Protection des droits des consommateurs face au démarchage téléphonique abusif
Question de :
M. Fabien Di Filippo
Moselle (4e circonscription) - Droite Républicaine
M. Fabien Di Filippo appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les limites du dispositif Bloctel, censé protéger les Français du démarchage téléphonique intempestif. Bien que le cadre législatif ait été récemment renforcé, ce harcèlement téléphonique commercial reste une nuisance quotidienne pour neuf Français sur dix, avec en moyenne quatre appels non sollicités par semaine, souvent à des heures inappropriées. Le dispositif Bloctel montre de nombreuses failles. Tout d'abord, il ne concerne que les appels à visée commerciale d'entreprises légitimes. Or une grande partie des appels provient aujourd'hui d'arnaques et de numéros frauduleux, qui échappent au dispositif, ou de sociétés recourant à des plateformes qui parviennent à contourner le dispositif. Malgré la menace de sanctions, de nombreuses entreprises ne respectent pas les règles du dispositif Bloctel, préférant maximiser leurs profits en poursuivant leurs campagnes d'appels. Selon une enquête menée par la DGCCRF en 2020, sur près de 800 établissements contrôlés, le plus souvent à la suite de signalements de consommateurs, plus d'un sur deux étaient en anomalie. Parmi elles, seulement un nombre restreint d'entreprises ont été sanctionnées depuis la mise en place du dispositif. Résultat : sur plus de 5,6 millions de consommateurs inscrits sur Bloctel, 40 % d'entre eux continuent de recevoir des appels commerciaux, certains rapportant même une recrudescence d'appels après leur inscription. L'usurpation de numéros, fréquemment utilisée par les démarcheurs, complique encore plus la sanction des contrevenants, surtout lorsque les appels proviennent de l'étranger, échappant ainsi aux contrôles. Aussi, le démarchage téléphonique cible de plus en plus les smartphones, contournant facilement les nouvelles règles restreignant le démarchage aux jours ouvrables et à des horaires précis. Un sondage d'UFC-Que Choisir révèle que 72 % des Français sont démarchés au moins une fois par semaine sur leur portable et 38 % quotidiennement. Ces pratiques permettent aux sociétés de démarchage d'optimiser leurs chances de joindre les particuliers, qui sont plus enclins à répondre à un appel d'un numéro inconnu sur leur mobile plutôt que sur leur téléphone fixe. La réglementation actuelle, imposant des plages horaires limitées, se révèle donc inefficace face à des entreprises spécialisées dans ce type de marketing intrusif. Sans l'instauration d'une interdiction complète, sauf consentement préalable du consommateur, les Français continueront à être irrités par ces appels indésirables qui perturbent leur quotidien. Il est également important de contraindre les opérateurs téléphoniques à respecter la réglementation européenne sur le démarchage téléphonique entrée en vigueur le 25 juillet 2023, qui les oblige à bloquer les appels non authentifiés. Les opérateurs, accompagnés de l'autorité de régulation des télécoms (ARCEP), ont mis en place un dispositif appelé mécanisme d'authentification du numéro (MAN), permettant de garantir, grâce à un certificat électronique, que l'appel provient bien de la ligne fixe associée au numéro présenté. À compter du 1er octobre 2024, les appels non authentifiés devront systématiquement être interrompus. L'ARCEP est chargée de s'assurer que les opérateurs remplissent leurs obligations. Ces nouveaux outils et ces nouvelles contraintes doivent contribuer fortement à réduire le démarchage téléphonique abusif. M. le député demande donc quelles mesures concrètes et urgentes le Gouvernement prévoit de prendre pour renforcer la protection et les droits des consommateurs. Il semble essentiel d'autoriser le démarchage uniquement vers des consommateurs ayant manifesté la volonté d'être contactés par ces sociétés, d'accroître le nombre d'entreprises tenues de consulter Bloctel avant toute campagne de démarchage, de renforcer les moyens de la DGCCRF et de l'ARCEP pour améliorer les contrôles sur les entreprises et les opérateurs téléphoniques, de mieux lutter contre l'usurpation de numéros et d'envisager des collaborations internationales pour traiter ce problème, étant donné que de nombreux appels proviennent de l'étranger.
