Question écrite n° 2023 :
Extension de la protection juridique à l'ensemble des assurances habitations

17e Législature

Question de : M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Dominique Potier interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le projet de rendre obligatoire pour les compagnies d'assurances, l'inclusion d'une protection juridique à l'ensemble de leurs offres proposants des couvertures multirisques-habitations. Le règlement actuel des assurances prévoit un devoir de conseil juridique en cas de litige mais ne rend pas obligatoire la souscription à une protection juridique dans le cadre d'une assurance habitation ou multirisque. Lorsqu'une assurance propose une protection juridique, elle a le devoir légal de la proposer à son client dans des termes clairs, évoquant le coût supplémentaire que cette protection représente. L'assuré doit en être informé et peut refuser cette protection. En revanche, si l'assurance ne propose aucune protection juridique, elle n'est pas tenue d'en avertir futur assuré. Dans les faits, la plupart des ménages ignorent s'ils bénéficient ou non d'une protection juridique en cas de litige et lorsqu'ils en sont informés de cette option, les personnes les plus précaires économiquement y renoncent. Il existe par ailleurs une aide juridictionnelle de l'État, qui reste la seule voie en cas de contentieux pour les personnes qui ne pourraient couvrir les frais qu'une procédure engage. Mais cette aide est accordée sous conditions de ressources et ne concerne pas l'ensemble des biens considérés. La vulnérabilité de l'immobilier résidentiel face aux changements climatiques est en forte croissance. Les catastrophes naturelles entraînent d'ores et déjà des dommages conséquents sur l'immobilier, avec le mouvement des argiles, les fortes chaleurs ou encore les inondations que l'on connaît déjà aujourd'hui. La Banque de France estime une multiplication par 5 voire 6 de la hausse possible du coût des sinistres climatiques dans certains départements français entre 2020 et 2050. En juillet 2022, France Assureurs estimait à plus d'un demi-milliard d'euros le montant de dégâts occasionnés aux seules habitations pour les intempéries du mois de juin 2024 et estimait à plus de 930 000 les nouveaux sinistres d'habitations liés à des évènements climatiques sur l'année complète en 2023. La responsabilité de la puissance publique (État et collectivités territoriales) en matière de prévention des risques peut être engagée. Pour autant la protection réelle des citoyens apparaît inaccessible en l'absence d'une protection juridique. L'augmentation des litiges à venir questionne sur la garantie d'une défense juridique pour toutes et tous et l'égalité face aux aléas climatiques. Ainsi, il l'interroge sur l'opportunité, pour les compagnies d'assurances, d'étendre à l'ensemble des contrats proposant des assurances habitations et multirisques une protection juridique afin de réduire les inégalités face aux nouveaux périls et de retrouver par la même l'esprit de solidarité universel qui fut à l'origine des systèmes assurantiels.

