Encadrement de l'accès à la PDSA
Question de :
M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Paul-André Colombani attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur l'encadrement de l'accès à la permanence des soins ambulatoires (PDSA). En effet, la nouvelle convention médicale, signée le 4 juin 2024 et approuvée par arrêté le 20 juin 2024, a introduit un dispositif visant à encadrer l'accès à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) les week-ends et jours fériés. L'objectif initial était de lutter contre certaines fraudes identifiées dans des centres de santé en instaurant une régulation médicale préalable avant toute consultation non programmée. Toutefois, cette mesure, si elle partait d'une intention louable, génère de lourdes conséquences sur le terrain et manque en réalité sa cible. En effet, dans plusieurs territoires, notamment en zones rurales ou sous-dotées en professionnels de santé, les services de régulation médicale, notamment le SAMU et les services d'accès aux soins (SAS), ne disposent pas des moyens nécessaires pour absorber cette nouvelle mission. Il en résulte des délais d'attente prolongés pour les patients, voire des impossibilités d'obtenir un rendez-vous, ce qui entrave l'accès aux soins urgents et accentue les inégalités territoriales. Par ailleurs, cette réforme impacte fortement les médecins effecteurs de la permanence des soins. Jusqu'à présent, ceux qui assuraient ces consultations le dimanche bénéficiaient d'une cotation spécifique adaptée aux horaires de garde. Or dans le cadre de cette nouvelle convention, les actes réalisés lors de ces permanences ne sont plus revalorisés et doivent être facturés aux tarifs de semaine. Face à cette situation, de nombreux praticiens renoncent purement et simplement à assurer ces permanences. D'autres, pour compenser, sont contraints de pratiquer des dépassements d'honoraires, afin d'éviter d'être confrontés à des contentieux avec l'assurance maladie, qui est susceptible de réclamer des indus en cas d'application des anciennes cotations. Cette situation a, outre l'aspect financier, des répercussions directes sur les patients : nombre d'entre eux, ne comprenant pas pourquoi un rendez-vous préalable est désormais requis avant de pouvoir consulter un médecin en urgence, se retrouvent refoulés aux portes des cabinets médicaux ou des structures de soins. Cela engendre un climat de tensions croissantes dans les salles d'attente, avec une multiplication des altercations, voire des agressions envers les professionnels de santé. Ainsi, face aux multiples agressions et incivilités, la structure SOS Médecins Ajaccio a décidé en janvier 2025 de suspendre ses activités pour dénoncer les effets néfastes de la mise en place de la nouvelle convention médicale et de ce qu'elle estime être une politique restrictive et inadaptée aux besoins de la population. Au regard de ces effets délétères, M. le député demande donc à Mme la ministre si elle envisage la mise en place d'un moratoire sur l'application des dispositions de la nouvelle convention médicale. De même, il lui demande si, dans l'attente de solutions pérennes, elle envisage de confier au directeur de l'agence régionale de santé la possibilité d'octroyer un agrément aux centre de santé dont le fonctionnement de requiert pas de système de régulation médicale préalable.
Réponse en séance, et publiée le 5 mars 2025
ACCÈS À LA PERMANENCE DES SOINS AMBULATOIRES
M. le président . La parole est à M. Christophe Naegelen, pour poser la question no 190 de M. Paul-André Colombani, relative à l’accès à la permanence des soins ambulatoires.
M. Christophe Naegelen . Je me permets de suppléer mon collègue, retenu en Corse par des obsèques. Il souhaitait, monsieur le ministre, appeler votre attention sur les conséquences préoccupantes de l’encadrement de l’accès à la permanence des soins ambulatoires – la PDSA – introduit par la nouvelle convention médicale du 4 juin 2024.
Afin de lutter contre les fraudes constatées dans certains centres de santé, cette réforme impose une régulation médicale préalable à toute consultation non programmée, les week-ends et les jours fériés. Sur le terrain, cependant, elle crée de graves difficultés. Dans de nombreux territoires – particulièrement les territoires ruraux ou sous-dotés en professionnels de santé –, les services de régulation médicale, Samu ou SAS (service d'accès aux soins), ne disposent pas des moyens leur permettant de s’acquitter de cette nouvelle mission. En conséquence, les temps d’attente s’allongent et il est parfois même impossible d’obtenir un rendez-vous. L’accès aux soins urgents se voit ainsi compromis, au détriment de l’égalité entre les territoires.
Cette réforme touche aussi directement les médecins assurant la permanence des soins. Les consultations du dimanche bénéficiaient jusqu’à présent d’une cotation spécifique, propre aux horaires de garde : elles doivent maintenant être facturées au tarif de semaine. Une telle perte de rémunération détourne de nombreux praticiens de ces permanences, tandis que d’autres, à des fins de compensation, se voient contraints de pratiquer des dépassements d’honoraires.
Cette situation est également source de fortes tensions car les patients ne comprennent souvent pas pourquoi un rendez-vous préalable est désormais nécessaire pour une consultation en urgence, ni pourquoi ils se retrouvent refoulés aux portes des cabinets médicaux : les personnels de santé se retrouvent ainsi confrontés à la multiplication des altercations, voire des agressions. Le climat s’est tellement détérioré que SOS Médecins Ajaccio a suspendu ses activités en janvier 2025, dénonçant une réforme inadaptée aux besoins de la population et aux réalités du terrain.
Il est urgent de corriger cette réforme afin qu’elle ne vienne pas restreindre davantage l’accès aux soins, déjà fragilisé dans de nombreux territoires. Monsieur le ministre, envisagez-vous un moratoire sur l'application de cette réforme afin d’évaluer son impact et d’envisager les ajustements nécessaires ? Dans l’attente d’une solution pérenne, seriez-vous favorable à ce que les directeurs des agences régionales de santé puissent accorder des dérogations aux centres de santé qui ne requièrent pas de régulation médicale préalable ?
M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins . Nous avons souvent échangé, avec Paul-André Colombani, sur ce sujet qui lui tient à cœur. Je vais essayer de pondérer vos propos en rappelant que 30 % à 40 % des admissions aux urgences pourraient être évitées si une solution pouvait être trouvée en ville : d’où cette régulation de la permanence des soins, visant à ne pas désorganiser les urgences et à soulager les soignants. Il ne s’agit cependant en aucun cas de culpabiliser les patients, qui, parfois, se rendent aux urgences faute d’avoir pu trouver une autre solution.
Les centres de soins non programmés font partie des solutions et je ne suis pas persuadé qu’en réguler davantage l’accès soit de nature à fluidifier le parcours de soins. J’avais envisagé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un article relatif à l’organisation et à la régulation des centres de soins non programmés, mais le Conseil constitutionnel ne l’a pas retenu. Je vais donc procéder différemment, par un moratoire ou bien par une mission flash confiée à l’Inspection générale des affaires sociales, afin de déterminer s’il est nécessaire de réguler l’accès aux centres de soins non programmés. L’objectif demeure de favoriser l’accès aux soins et de désengorger les urgences, au bénéfice des soins de proximité, dans les territoires. J’ai créé quatre centres de ce type dans ma circonscription pour répondre aux besoins de la population.
Nous devons trouver des solutions avant l’été et j’ai donné des consignes en ce sens au directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie – sans cesser néanmoins de sanctionner les fraudes qui peuvent survenir. Les conditions de régulation doivent être justes et précises sans être contre-productives, et conduire les professionnels de santé à poursuivre leurs activités après vingt heures, sept jours sur sept.
Auteur : M. Paul-André Colombani
Type de question : Question orale
Rubrique : Médecine
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 février 2025