Réponse publiée le 10 décembre 2024
Dans le souci de protéger les consommateurs, notamment les plus fragiles d'entre eux, d'un démarchage téléphonique intempestif et intrusif, le code de la consommation interdit cette pratique à l'égard de ceux qui sont inscrits sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique BLOCTEL. La loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux est venue renforcer ce dispositif. L'ensemble des mesures d'application de la loi ont désormais été prises. Ainsi, le décret n° 2021-1528 du 26 novembre 2021 détermine la nature des données essentielles de l'activité exercée par le gestionnaire de la liste d'opposition au démarchage téléphonique devant être rendues publiques dont « le nombre de réclamations déposées par les consommateurs » qui s'élève à environ 770 000 depuis le démarrage de la concession en cours, soit depuis le 1er octobre 2021, c'est-à-dire en un peu plus de trois ans. Ainsi, aujourd'hui, le nombre de professionnels adhérents au service BLOCTEL s'élève à environ 2 500, le nombre de consommateurs inscrits sur la liste d'opposition à environ 6,2 millions et le nombre de numéros de téléphone protégés à environ 12,4 millions. Depuis le début de l'année 2022, ce sont presque 25 milliards de numéros de téléphone qui ont été retirés des fichiers de prospection commerciale. Environ 360 millions de numéros sont soumis par les professionnels en moyenne par jour et 30 millions de numéros sont retirés des fichiers de prospection commerciale en moyenne par jour, soit autant d'appels évités. Outre ce décret, un autre décret déterminant les jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels la prospection commerciale par voie téléphonique non sollicitée peut avoir lieu, y compris en vue de la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines est paru le 14 octobre 2022 au Journal officiel (Décret n° 2022-1313). Ce décret est entré en vigueur le 1er mars 2023 et encadre mieux le démarchage téléphonique auprès des consommateurs, qui est ainsi autorisé uniquement du lundi au vendredi, de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures. Il est, en revanche, interdit le samedi, le dimanche et les jours fériés. Cet encadrement s'applique aussi bien aux personnes non inscrites sur BLOCTEL qu'à celles inscrites mais sollicitées dans le cadre d'un contrat en cours. Toutefois, il ne s'applique pas si le consommateur a donné son consentement exprès et préalable pour être appelé. Le professionnel, ou une personne agissant pour son compte, peut alors solliciter par voie téléphonique le consommateur consentant en dehors de ces jours et de ces plages horaires. Ce décret précise également qu'un consommateur ne peut pas être sollicité par voie téléphonique à des fins de prospection commerciale plus de quatre fois par mois (période de trente jours calendaires) par le même professionnel ou par une personne agissant pour son compte. Il convient de noter que cet encadrement de la fréquence des appels inclut les tentatives d'appels du professionnel envers un même consommateur. Enfin, lorsque le consommateur refuse ce démarchage au cours de la conversation téléphonique, le professionnel s'abstient de le contacter ou de tenter de le contacter avant l'expiration d'une période de soixante jours calendaires révolus à compter de ce refus. La violation de ces règles est sanctionnée de l'amende administrative prévue à l'article L. 242-16 du code de la consommation (75 000 € d'amende pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale). La législation ne distingue pas les appels à destination des téléphones fixes de ceux reçus sur des téléphones mobiles et protège de la même façon les consommateurs en leur permettant à enregistrer sur BLOCTEL tous les numéros de téléphone dont ils sont titulaires, les appels frauduleux à destination des téléphones mobiles étant tout autant intrusifs que ceux passés vers des téléphones fixes. Par ailleurs, après l'interdiction de la prospection commerciale par voie téléphonique en matière de rénovation énergétique prévue par la loi ° 2020-901 du 24 juillet 2020, la loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires, face aux pratiques dénoncées et constatées dans le domaine de la formation professionnelle, a été créée une nouvelle interdiction de sollicitation téléphonique dans ce secteur d'activités. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) poursuit une action répressive résolue pour sanctionner les professionnels qui ne respectent pas leurs obligations légales et, de manière plus générale, les pratiques délictuelles qui s'y rattachent. Ainsi, en 2023, près de 5 300 établissements ont été contrôlés dont environ 60 % ne respectaient pas la réglementation relative au démarchage téléphonique et ont donné lieu à l'émission d'environ 4 millions d'euros d'amende. Les sanctions prononcées sont publiées sur le site de la DGCCRF et sur les comptes de ses réseaux sociaux, notamment « X » et « facebook », dans le cadre de sa politique du « name and shame » pour mieux informer les consommateurs sur les sociétés sanctionnées et renforcer l'effet dissuasif des sanctions. Ces publications sont également reprises sur le site internet bloctel.gouv.fr. Le Gouvernement est pleinement conscient que pour beaucoup de nos concitoyens, les appels téléphoniques, non désirés et répétés, effectués à tout moment de la journée, dans le but de leur vendre un produit ou de leur fournir un service qu'ils ne souhaitent pas, constituent une véritable nuisance. Il continuera donc à agir pour renforcer la lutte contre ces pratiques. S'agissant de l'évolution du cadre juridique existant que vous appelez de vos vœux en vue de n'autoriser le démarchage téléphonique qu'auprès des personnes qui auraient expressément et préalablement consentis à être sollicités par ce canal, il convient d'indiquer que le Sénat a adopté en première lecture, le 14 novembre 2024, la proposition de loi pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus qui « interdit à un professionnel, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers agissant pour son compte, de démarcher téléphoniquement un consommateur qui n'a pas exprimé préalablement son consentement pour faire l'objet de prospections commerciales par ce moyen sauf si le consommateur a consenti à être appelé ». Cette proposition de loi précise que le consentement s'entend de « toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une personne accepte que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à fin de prospection commerciale par voie téléphonique. »
Auteur : M. Fabien Di Filippo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Consommation
Ministère interrogé : Économie, finances et industrie
Ministère répondant : Consommation
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024