Question orale n° 187 :
Logement indigne et insalubre : les bailleurs devant leur responsabilités

17e Législature

Question de : M. Arnaud Saint-Martin
Seine-et-Marne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Arnaud Saint-Martin alerte Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement, sur l'état des logements sociaux dans sa circonscription et sur l'ensemble du territoire. Dans le quartier de l'Almont à Melun, des logements et infrastructures sont dans un état de délabrement avancé. Les habitants et les habitantes subissent des conditions de vie indignes. Moisissures, champignons, infestations de nuisibles (rats, souris, insectes), problèmes électriques et défauts d'isolation se multiplient. Malgré de nombreux signalements adressés au bailleur social par les locataires, aucune amélioration notable n'a été apportée dans certains immeubles. Les résidents et les résidentes vivent dans des conditions précaires. Les enfants doivent porter des manteaux pour faire leurs devoirs en raison du manque de chauffage et certaines familles sont contraintes de quitter temporairement leur logement pour financer elles-mêmes des opérations de désinsectisation. Face aux appels répétés des habitants et des habitantes qui s'épuisent à constater l'étendue et la gravité des conditions durablement dégradées, le bailleur verse dans le tout sécuritaire. Il pointe le trafic de drogue aux abords du quartier, embauche des sociétés de sécurité privée et en appelle au renforcement des contrôles de police. Pendant ce temps, des escaliers endommagés empêchent les personnes âgées d'accéder à leur domicile en toute sécurité et l'absence d'isolation favorise la prolifération de moisissures, mettant gravement en danger la santé des locataires. Un autre exemple frappant qui illustre cette négligence : au lieu de sécuriser un panneau électrique dont les fils sous tension sont à hauteur d'enfant, une simple pancarte « Danger de mort » a été installée, laissant persister un risque majeur pour les résidents et les résidentes. Malheureusement, cette situation ne se limite pas à ce quartier prioritaire de la politique de la ville. Dans de nombreux quartiers populaires, les logements sont vétustes et laissés à l'abandon par des bailleurs qui ne prennent pas leurs responsabilités. Trop souvent, à Melun comme ailleurs, les acteurs publics (collectivités territoriales, services déconcentrés de l'État, Gouvernement) privilégient la réponse sécuritaire au détriment de véritables actions pour améliorer le cadre de vie des habitants et des habitantes. Bien que la lutte contre la dépendance aux stupéfiants doive être menée, tout comme celle contre la criminalité organisée, il est tout aussi crucial d'assurer des conditions de vie dignes aux habitants et aux habitantes. Il est impératif de trouver un équilibre entre ces deux priorités pour garantir un environnement vivable et pacifié. Les habitants et les habitantes des quartiers populaires méritent mieux. Plutôt que de les stigmatiser, il est urgent de leur garantir un logement digne. Il est impératif de lancer un vaste programme de rénovation des logements pour répondre aux exigences de bifurcation écologique de l'habitat (qui doit passer par la rénovation, pas par la démolition systématique), de mettre en place un plan de lutte adapté contre la prolifération des espèces nuisibles, de lutter de fond en comble contre l'habitat insalubre et de sanctionner les bailleurs et syndics qui manquent à leurs obligations et laissent ces espaces se détériorer. Ainsi, il demande quelles actions concrètes elle prévoit de mettre en œuvre pour contraindre les bailleurs négligents à assumer leurs responsabilités et garantir des conditions de vie décentes aux locataires, notamment en matière de lutte contre l'habitat insalubre.

Réponse en séance, et publiée le 5 mars 2025

LOGEMENT SOCIAL
M. le président . La parole est à M. Arnaud Saint-Martin, pour exposer sa question, n°  187, relative au logement social.

M. Arnaud Saint-Martin . Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée du logement. Connaissez-vous le quartier de l'Almont à Melun, dans ma circonscription, où les logements et les infrastructures sont dans un état de délabrement avancé et constatable ? Les conditions de vie y sont indignes, par endroits : moisissures, champignons, infestations de nuisibles, problèmes électriques, défauts d'isolation, et j'en passe.

Les habitants, mobilisés, ont adressé de nombreux signalements au bailleur social – je le nomme, il s'agit d'Habitat 77 –, mais les améliorations, quand il y en a, sont cosmétiques, voire obsolètes. Je l'ai constaté sur place à plusieurs reprises, après des dizaines d'interpellations de locataires livrés à eux-mêmes.

Comment est-il possible, dans ce quartier, comme dans tant d'autres quartiers populaires de notre pays, que des enfants soient obligés de garder leur manteau pour faire leurs devoirs, en raison du manque de chauffage – problème particulièrement aigu en ce moment ? Comment l'État peut-il laisser faire des bailleurs, qui refusent d'organiser des opérations de désinsectisation ? Que fait-il lorsque des escaliers endommagés – ce que j'ai moi-même constaté – empêchent les personnes âgées d'accéder à leur domicile, parfois en étage élevé, en toute sécurité ? Que penser, enfin, de l'absence d'isolation, qui favorise la prolifération de moisissures et met gravement en danger la santé des locataires ?

