Le logement est un droit, pas un produit financier !
Question de :
M. Sébastien Delogu
Bouches-du-Rhône (7e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Sébastien Delogu alerte Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine sur la crise du logement exacerbée par les plateformes de location touristique et la nécessité de reconnaître que le logement est un droit et non un produit financier comme un autre. Depuis 40 ans, en France, les prix des loyers ont été multipliés par 2,6, ce qui a entraîné une augmentation du taux d'effort à 42 % du revenu pour les ménages les plus pauvres. Faute de moyens pour pouvoir se loger décemment, c'est donc aujourd'hui un Français sur six qui est concerné par le mal logement alors que plus de 3 millions de logements sont vacants. À Marseille, cette crise atteint des niveaux dramatiques. On estime notamment que 15 000 personnes au moins se sont retrouvées à la rue en 2022, soit 16,9 % de plus que trois ans auparavant, alors que l'hébergement d'urgence était déjà saturé. Ce sont également 45 000 ménages qui sont toujours en attente d'un logement social et qui doivent, en moyenne, patienter huit ans pour en obtenir un, malgré 37 000 logements qui sont toujours vacants. Dans ce contexte, l'augmentation massive de la location touristique, notamment via la plateforme Airbnb, vient raréfier toujours plus l'offre de logements de moyenne ou de longue durée et augmenter significativement les prix des loyers. Et pour cause, dans une inversion des valeurs inhérente au capitalisme, le logement n'est plus reconnu comme un bien de première nécessité, mais comme un produit financier, qu'il convient d'abord de rentabiliser. Cette marchandisation du minimum vital, encouragée et promue par l'idéologie néolibérale et les mesures fiscales du Gouvernement, permet aux 3,5 % des propriétaires possédant 50 % des logements, de dégager des profits records grâce à une crise qu'ils nourrissent et encouragent, sans se soucier des dégâts sociaux que cause leur spéculation. Le jeudi 7 novembre 2024, l'Assemblée nationale a enfin pris des mesures pour limiter partiellement les avantages fiscaux des multipropriétaires et donner aux maires le moyen de réguler les locations de courte durée. Si cette avancée peut être saluée, force est de constater que le Gouvernement refuse toujours de s'attaquer à la production d'un million de nouveaux logements sociaux pour garantir le droit au logement abordable et digne, de mettre en place une garantie universelle des loyers et d'interdire les expulsions sans relogement qui placent pourtant des familles dans des situations insupportables. Sans mesure drastique pour enrayer la crise du logement, toujours plus de citoyens se verront contraints de vivre dans des conditions indignes, entraînant des conséquences dramatiques. Il lui demande donc quand elle prendra des mesures pour permettre à tous les Français de vivre dans un logement décent, en reconnaissant que le logement est avant tout la condition d'une vie digne et non un produit financier et en s'attaquant réellement aux plateformes de location touristique.
Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024
LOGEMENT
Mme la présidente . La parole est à M. Sébastien Delogu, pour exposer sa question, no 19, relative au logement.
M. Sébastien Delogu . Il est onze heures du matin et 300 000 personnes ont déjà commencé une course contre la montre pour trouver où dormir ce soir. J’ai dit 300 000 mais en réalité, c’est bien plus : dans notre pays, 1 million de personnes sont privées de logement et 4 millions sont mal logées. Toutes souffrent physiquement et moralement au quotidien.
Pourtant, des solutions immédiates et à moindre coût existent. Notre pays a les moyens de loger tout le monde dignement : la France compte 3 millions de logements vides et nous permettons les locations de courte durée, type Airbnb, qui servent à cracher des bénéfices à court terme au profit de quelques-uns.
À Marseille, plus de 12 000 logements sont ainsi loués et plus de 37 000 sont vacants. En face, plus de 40 000 demandes de logement restent à satisfaire. En attendant, même des gens qui travaillent doivent dormir dans leur voiture, chez un proche, dans un petit appartement, parfois insalubre ou encore trop cher, alors qu’ils rêvent simplement d'avoir un logement digne.
