Question écrite n° 1998 :
Conséquences des importations de sucre ukrainien dans l'Union européenne

17e Législature

Question de : M. Kévin Mauvieux
Eure (3e circonscription) - Rassemblement National

M. Kévin Mauvieux appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur les conséquences des importations de sucre ukrainien en franchise de droits de douane dans l'Union européenne. Depuis juin 2022, l'ouverture des frontières à ces importations a entraîné une augmentation significative des volumes de sucre ukrainien sur le marché européen, accentuant la pression sur les producteurs de sucre locaux, déjà confrontés à des coûts élevés et à une concurrence accrue. Cette situation affecte directement la filière betterave en Europe, menaçant sa durabilité économique et la survie de certaines usines, comme ce fut le cas avec la fermeture de l'usine de Cagny en 2019. M. le député demande donc au Gouvernement quelles actions il envisage pour garantir que les accords de libre-échange, notamment ceux liés aux contingents de sucre, n'affaiblissent pas la production sucrière européenne. Il souhaite également savoir si la France entend défendre auprès de la Commission européenne un contingentement strict des importations de sucre ukrainien afin de protéger la filière agricole et industrielle sucrière européenne.

Réponse publiée le 11 février 2025

En soutien à l'économie ukrainienne face à la guerre d'agression russe, l'Union européenne (UE) a libéralisé, avec l'appui du Gouvernement français, ses échanges avec l'Ukraine depuis le 4 juin 2022 pour une durée initiale d'un an. Le 6 juin 2023, le règlement (UE) 2023/1077 a prolongé la libéralisation d'une année supplémentaire, soit jusqu'au 5 juin 2024. L'ouverture des échanges avec l'Ukraine a entraîné une augmentation significative des importations de sucre ukrainien dans l'UE. Elles ont ainsi atteint 496 000 tonnes (t) en 2023, contre 152 000 t en 2022 et 18 000 t en 2021. En 2023, les importations ukrainiennes ont représenté 26 % des importations extra-européennes. Dans ce contexte, la France a soutenu et obtenu, en lien avec une majorité de parlementaires européens et certains États membres ayant soutenu la démarche, que la nouvelle prolongation des mesures de libéralisation des échanges avec l'Ukraine [règlement (UE) 2024/1392], pour une année supplémentaire jusqu'au 5 juin 2025, soit assortie de clauses de sauvegarde renforcées. L'une de ces sauvegardes est particulièrement intéressante puisque son déclenchement est automatique (mécanisme dit de « frein d'urgence »). Le frein d'urgence couvre 7 produits agricoles, dont le sucre. Pour les produits concernés, ce mécanisme permet de rétablir des droits de douane dès que les importations européennes en provenance d'Ukraine atteignent un certain niveau. Ce seuil correspond à la moyenne annuelle des importations européennes en provenance d'Ukraine constatées entre le 1er juillet et le 31 décembre 2021, en 2022 et en 2023. Pour le sucre, ce niveau s'établit à 262 652 t pour l'année 2024. Ainsi, le 1er juillet 2024, le volume d'importation fixé dans le frein d'urgence ayant été atteint, la Commission européenne a rétabli les droits de douane pour les importations européennes de sucre ukrainien jusqu'au 31 décembre 2024. Pour la période entre le 1er janvier 2025 et le le 5 juin 2025, ce seuil est fixé à 109 438 t, soit cinq douzièmes du seuil pour une année entière. Les droits de douane seront également rétablis automatiquement si le niveau d'importations de sucre ukrainien atteint ce seuil au cours de la période. Ces mesures de sauvegarde automatique ont vocation a limiter l'impact sur le marché de l'UE des importations de sucre ukrainien. Elles ont été activées pour plusieurs produits depuis l'été 2024, preuve de l'efficacité du mécanisme soutenu par le Gouvernement. Il s'agit d'un outil permettant, sans remettre en cause la nécessaire solidarité envers l'Ukraine face à l'agression russe, de tenir dûment compte de la sensibilité de certaines des filières agricoles européennes aux flux d'importations ukrainiens. Concernant les prix du sucre, après avoir atteint un pic historique en novembre 2023, avec 856 euros par t (€/t), le prix moyen dans l'UE s'élevait à 760 €/t en septembre 2024, soit une baisse de 7 % par rapport à septembre 2023. Sur la campagne 2023-2024 (de septembre 2023 à août 2024), le prix moyen de l'UE a atteint 828 €/t, contre 737 €/t pour la campagne 2022-2023 et 440 €/t pour celle de 2021-2022. Si le prix moyen dans l'UE suit bien une tendance baissière depuis plusieurs mois, qu'il convient de surveiller, il reste néanmoins à un niveau élevé par rapport à la moyenne des dernières années. Sur la question plus large des accords de libre-échange, le Gouvernement défend systématiquement auprès de la Commission l'exclusion des produits les plus sensibles des négociations en cours. Il défend également la nécessité de mieux prendre en compte le cumul des concessions accordées dans les différentes négociations sur les filières sensibles, dont le sucre fait partie. La renégociation de l'accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) sera importante pour décider des modification à apporter à la relation commerciale entre l'UE et l'Ukraine. Il est important que cette renégociation ne se fasse pas dans la précipitation, alors que la Commission européenne a annoncé le lancement de ce travail. La ministre chargée de l'agriculture y veillera, comme elle veillera à préserver les intérêts agricoles et agroalimentaires français dans d'autres négociations.

Données clés

Auteur : M. Kévin Mauvieux

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 19 novembre 2024
Réponse publiée le 11 février 2025

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