Les réponses apportées versent dans le tout sécuritaire – c'est à la mode. Le bailleur, comme le gouvernement que vous représentez, ne pointe, dans ses expressions publiques relatives aux quartiers populaires, que le trafic de drogue qui se déroule en bas des tours ou aux abords des quartiers, appelant au renforcement des contrôles de police. C'est la seule véritable position affichée dans l'expression publique du gouvernement, ce qui est tout de même assez indigne.

Les habitants des quartiers populaires méritent mieux. Au lieu de les stigmatiser, il est urgent de leur garantir un logement et des conditions de vie dignes. Puisque les responsables d'une telle situation sont incapables de nous répondre et qu'ils font singulièrement l'autruche, je m'adresse à Mme la ministre chargée du logement en désespoir de cause.

Quand le gouvernement compte-t-il enfin mener un vaste programme de rénovation des logements, afin de répondre non seulement aux exigences minimales de logement décent – rappelons qu'il s'agit pour ce bailleur social d'une obligation légale, et quelques autres sont concernés dans le département –, mais aussi à la nécessaire bifurcation écologique de l'habitat, avec une programmation durable ? Entend-il enfin engager un plan de contrôle adapté de la prolifération des animaux liminaires – problème constamment évoqué par les habitants –, lutter de fond en comble contre l'habitat insalubre et engager des sanctions contre les bailleurs et les syndics qui manquent à leurs obligations et laissent ces espaces se détériorer ?

Ma question est donc très simple : face à la détresse des locataires, quand agirez-vous en conséquence ?

M. le président . La parole est à M. le ministre chargé des transports.

M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement, m'a chargé de vous répondre. Permettre à chacun d'habiter un logement décent, dans le parc privé ou dans le parc social, est l'un des axes prioritaires de l'action du gouvernement. La loi du 9 avril 2024 sur la rénovation de l'habitat dégradé a créé de nouveaux outils, que le gouvernement s'attache à déployer.

En ce qui concerne les logements privés, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) apporte une aide importante aux propriétaires qui s'engagent dans la rénovation de leur bien, en particulier pour les rénovations globales.

S'agissant des logements sociaux, dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), et au-delà des démolitions et des reconstructions, 146 000 logements sont réhabilités au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Dans le cadre du plan de relance, 485 millions d'euros ont été attribués aux bailleurs pour permettre la rénovation de 51 000 logements. Par ailleurs, le fonds national des aides à la pierre (Fnap) a mobilisé en 2023 une enveloppe de 200 millions d'euros, afin de réhabiliter plus de 37 000 logements sociaux. L'État a également engagé près de 200 millions en 2024 pour la rénovation énergétique du parc social, somme dont il disposera de nouveau en 2025. S’ajoute à ces subventions l'entrée en vigueur du dispositif fiscal Seconde vie, en faveur de la réhabilitation ambitieuse du patrimoine HLM de plus de quarante ans.

La feuille de route en faveur du logement social pour l'année 2025, que la ministre chargée du logement a signée avec le secteur en février dernier, permettra de poursuivre les investissements.

Dans votre circonscription, Habitat 77 a pleinement bénéficié de ces aides. Dans le cadre du plan de relance, plus de 5 millions d'euros lui ont été accordés pour la réhabilitation de 727 logements – il avait obtenu 6 millions d'euros en 2023 et 2024, qui ont servi à rénover 861 logements. Ce bailleur bénéficie également du soutien de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), avec 7,1 millions de subventions directes et 5,6 millions de prêts bonifiés.

Le gouvernement est donc particulièrement mobilisé, en Seine-et-Marne comme ailleurs, en faveur de la rénovation des logements, sociaux et privés, afin que tous nos concitoyens puissent habiter dans un logement décent. Enfin, puisque vous y avez fait allusion, j'espère que les questions de drogue et de narcotrafic, que l'on ne peut nier, vous mobiliseront tout autant que celle du logement, ô combien importante.

M. le président . La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.

M. Arnaud Saint-Martin . Je vous remercie pour votre réponse et pour les chiffres que vous venez de donner. Toutefois, je vous invite à visiter les appartements, comme j'ai eu l'occasion de le faire. Des dizaines et des dizaines de locataires sont abandonnés, livrés à eux-mêmes, dans des conditions d'existence particulièrement indécentes, avec des moisissures ou la présence d'animaux liminaires – j'y insiste – dans leurs logements. Nous avons une réponse en chiffres mais il y a aussi une réalité matérielle à laquelle il faut se confronter de manière très directe.

Données clés

Auteur : M. Arnaud Saint-Martin

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Logement

Ministère répondant : Logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 février 2025

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