Réponse publiée le 4 février 2025

La garantie de protection juridique est une assurance facultative définie et encadrée par le Code des assurances, dans ses articles L127-1 à L127-8. Il s'agit d'une assurance dont l'objet consiste à prendre en charge le risque du coût du recours à un conseil juridique, dans un contexte amiable ou contentieux, ainsi qu'aux services d'un expert juridique lors d'un litige. Les services peuvent donc concerner une procédure judiciaire (pénale, civile ou administrative) ou une procédure de règlement amiable, engagée à l'initiative de l'assuré ou de la partie adverse. (Articles L127-1 et L127-2-1). La garantie protection juridique est généralement proposée en option d'un contrat souscrit pour une autre garantie telle que l'habitation (en multi-risques habitation – MRH) ou l'automobile. En outre, elle peut aussi être souscrite en tant que contrat autonome. La mise en œuvre de la garantie dépend des conditions fixées au contrat notamment en termes de procédures et de délais, des frais pris en charge (frais d'avocat, frais d'experts, frais de commissaires de justice, frais de procédures, frais annexes) et de leur montant. En matière d'assurance, la liberté contractuelle est la règle et la tarification des entreprises d'assurance est libre depuis le 1er décembre 1986. Les directives communautaires ont posé la liberté contractuelle et tarifaire comme l'un des principes de base de la réglementation européenne sur l'assurance. Ainsi, l'assureur sollicité pour garantir un risque à un assuré dispose d'une liberté complète pour évaluer et sélectionner les risques qu'il accepte de couvrir et les tarifer suivant sa politique commerciale. Ce principe fondamental de la liberté contractuelle permet aux assureurs de proposer des offres dans un marché encadré mais ouvert et concurrentiel et permet aux assurés de choisir librement les assurances qu'ils souhaitent contracter en fonction de leurs besoins. La liberté contractuelle peut cependant être aménagée par le législateur dès lors qu'elle poursuit un objectif légitime d'intérêt général. En matière d'assurances, il s'agit principalement de couvrir les risques que l'assuré peut faire peser sur un tiers et de protéger ainsi l'ensemble des citoyens. Ainsi, il a été admis qu'une obligation d'assurance puisse être imposée à des fins de protection des citoyens contre un risque social, qui peut avoir un coût financier majeur. Cette obligation porte communément sur les dommages susceptibles d'être causés par les assurés à une victime (dommages engageant la responsabilité civile de l'auteur). A cet égard, la loi impose aux conducteurs de véhicules de souscrire une garantie de responsabilité civile pour circuler. En matière d'habitation, la loi oblige les locataires et co-propriétaires occupants de souscrire une assurance de responsabilité civile garantissant les tiers contre les dommages qu'ils pourraient leur causer. Cette protection est avant tout justifiée parce qu'elle protège la victime de l'assuré, et non l'assuré lui-même. Or, une obligation de souscription de protection juridique ne paraît pas répondre à cet impératif et les associations de consommateurs y sont opposées. Au-surplus, cette extension aurait une incidence limitée. D'une part, la garantie de protection juridique est déjà très répandue sur le marché français. En particulier, les contrats MRH incluent généralement une garantie de protection juridique pour prendre en charge des frais juridiques liés à des sinistres du quotidien. En 2022, le nombre de contrats d'assurance tous types (dont les MRH) intégrant une garantie de protection juridique s'élèvent à 32,9 millions. En outre, près de 10 millions de contrats spécifiques à la protection juridique ont été conclus en 2022. D'autre part, l'intégration obligatoire d'une garantie dans un contrat aurait pour effet d'augmenter le coût global de l'assurance alors que cette garantie spécifique ne répondrait pas systématiquement aux besoins des clients. Enfin, il convient de rappeler que les sociétés d'assurance et le Gouvernement se sont associés pour mettre en place des procédures de règlement amiable des conflits dans un souci de protection du consommateur. Ce recours à la médiation fait par ailleurs l'objet d'une information spécifique dans le contrat d'assurance. Selon l'article L112-2 du Code des assurances, les documents remis au preneur d'assurance doivent indiquer « les modalités d'examen des réclamations qu'il peut formuler au sujet du contrat et de recours à un processus de médiation []. Ainsi, les assurés peuvent saisir le service réclamation de l'assureur en cas de litige persistant avec un assureur dont les coordonnées figurent obligatoirement dans les conditions générales du contrat d'assurance. Celui-ci doit accuser réception de la demande dans un délai de 10 jours et répondre dans les 2 mois après la réception du courrier. Enfin, l'association « La médiation de l'assurance » intervient gratuitement et confidentiellement pour tous les litiges entre assureurs et assurés qui n'auraient pu être résolus directement avec l'assureur. Cette association, constituée d'experts en assurance et de juristes, dispose d'un délai de 90 jours pour proposer aux assurés une assistance et une solution amiable au litige qui les concerne. La Médiation de l'assurance publie régulièrement des fiches synthétiques à destination des assurés, reprenant les problématiques les plus consultées, que chacun peut trouver, sur son site internet : « la Médiation de l'Assurance ». Le Gouvernement est conscient des enjeux en matière de protection juridique des assurés dans l'assurance habitation notamment dans le cadre de l'augmentation des risques de catastrophes naturelles mais n'estime pas necessaire, en l'état actuel du marché, intervenir pour obliger les assureurs à proposer cette garantie. Cependant, il demeure pleinement engagé pour surveiller ce marché et les différents acteurs en lien avec l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l'organisme de supervision des assurances.

Données clés

Auteur : M. Dominique Potier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Assurances

Ministère interrogé : Économie, finances et industrie

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Dates :
Question publiée le 19 novembre 2024
Réponse publiée le 4 février 2025

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