Sort des petites maternités
Question de :
M. Pascal Jenft
Moselle (5e circonscription) - Rassemblement National
M. Pascal Jenft interroge M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur le sort des maternités réalisant moins de 1 000 naissances par an. En effet, si l'article R. 712-88 du code de la santé publique dispose que les maternités réalisant moins de 300 naissances par an doivent fermer, sauf dérogation, le rapport du 6 mai 2024 de la Cour des comptes préconise de porter ce nombre à 1 000 naissances par an. Ce serait le cas, par exemple, de la maternité de Sarreguemines, qui n'a réalisé « que » 381 naissances en 2024. Cependant, la fermeture des petites maternités poserait plusieurs problématiques à savoir, l'aggravation de la désertification médicale ; un report de patientes sur d'autres maternités, accentuant ainsi la pression sur le corps médical ; et un risque accru pour les femmes enceintes devant réaliser plusieurs heures de route pour rejoindre la maternité la plus proche. Il lui demande quelles mesures il compte mettre en place pour améliorer le bilan des maternités réalisant moins de 1 000 naissances par an et ainsi éviter leur fermeture ; s'il partage l'avis du Premier président de la Cour de comptes, à savoir « entre la sécurité et l'accessibilité nous choisissons la sécurité » ; et s'il s'engage à maintenir ouverte la maternité de Sarreguemines.
Réponse en séance, et publiée le 5 mars 2025
MATERNITÉ DE SARREGUEMINES
M. le président . La parole est à M. Pascal Jenft, pour exposer sa question, no 195, relative à la maternité de Sarreguemines.
M. Pascal Jenft . Monsieur le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, je souhaite vous alerter sur le sort des petites maternités. La fermeture des maternités dans les territoires pose un risque de crise sanitaire et d'atteinte à l'égalité républicaine. Ce phénomène intervient dans un contexte de baisse de la natalité – dont le taux s'établit à 1,68 enfant par femme –, qui constitue un nouveau défi à relever afin d'assurer le renouvellement des générations et la pérennité du modèle social français.
Pour accueillir de nouvelles naissances, il faut un système de santé efficace, sûr et accessible. La Cour des comptes a publié, le 6 mai 2024, un rapport relatif à la politique de périnatalité qui souligne les résultats médiocres de la France en la matière, en comparaison de ses voisins européens. Le taux de mortinatalité – qui désigne les enfants nés sans vie après six mois de grossesse – s'élevait à 3,8 % entre 2015 et 2020, soit le taux le plus haut d'Europe. Avec un fonctionnement similaire à celui de l'Italie ou de la Finlande, 40 % des décès auraient pu être évités, ce qui représente plus de 2 000 vies sauvées. S'agissant de la mortalité maternelle, qui est plus rare, on estime que plus de 60 % des décès pourraient être évités, chaque année, si les soins étaient toujours optimaux et fonctionnels.
Conformément à l’article R. 712-88 du code de la santé publique, adopté en 1998, les maternités réalisant moins de 300 accouchements par an ne peuvent poursuivre leur activité, hors dérogation spéciale, pour des raisons de sécurité. La logique de cette réglementation est curieuse puisqu'elle consiste à considérer que plus l'activité d'une maternité est élevée, plus elle est apte à soigner des cas difficiles, multiples ou imprévus. Or, en France, le taux de mortalité infantile est en hausse depuis 2012, après plus d'un siècle de chute. Depuis 2024, la Cour des comptes préconise de suivre l'activité des maternités réalisant moins de 1 000 naissances par an afin de déterminer leur degré de sécurisation et de décider de l'opportunité de poursuivre ou non leur activité. Si le suivi de ces maternités est légitime et souhaitable, il serait dangereux de les fermer ou de leur interdire de pratiquer l'obstétrique.
Dans ma circonscription, en Moselle, la maternité de Sarreguemines, classée en niveau 1, a vu son activité chuter de 990 naissances en 2012 à 381 naissances en 2024. Si elle venait à fermer, il faudrait aux habitants de Walschbronn plus d'une heure de route pour se rendre dans la maternité la plus proche, et bien davantage en cas d'intempéries. La menace de fermeture qui plane sur cette maternité inquiète les habitants de ma circonscription. À juste titre, puisque l'accès rapide à une maternité est un gage de sécurité : chaque kilomètre supplémentaire à parcourir constitue un risque pour les femmes enceintes. De plus, la baisse des naissances à la maternité de Sarreguemines n'est pas uniquement due à l'évolution démographique du territoire. En effet, l'instabilité chronique des équipes médicales, notamment des gynécologues, fragilise l'offre de soins et pousse des patientes à se rendre dans une autre maternité.
Que ce soit en conséquence du choix des patientes ou à cause d'une fermeture de maternité, le report des naissances sur les grandes structures risque de faire peser une pression supplémentaire sur le personnel et sur les sages-femmes qui y travaillent, dégradant ainsi leurs conditions d'exercice et restreignant le temps accordé à chaque patiente. Si une forte activité permet de maintenir un niveau de sécurité satisfaisant, une trop forte demande pourrait se révéler néfaste et accroître le risque d'erreur médicale, d'autant plus que les sages de la rue Cambon ne cessent de souligner la dégradation des conditions de travail des soignants.
Plus encore, fermer les petites maternités reviendrait à priver les zones rurales d'un accès à la santé et à abandonner des milliers de Français. Ne vaudrait-il pas mieux leur donner les moyens de poursuivre leur activité en toute sécurité grâce à davantage de personnel, à des formations spécifiques et à une meilleure répartition des patientes ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer les résultats des maternités qui accueillent moins de 1 000 naissances par an et ainsi éviter leur fermeture ? Les Français ne réclament pas un luxe, seulement le droit de pouvoir donner la vie dans la dignité. Soutiendrez-vous la France des familles ?
Enfin, face à l'inégalité de l'accès aux soins dans les territoires ruraux et au risque accru pour les femmes enceintes et leurs nouveau-nés, vous engagez-vous à maintenir la maternité de Sarreguemines ?
M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, qui devra se montrer efficace puisqu'il lui reste moins d'une minute trente pour répondre à ces nombreuses questions.
M. Pascal Jenft . Excusez-moi !
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins . Vous posez, au fond, la question de l'accès aux soins et aux maternités. La difficulté est d'arbitrer entre la proximité – pouvoir accoucher près de chez soi dans de bonnes conditions – et la sécurité. Personne ne souhaite ici que sa femme, sa sœur ou sa fille accouche dans une maternité dont le niveau de sécurité ne permet pas une prise en charge correcte.
En ce qui concerne la maternité de Sarreguemines, je tiens à vous rassurer : il n'est pas prévu de modifier le seuil de 300 naissances garantissant le maintien de son activité. Chaque fois qu'une maternité ferme, c'est en raison non d'une volonté politique, mais d'un manque de soignants. Il faut donc semer pour récolter, c'est-à-dire former davantage de soignants, ce qui prend du temps. Il convient notamment de former davantage de médecins, afin d'obtenir un nombre suffisant de pédiatres, de gynécologues et de gynécologues-obstétriciens, mais aussi davantage de sages-femmes et d'infirmières.
La loi de finances pour 2025 consacre 215 millions d'euros supplémentaires pour former, en lien avec les régions, des professionnels de santé paramédicaux. Nous allons également essayer d'augmenter les effectifs d'étudiants en médecine dans nos facultés.
Auteur : M. Pascal Jenft
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 février 2025