Conditions d'écrêtement de la revalorisation des pensions de retraites agricoles
Question de :
M. Corentin Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Droite Républicaine
M. Corentin Le Fur interroge Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur les conditions d'écrêtement de la revalorisation des pensions de retraites les plus faibles des non-salariés agricoles prévues par la loi n° 2021-1679 du 17 décembre 2021. Venue modifier le code rural et de la pêche, ladite loi permet de venir abonder la pension de retraite des non-salariés agricoles afin de la porter au niveau de la pension majorée de référence (PMR) dont le seuil d'écrêtement a, en parallèle, été relevé et porté au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), soit 1 012,02 euros au 1er janvier 2024. Si la loi du 17 décembre 2021 a permis de revaloriser les pensions d'un certain nombre de retraités agricoles, il n'en demeure pas moins que les règles d'écrêtement du PMR telles que prévues à l'article L. 732-54-3 du code rural et de la pêche interrogent et conduisent à des incompréhensions. À son alinéa premier, ledit article prévoit que « lorsque le montant de la majoration de pension prévue à l'article L. 732-54-2 augmentée du montant des pensions de droit propre et de droit dérivé servies à l'assuré (...) excède un plafond dont le montant est fixé par décret et est au moins égal à celui de l'allocation de solidarité aux personnes âgées prévu, pour une personne seule, à l'article L. 815-4 du code de la sécurité sociale, la majoration de pension est réduite à due concurrence du dépassement ». La référence aux pensions de droit dérivé, c'est-à-dire aux pensions de réversion, conduit à des situations douloureuses. En application de ces dispositions, une personne, le plus souvent la veuve, qui bénéficiait de la majoration de sa pension de retraite prévue par la loi peut se la voir partiellement ou en totalité retirée au décès de son époux et ce parce qu'elle vient à percevoir la réversion de celui-ci et dont le bénéfice lui fait dépasser le montant de l'ASPA. La pertinence de cette législation mérite d'être interrogée. Si l'écrêtement de la majoration de la pension de retraite agricole en fonction des pensions de droit propre peut à la rigueur s'entendre, il est en revanche beaucoup moins évident s'agissant des pensions de réversion dans la mesure où il peut conduire à l'octroi de la majoration puis à son écrêtement voire à son retrait complet suite au décès de l'être cher. C'est pourquoi il lui demande si le Gouvernement entend venir amender ces dispositions afin que la revalorisation de retraite prévue par la loi ne soit plus écrêtée des pensions de droit dérivé.
Réponse publiée le 1er avril 2025
L'article 77 de la loi n° 2008-1130 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a supprimé les dispositifs de revalorisation des petites retraites agricoles mis en œuvre depuis 1994 et instauré, au 1er janvier 2009, un nouveau dispositif de majoration des retraites personnelles de base non-salariées agricoles (codifié aux articles L. 732-54-1 à L. 732-54-4 du code rural et de la pêche maritime) qui s'applique aux personnes déjà pensionnées comme aux nouveaux retraités. Ce dispositif consiste à garantir, sous certaines conditions d'ouverture de droit et d'application d'un plafond de pensions tous régimes, un montant minimum brut de pensions de retraite de base non-salariée agricole de droit propre et dérivé (réversion), appelé pension majorée de référence (PMR). La PMR est déterminée pour chaque assuré en tenant compte de sa durée d'assurance non-salariée agricole à titre exclusif ou principal. Avant 2022, elle était calculée de façon différenciée en fonction des statuts et qualités de l'assuré (chef d'exploitation ou d'entreprise agricole, collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole, ancien conjoint participant aux travaux, aide familial, personne veuve bénéficiant ou susceptible de bénéficier d'une pension de réversion non-salariée agricole). Ainsi, les personnes veuves justifiant d'une carrière de non-salarié agricole bénéficiaient des mêmes modalités de calcul de la PMR que les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole ; c'est-à-dire que leurs périodes d'assurance non-salariée agricole étaient déjà revalorisées comme des périodes de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole. En application de l'article 1er de la loi n° 2021-1679 du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles, depuis le 1er janvier 2022, avec les mêmes conditions d'ouverture de droit, la PMR est désormais calculée pour chaque