Question orale n° 18 :
Dégradation de la qualité de l'offre de transport par bus dans le Val-d'Oise

17e Législature

Question de : M. Aurélien Taché
Val-d'Oise (10e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Aurélien Taché attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports, sur la dégradation de la qualité de l'offre de transport en commun par bus dans le Val-d'Oise. La privatisation du réseau de bus en Île-de-France, lancée en 2022 sous l'impulsion d'Île-de-France Mobilité (IDFM), a marqué le début d'un dérèglement complet du service de transport en commun dans sa circonscription du Val-d'Oise. Les usagers constatent des retards systématiques sur certaines lignes, des lignes supprimées, des bus souvent en mauvais état ou en panne, ainsi que des horaires erronés qui ne sont plus mis à jour. La division du réseau de bus de la RATP en 12 zones géographiques, le remplacement des conducteurs et conductrices démissionnaires ou en arrêt de travail par des intérimaires inexpérimentés et moins bien rémunérés coïncident avec une multiplication des incidents sur le réseau de bus du Val-d'Oise. Cette privatisation a également entraîné une grande précarité pour les conducteurs et pour les machinistes-receveurs dont les contrats de droit public ont été transformés en contrats de droit privé. Ces derniers subissent un plan de restructuration massif, dissimulé sous les appels d'offres d'IDFM, qui privilégient le critère du prix comme principal élément de notation, représentant 40 % de la note finale pour l'attribution des délégations de service public. Cette politique conduit à une dégradation significative des conditions de travail des conducteurs et des machinistes-ouvreurs et, par conséquent, à une dégradation du service pour les usagers. De plus, le découpage du réseau de transport, déconnecté des réalités du terrain, engendre un chaos administratif et managérial, avec une fragmentation des équipes, des dépôts et des flottes de véhicules. Par ailleurs, le réseau de bus est principalement utilisé par des populations précaires ou par des personnes ne pouvant pas utiliser la voiture pour des raisons de santé. Ces usagers, ne disposant pas de véhicules personnels, restent fortement dépendants du bon fonctionnement de ce service. Son mauvais fonctionnement pénalise directement ces usagers, qui n'ont pas les moyens d'adapter leurs trajets en recourant à d'autres modes de transport. À cela s'ajoute l'abandon complet de certains quartiers, définis comme « non-prioritaires », qui ne disposent plus d'aucune couverture de transport par bus, pénalisant fortement les habitants, notamment ceux ayant déjà souscrit à un pass Navigo et qui ne bénéficient plus d'un service pour lequel ils ont déjà payé. La mise en concurrence permet d'afficher une réduction des coûts mais elle se répercute sur les salaires, sur les conditions de travail des nombreux employés, sur la qualité du service et sur la capacité des usagers à se déplacer, un besoin fondamental tant sur le plan professionnel que social. Il souhaiterait savoir dans quelle mesure le Gouvernement pourrait intervenir auprès d'IDFM, ou directement, afin de préserver la qualité du service de transport en commun par bus dans le Val-d'Oise.

Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024

TRANSPORTS EN COMMUN DANS LE VAL-D'OISE
Mme la présidente . La parole est à M. Aurélien Taché, pour exposer sa question, no 18, relative aux transports en commun dans le Val-d'Oise.

M. Aurélien Taché . À Cergy-Pontoise, où je suis élu, cela fait bientôt un an que le réseau de bus a été confié à l’entreprise Lacroix & Savac, depuis la mise en concurrence voulue par Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d'Île-de-France. En réalité, cela ne fait même pas un an que la filiale Francilité Seine-et-Oise (FSO) de cette entreprise a repris l’activité, mais les conducteurs et l’ensemble des usagers sont à bout face à la crise totale de notre système de transports. Des élèves n’ont pas vu passer un bus depuis des mois et doivent marcher une heure et demie par jour pour aller à l’école et rentrer chez eux. Des personnes âgées ne peuvent plus se rendre au marché ou s’occuper de leurs petits-enfants. Les personnes qui ne peuvent pas conduire pour des raisons de santé ou des raisons économiques, toutes celles qui n’ont pas le choix de faire autrement qu’avec le bus, n'en peuvent plus. Depuis bientôt un an, toute l’activité de ma circonscription et au-delà est désorganisée. Et ce sont bien sûr les plus modestes de nos concitoyens qui en subissent le plus fortement les conséquences.

Après de très nombreuses démissions, des conducteurs ont dû être arrêtés par leur médecin, broyés par de nouvelles conditions de travail indécentes. Pour faire face, l'entreprise embauche des intérimaires inexpérimentés, sous-payés et qui ne restent pas plus de quelques jours. Le seul avantage qu'ils offrent est de ne pas se plaindre face à la dégradation d’un service qu’ils n’ont jamais connu fonctionnel.

Comme vous le savez, le 7 novembre dernier, une grève a commencé pour que la direction entende les revendications des chauffeurs, qui connaissent leur métier et n’en peuvent plus d’être les seuls à recevoir la colère des usagers. Après vingt jours de mouvement, aucune réelle négociation n'a été entamée de la part de la direction, alors que le service fonctionnait encore parfaitement il y a un an – c’est inouï !

Depuis la reprise de l’activité par FSO, filiale de Lacroix & Savac, qui appartient à Cube Infrastructure, un fonds luxembourgeois, la direction a supprimé les primes des conducteurs, soit une baisse de revenu majeure pour ces employés, alors que la charge de travail a augmenté en raison du vide créé par les démissionnaires et les intérimaires désemparés.