Sans revenir sur les lois Dalo et SRU, qui ne sont ni respectées ni appliquées, permettez-moi de vous rappeler que la Constitution, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme, garantit le droit au logement pour toutes et tous. Or vous faites prévaloir des lois qui garantissent plutôt une rentabilité à deux chiffres pour les loueurs d’Airbnb et laissent les loyers se muer en une taxe sur la vie, qui vous pompe 40 % ou 50 % de ce que vous avez pour vivre, voire presque tout.
Cette situation a une cause, la spéculation : nos villes sont devenues le théâtre de parties de Monopoly à ciel ouvert. Le problème de ce jeu, c’est qu’en fin de partie, il ne reste plus qu’un joueur : tous les autres, les plus fragiles, ont été chassés, éliminés par la voracité des plus puissants.
Madame la ministre, la crise du logement empire de jour en jour, il faut faire vite. Quand comptez-vous agir ? Les locations sont introuvables, la construction à l’arrêt ; les impayés se multiplient et les expulsions poussent toujours plus de gens dans la rue. Réagissez et reconnaissez que le logement est la condition d’une vie digne pour chacun, et non un produit financier pour quelques-uns.
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine . Le gouvernement est pleinement conscient des difficultés de nos concitoyens et de la tension affectant le logement dans les grandes agglomérations. Il convient de prêter la plus grande attention à une situation qui s'aggrave indéniablement depuis plusieurs années.
La relance de la production de logements locatifs sociaux est une priorité, notamment en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), où elle stagne depuis 2020. Le gouvernement proposera une baisse de la réduction de loyer de solidarité (RLS) de 200 millions d'euros pour 2025 ; cela permettra de redonner des marges de manœuvre en fonds propres aux bailleurs sociaux pour relancer la production et la rénovation du parc social.
À ce geste important s'ajoutera la baisse attendue du taux du livret A, dès le mois de février ; elle permettra de relancer la dynamique attendue de production de logements sociaux. L'État soutient par ailleurs la production et la réhabilitation au moyen des contrats « Territoires engagés pour le logement » ou, plus spécifiquement à Marseille, grâce au soutien financier apporté à la société publique locale d'aménagement d'intérêt national. Plus de 50 millions d'euros sont mobilisés par l'Agence nationale de l’habitat (Anah) pour résorber l'habitat très dégradé en centre-ville, en plus des 100 millions investis au titre du plan Initiative copropriétés à l'échelle de la métropole d'Aix-Marseille-Provence.
D'autres opérations sont conduites dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) : à l'échelle de la métropole, dix-sept quartiers font l'objet d'une intervention de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), ce qui représente 825 millions d'euros de concours financiers et un investissement total de plus de 2,2 milliards.
Enfin, l'adoption par la métropole, début 2024, d'un programme local de l'habitat (PLH) affichant un objectif de 11 000 logements par an, ainsi que la signature par la Ville, en juillet 2024, d'un contrat de mixité sociale (CMS), devraient concourir à une hausse marquée de la production de logements sociaux à Marseille. Voilà les éléments que je voulais porter à votre connaissance.
Mme la présidente . La parole est à M. Sébastien Delogu.
M. Sébastien Delogu . Vous évoquez l'Anru, mais je vous invite vraiment à venir à Marseille :…
Mme Valérie Létard, ministre . J'y compte bien !
M. Sébastien Delogu . …vous y verrez toutes les copropriétés dégradées – voire ultra-dégradées – qui se trouvent dans mon territoire. Voilà des années que nous n'observons aucune avancée, et les habitants se sentent totalement oubliés. Face à l'hypocrisie constante de la Macronie, qui ne cesse de dire que les dossiers avancent sans que rien soit jamais fait, il faut agir.
Parce que je suis parlementaire, les gens viennent quotidiennement me demander des logements que je n'ai pas le pouvoir de leur donner ! Il est difficile de le leur expliquer, d'autant que les propositions de loi que nous déposons en ce sens à l'Assemblée nationale ne sont pas prises en compte. Les 825 millions d'euros apportés par le gouvernement à l'Anru ne sont pas suffisants. Venez à Marseille avec la directrice générale de l'Anru ! Vous verrez que clientélisme et corruption parviennent à déstabiliser tout ce que nous essayons de faire dans notre ville.
Auteur : M. Sébastien Delogu
Type de question : Question orale
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Logement et rénovation urbaine
Ministère répondant : Logement et rénovation urbaine
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2024