Mise en sécurité des réfugiées afghanes par l'État français
Question de :
Mme Estelle Mercier
Meurthe-et-Moselle (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Estelle Mercier alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation préoccupante des réfugiées afghanes demandant asile en France. Depuis la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan en août 2021, de nombreuses femmes afghanes, menacées dans leur propre pays, cherchent à rejoindre leur famille réfugiée en France. Toutefois, en l'absence d'une représentation diplomatique française à Kaboul, ces femmes sont contraintes de transiter par l'Iran pour obtenir un visa de tourisme français, ce qui les expose à un véritable parcours du combattant. Le processus actuel est non seulement complexe et long, mais il met surtout ces femmes en danger. Elles doivent d'abord obtenir un visa iranien de courte durée, traverser clandestinement la frontière afghane au péril de leur vie, puis, une fois en Iran, justifier d'un logement pour effectuer leur demande de visa via la plateforme France-Visas. Après l'envoi des documents demandés, certaines attendent jusqu'à quatre mois avant d'obtenir un rendez-vous à l'ambassade de France à Téhéran. En Iran, ces femmes sont en situation de grande vulnérabilité. Elles sont la cible de réseaux d'escroqueries qui exploitent leur détresse et subissent des persécutions. Depuis plusieurs mois, les propositions de faux rendez-vous aux abords des bureaux de VFS Global, sous-traitant du ministère des affaires étrangères en charge de la collecte des demandes de visas, se multiplient. Celles-ci sont orchestrées par des agents iraniens agissant sur ordre des talibans. De plus, le marché du logement en Iran profite de leur précarité pour exiger des sommes exorbitantes à leurs familles en France. Certaines, devenues irrégulières faute de renouvellement de visa, sont arrêtées par la police iranienne ou se retrouvent sans-abri, exposées aux agressions et à des violences inacceptables. Pendant ce temps, leurs familles en France, pourtant régularisées et sous protection de l'État français, vivent dans l'angoisse de voir leurs proches piégées dans un pays où les droits des femmes sont bafoués. La procédure de réunification familiale est, elle aussi, extrêmement difficile à mettre en œuvre, rendant leur situation encore plus dramatique. Dans la plupart des autres pays, les délais d'obtention des visas sont bien plus raisonnables. Mme la députée souhaite donc interroger M. le ministre sur deux aspects précis de la procédure : la rapidité et la sécurité. D'une part, puisque les femmes afghanes sont susceptibles d'être reconnues comme réfugiées, selon la décision de la Cour nationale du droit d'asile de juillet 2024, elle souhaite savoir pourquoi l'ambassade de France à Téhéran n'adopte pas une procédure simplifiée et accélérée. D'autre part, elle souhaite des explications quant à la fuite des données et les faux rendez-vous qui mettent ces femmes en danger. Mme la députée interroge également M. le ministre sur la justification du recours par la France à une plateforme de demande de visas privée. Elle souhaite connaître les garanties de cette plate-forme au regard de la mise en danger de ces femmes. Elle l'avait déjà alerté sur 4 cas le 11 février dernier ; elle souhaite savoir quelle réponse peut être faite aujourd'hui à ces femmes et leurs familles et si la France est en mesure de leur offrir une issue viable et humaine.
Réponse en séance, et publiée le 5 mars 2025
DEMANDEUSES D'ASILE AFGHANES
M. le président . La parole est à Mme Estelle Mercier, pour exposer sa question, no 201, relative aux demandeuses d'asile afghanes.
Mme Estelle Mercier . Plusieurs familles de ma circonscription vivent dans l'angoisse permanente. Depuis la prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan en août 2021, de nombreuses femmes afghanes, menacées dans leur propre pays, cherchent à rejoindre leur famille réfugiée en France. Toutefois, en l'absence de représentation diplomatique française à Kaboul, ces femmes sont contraintes de transiter par l'Iran pour obtenir un visa de tourisme français, ce qui les expose à un véritable parcours du combattant. Non seulement ce parcours est complexe et long, mais il met aussi ces femmes en danger : elles doivent d'abord obtenir un visa iranien de courte durée, traverser clandestinement la frontière afghane au péril de leur vie, puis, une fois en Iran, justifier d'un logement pour effectuer leur demande de visa sur la plateforme France-Visas. Après l'envoi des documents demandés, certaines attendent jusqu'à quatre mois ou plus, avant d'obtenir un rendez-vous à l'ambassade de France à Téhéran.