assuré en fonction de sa durée d'assurance non-salariée agricole à titre exclusif ou principal et de façon identique quel que soit le statut dans lequel l'assuré a validé ses périodes d'assurance non-salariée agricole à titre exclusif ou principal. La majoration potentielle de la retraite de base non-salariée agricole de droit propre, qui est susceptible d'être accordée au titre de la PMR, est égale à la différence entre le montant de la PMR calculée pour chaque assuré et le montant de ses pensions de retraite de base non-salariées agricoles de droit propre et de réversion (hors surcote et bonification pour enfants). La majoration potentielle est versée en totalité si le montant de l'ensemble des pensions de retraites de droits propres et de réversion (avec surcote et bonification pour enfants) dont bénéficie l'assuré, tous régimes de base et complémentaires confondus, ajouté au montant de la majoration potentielle, est inférieur au plafond de pensions. S'il est supérieur, la majoration est réduite à due concurrence du dépassement de ce plafond. Néanmoins, en cas de modification de la situation familiale ou du montant des pensions de retraite de droit propre et de droit dérivé de l'assuré, la majoration de la pension de retraite personnelle de base est donc révisée. Il convient de préciser que, dès l'origine, la pension de réversion non-salariée agricole a été intégrée dans le dispositif de revalorisation de la retraite de base non-salariée agricole mis en place en 2009, appliqué aux personnes déjà retraitées comme aux futurs retraités, notamment afin de tenir compte des différentes mesures de revalorisations accordées avant 2009 et qui pouvaient porter sur le droit propre ou sur le droit de réversion. Ce dispositif de revalorisation des retraites de base des non-salariés agricoles, s'accompagne de la mise en œuvre d'un plafond de pensions qui intègre également les pensions de réversion tous régimes dont bénéficie l'assuré. La prise en compte, d'une part, de la pension de retraite de base de réversion non-salariée agricole dans le calcul de la majoration potentielle et, d'autre part, des pensions de réversion de base et complémentaires tous régimes dans le plafond d'écrêtement, n'ont pas été remises en cause par la loi du 17 décembre 2021. Par ailleurs, la loi du 17 décembre 2021 a également prévu la revalorisation du montant de la PMR à hauteur du minimum contributif (Mico) majoré des salariés relevant du régime général ou du régime des salariés agricoles et a permis de relever le plafond d'écrêtement au niveau du montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) prévu pour une personne seule. Pour les personnes veuves non-salariées agricoles susceptibles de bénéficier d'une pension de réversion du régime non-salarié agricole, qui pouvaient depuis 2009, quel que soit leur statut antérieur, déjà bénéficier de la PMR attribuée aux chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, le bénéfice retiré de la loi précitée est moins significatif et, comme pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, résulte seulement du relèvement du montant de la PMR au niveau du Mico majoré et du relèvement du plafond d'écrêtement au niveau de l'ASPA. La prise en compte des pensions de réversion dans le calcul et l'écrêtement de la PMR (qui peut certes conduire à diminuer dans certains cas la majoration PMR des personnes devenues veuves) s'accompagne toutefois de droits spécifiques en matière de réversion dans le régime d'assurance vieillesse des non-salariés agricoles. Ainsi, contrairement à la majoration attribuée au titre du Mico dans le régime général et les régimes alignés, la majoration attribuée au titre de la PMR est réversible ; autrement dit, le conjoint survivant perçoit le montant de la majoration dont bénéficiait le conjoint décédé au titre de la PMR. Enfin, le relèvement du plafond d'écrêtement tous régimes de la PMR au niveau de celui du Mico pour les pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2026, a été prévu par l'article 22 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Malgré l'adoption d'une motion de censure à l'assemblée nationale le 4 décembre 2024, cette disposition consensuelle devrait néanmoins être reprise. Le Gouvernement demeure ainsi particulièrement attentif à la situation et aux différentes revendications des retraités agricoles et agit afin de les prendre en compte le mieux possible.
Auteur : M. Corentin Le Fur
Type de question : Question écrite
Rubrique : Retraites : régime agricole
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 12 novembre 2024
Réponse publiée le 1er avril 2025