Le salaire à l’entrée est passé de 1 800 euros environ à 1 400 euros, soit plus de 20 % de baisse de salaire. C’est le signe que la direction considère les employés comme une variable d’ajustement. Les feuilles de service des conducteurs sont inacceptables : l'amplitude horaire est passée de huit heures à huit heures quarante-cinq, le temps de pause entre deux courses de dix minutes à quatre minutes, qui se réduisent souvent à trois ou à deux minutes, ou même à aucune, car il faut courir après des temps de parcours qui ne sont plus à jour.

Comment peut-on accepter de ne pas laisser de temps de pause à un conducteur ou à une conductrice de bus qui conduit des enfants et des personnes âgées plus de huit heures par jour ? Comment peut-on accepter une telle catastrophe sécuritaire et sociale ? Les chauffeurs, qui passent des heures sans pouvoir se lever, doivent quotidiennement faire le choix entre prendre leur pause pour assurer leur sécurité et celle des passagers et mettre en retard l'ensemble du service, ou conduire une heure de plus au mépris de toutes les recommandations de sécurité. Voilà où nous mène cette course à la baisse de la dépense !

Les bus eux-mêmes ne sont pas épargnés. Faute d'investissement, le matériel est lui aussi dégradé : les véhicules ne sont plus nettoyés le week-end, ni réparés. On ne compte plus le nombre d'incidents techniques signalés par les chauffeurs et ignorés par leur direction. Trois départs de feu ont été signalés sur des bus en circulation. Combien de temps se passera-t-il avant qu'un accident grave n'arrive ? Ce jour-là, Île-de-France Mobilités (IDFM), Valérie Pécresse et le gouvernement, s'il ne fait rien, seront tous responsables. Lacroix & Savac fait des économies au détriment de la vie des gens parce qu'on le lui permet. Voilà la réalité !

Depuis le 2 septembre dernier, les représentants du personnel ont notifié à la direction un danger grave et imminent, des feuilles de service concrètement intenables, jusqu'à 140 courses annulées par jour, des conditions de travail déplorables et des habitants qui ne comprennent pas l'inaction d'Île-de-France Mobilités. Partout, j'entends : « Si c'étaient les chauffeurs des ministres qui se mettaient en grève, tout serait réglé depuis longtemps ! » Que dois-je répondre aux usagers des bus de Cergy-Pontoise ?

Le parlement du Royaume-Uni vient de voter la renationalisation des rails, après des années d'un service privé déplorable dans les transports. Monsieur le ministre délégué chargé des transports, allons-nous devoir patienter trente ans, comme nos voisins, avant d'agir ou réglerons-nous ce problème dès à présent ? Allez-vous enfin utiliser tous les leviers à votre disposition pour demander à Île-de-France Mobilités de contraindre Lacroix & Savac à revoir sa copie et à négocier sérieusement avec les conducteurs pour qu'enfin l'activité reprenne ? Il y a urgence : dans toute la circonscription et plus généralement à Cergy-Pontoise, les gens attendent votre réponse.

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports . Vous m'interrogez sur la situation des transports publics, en particulier des bus, dans votre circonscription. Je suis attentivement les difficultés rencontrées par le réseau de transport en Île-de-France, et donc la situation et les perturbations que vous avez évoquées. Comme vous, j'ai une pensée pour les usagers qui les subissent.

Permettez-moi de rappeler qu'il ne s'agit pas d'une privatisation, mais d'une mise en concurrence dans le cadre d'une délégation de service public, qui obéit à des règles fixées par l'autorité organisatrice – en l'espèce, Île-de-France Mobilités.

Je suis par ailleurs attentif à la poursuite du dialogue social et je condamne avec la plus grande fermeté les actes d'intimidation et les menaces proférées à l'encontre de la direction de la société Francilité Seine-et-Oise, filiale de Lacroix & Savac.

Dans le cadre légal, l'État a veillé, aux côtés d'IDFM et des partenaires sociaux, au maintien de solides garanties sociales pour les salariés : garantie d'emploi, maintien de la rémunération, préservation des conditions de travail et encadrement strict de la sous-traitance. Les 172 véhicules du parc semblent correctement dimensionnés pour assurer le service dans ce secteur, en respectant les marges de sécurité. Désormais, la rémunération des opérateurs intègre une part de qualité de service portée à 10 % du chiffre d'affaires.

Face aux difficultés, Île-de-France Mobilités a nommé un médiateur, qui a immédiatement engagé le dialogue avec les parties prenantes. Les réunions de travail qui ont déjà eu lieu ont permis d'identifier des pistes concrètes d'amélioration, notamment sur le temps de travail et l'organisation du service. J'ai confiance en ce médiateur et j'espère qu'il parviendra à proposer un accord équilibré. Vous pouvez être assuré de toute mon attention sur la question.

Mme la présidente . La parole est à M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché . Je ne doute pas de votre bonne foi. Toutefois, cette médiation n'a abouti à rien pour l'instant, car l'entreprise refuse de s'asseoir autour de la table. Il y a urgence : la population, très en colère, attend des réponses immédiates.

Données clés

Auteur : M. Aurélien Taché

Type de question : Question orale

Rubrique : Transports urbains

Ministère interrogé : Transports

Ministère répondant : Transports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2024

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