En Iran, ces femmes sont en situation de grande vulnérabilité. Elles sont la cible de réseaux d'escroqueries qui exploitent leur détresse et elles subissent des persécutions. Plus grave encore, depuis plusieurs mois, les propositions de faux rendez-vous aux abords des bureaux de VFS Global, sous-traitant du ministère des affaires étrangères en charge de la collecte des demandes de visas, se multiplient. Celles-ci sont orchestrées par des agents iraniens agissant sur ordre des Talibans.
De plus, le marché du logement en Iran profite de la précarité de ces femmes pour exiger des sommes exorbitantes de la part de leur famille en France. Certaines, qui se trouvent en situation irrégulière, faute de renouvellement de leur visa, sont arrêtées par la police iranienne ou se retrouvent sans abri, exposées aux agressions et à des violences inacceptables. Pendant ce temps, leurs familles en France, pourtant régularisées et sous la protection de l'État français, vivent dans l'angoisse de voir leurs proches piégées dans un pays où les droits des femmes sont bafoués. La procédure de réunification familiale est, elle aussi, très difficile à mettre en œuvre, ce qui rend leur situation encore plus dramatique.
Dans la plupart des autres pays, les délais d'obtention des visas sont bien plus raisonnables. Mon interrogation porte donc sur deux aspects précis de la procédure : la rapidité et la sécurité. D'une part, puisque les femmes afghanes sont susceptibles d'être reconnues comme réfugiées, selon la décision de la Cour nationale du droit d'asile de juillet dernier, pourquoi l'ambassade de France à Téhéran n'adopte-t-elle pas une procédure simplifiée et accélérée ? D'autre part, comment expliquer la fuite des données et les faux rendez-vous qui mettent ces femmes en danger ? Pourquoi la France recourt-elle à une plateforme de demande de visas privée ? Quelles sont les garanties de cette plateforme eu égard à la mise en danger de ces femmes ?
Le 11 février dernier, j'ai alerté le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur quatre cas. Hier, j'ai appris que l'une des femmes concernées en attente de visa a été arrêtée par la police iranienne et reconduite à la frontière afghane. L'ambassade n'avait pas pris contact avec elle depuis sa demande de visa qui datait de l'an dernier. Cette absence de réponse a malheureusement provoqué une situation dangereuse pour cette femme. Quelle réponse pouvons-nous donner à ces femmes afghanes et à leurs familles réfugiées en France ? Sommes-nous en mesure de leur offrir une issue viable et humaine ?
M. le président . La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . Je ne manquerai pas de faire part à mon collègue ministre de l'Europe et des affaires étrangères de la situation particulière que vous avez évoquée à la fin de votre question.
Avant d'en venir à la rapidité et à la sécurité des procédures sur lesquelles vous vous interrogez, permettez-moi de rappeler la position forte de la France sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan, situation qui se dégrade depuis l'arrivée au pouvoir des Talibans en août 2021. La France condamne avec la plus grande fermeté la violation de leurs droits et soutient la population à travers l'ONU et les ONG : 160 millions d'euros d'aide humanitaire ont été apportés, avec une attention particulière aux projets à destination des femmes et des filles. La France a également accueilli, depuis mai 2021, plus de 17 000 ressortissants afghans, dont des Afghanes militantes, journalistes ou des artistes menacées.
Notre ambassade en Afghanistan étant fermée depuis août 2021, nous traitons les demandes de visa des Afghans depuis l'Iran et le Pakistan. La France exige des Talibans la levée des entraves pour ceux qui souhaitent quitter le pays, ainsi que le respect des droits humains. Ces exigences figurent, à notre initiative, parmi les conditions de la résolution 2593 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Concernant la rapidité des procédures, notre ambassade à Téhéran œuvre pour traiter les demandes de visa dans les meilleurs délais, mais elle fait face à des situations complexes et à une augmentation des demandes. En 2024, notre poste consulaire a reçu 46 424 demandes, ce qui représente une augmentation de près de 15 % par rapport à 2019. L'administration met tout en œuvre pour les traiter. Des missions de renfort ont été envoyées et notre prestataire a accru ses capacités et le nombre de créneaux hebdomadaires disponibles. En revanche, il ne peut pas y avoir de démarches simplifiées pour les visas de long séjour, car ces derniers doivent faire l'objet d'un examen individualisé.
Quant à la sécurité des procédures, je confirme qu'il arrive que des officines locales préemptent les rendez-vous pour les revendre à des tarifs exorbitants, au détriment des Afghans présents sur le territoire iranien et des Iraniens attendant des visas pour la France. À travers France-Visas et le centre VFS, l'ambassade veille à mettre en garde contre ces escroqueries dont on constate malheureusement la recrudescence.
Auteur : Mme Estelle Mercier
Type de question : Question orale
Rubrique : Réfugiés et apatrides
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 février 2025