel que cette politique soit connue des entreprises pour mettre en place les mécanismes internes appropriés. Pour ce faire, le SISSE a édité 28 fiches opérationnelles qui constituent autant de socles informationnels pour les acteurs économiques, qui peuvent aussi recourir à l'outil d'auto-évaluation en ligne gratuit DIAGSECO. Face à des prises de participations d'acteurs étrangers, le recours et le bon usage des droits de propriété intellectuelle (DPI) est une autre facteur de protection à la disposition des entreprises françaises. La loi PACTE a permis une modernisation importante du système français de propriété industrielle : renforcement de la qualité du brevet français en instaurant un contrôle a priori du critère de l'activité inventive et en permettant d'annuler des brevets non valables via une procédure administrative simplifiée d'opposition ; réforme complète du droit des marques avec notamment la déjudiciarisation de certains contentieux ; réforme de la prescription des actions en nullité ; renforcement du rôle du mandataire unique chargé de valoriser les inventions issus de la recherche publique pour accélérer les transferts vers le privé.
Auteur : M. David Taupiac
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Économie, finances et industrie
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 12 novembre 2024
Réponse publiée le 1er avril 2025