Suivi de la réforme visant à lutter contre le démarchage téléphonique abusif
Question de :
M. Philippe Bolo
Maine-et-Loire (7e circonscription) - Les Démocrates
M. Philippe Bolo alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le suivi des ajustements visant à mieux réguler le démarchage téléphonique. Le démarchage téléphonique abusif est un sujet de société qui, bien qu'identifié par les pouvoirs publics, persiste à user un grand nombre des concitoyens, où qu'ils se trouvent. Ces appels non sollicités, à répétition et à des horaires indécents, finissent par être perçus comme un véritable harcèlement, poussant à l'extrême certaines personnes, déjà socialement isolées, à couper leurs téléphones comme seul moyen de protection. Par ailleurs, ce démarchage peut être synonyme de tentatives d'escroquerie pour les personnes et source de détournement d'argent public. Des ajustements visant à mieux lutter contre ce fléau ont été adoptés avec en particulier l'inscription sur la liste Bloctel et sa tacite reconduction, l'augmentation de la sanction des démarchages frauduleux et l'interdiction stricte de démarchage en matière de rénovation énergétique. Ces ajustements permettent de mieux protéger le citoyen en dissuadant les fraudeurs. Pourtant, le changement d'opérateur de Bloctel au 1er octobre 2021 a conduit à la mise hors service pendant plusieurs semaines du système de dépôt de signalement par les particuliers et la disparition, sur la plateforme, des dossiers signalés avant ce changement, sans information quant aux délais de remise en ordre. Par ailleurs, une fois un dossier déposé, le citoyen fait face à un système de suivi laconique. En effet, le système étant pensé comme une plateforme de signalement, le citoyen n'est pas considéré comme utilisateur d'un service public mais comme source d'information pour l'administration. Le service « information consommateur » de Bloctel mentionne explicitement qu'il n'apportera aucune information sur le suivi des signalements. Le citoyen n'est ainsi aucunement associé à la procédure et ne dispose pas, en l'état, d'une capacité d'information sur les suites de son signalement. La difficulté à suivre ses signalements minent la confiance du citoyen dans la crédibilité de la réforme et le désincite à apporter à l'administration des informations à même de renforcer les enquêtes ou l'identification des auteurs de fraudes ou d'abus. M. le député note enfin que, pour un même problème - le démarchage téléphonique abusif -, le citoyen doit faire appel à de multiples services : SignalConso en cas d'appels relatifs aux rénovations énergétiques ou malgré l'inscription sur la liste Bloctel, la CNIL en cas d'automates d'appel ou de collecte d'informations personnelles à des fins frauduleuses, l'annuaire inversé des numéros surtaxés en cas de message sur répondeur visant au rappel d'un numéro surtaxé ou encore le 33700 pour le démarchage par SMS. Au-delà des moyens de lutte mis en œuvre par l'administration contre ce phénomène, il l'alerte ainsi sur la nécessité de positionner le citoyen comme acteur de l'action publique et non plus seulement comme supplétif désemparé et souvent frustré de celle-ci ; il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.
Réponse publiée le 10 décembre 2024
Dans le souci de protéger les consommateurs, notamment les plus fragiles d'entre eux, d'un démarchage téléphonique intempestif et intrusif, le code de la consommation interdit cette pratique à l'égard de ceux qui sont inscrits sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique BLOCTEL. La loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux est venue renforcer ce dispositif. L'ensemble des mesures d'application de la loi ont désormais été prises. Ainsi, le décret n° 2021-1528 du 26 novembre 2021 détermine la nature des données essentielles de l'activité exercée par le gestionnaire de la liste d'opposition au démarchage téléphonique devant être rendues publiques dont « le nombre de réclamations déposées par les consommateurs » qui s'élève à environ 770 000 depuis le démarrage de la concession en cours, soit depuis le 1er octobre 2021, c'est-à-dire en un peu plus de trois ans. Ainsi, aujourd'hui, le nombre de professionnels adhérents au service BLOCTEL s'élève à environ 2 500, le nombre de consommateurs inscrits sur la liste d'opposition à environ 6,2 millions et le nombre de numéros de téléphone protégés à environ 12,4 millions. Depuis le début de l'année 2022, ce sont presque 25 milliards de numéros de téléphone qui ont été retirés des fichiers de prospection commerciale. Environ 360 millions de numéros sont soumis par les professionnels en moyenne par jour et 30 millions de numéros sont retirés des fichiers de prospection commerciale en moyenne par jour, soit autant d'appels évités. Outre ce décret, un autre décret déterminant les jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels la prospection commerciale par voie téléphonique non sollicitée peut avoir lieu, y compris en vue de la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines est paru le 14 octobre 2022 au Journal officiel (Décret n° 2022-1313). Ce décret est entré en vigueur le 1er mars 2023 et encadre mieux le démarchage téléphonique auprès des consommateurs, qui est ainsi autorisé uniquement du lundi au vendredi, de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures. Il est, en revanche, interdit le samedi, le dimanche et les jours fériés. Cet encadrement s'applique aussi bien aux personnes non inscrites sur BLOCTEL qu'à celles inscrites mais sollicitées dans le cadre d'un contrat en cours. Toutefois, il ne s'applique pas si le consommateur a donné son consentement exprès et préalable pour être appelé. Le professionnel, ou une personne agissant pour son compte, peut alors solliciter par voie téléphonique le consommateur consentant en dehors de ces jours et de ces plages horaires. Ce décret précise également qu'un consommateur ne peut pas être sollicité par voie téléphonique à des fins de prospection commerciale plus de quatre fois par mois (période de trente jours calendaires) par le même professionnel ou par une personne agissant pour son compte. Il convient de noter que cet encadrement de la fréquence des appels inclut les tentatives d'appels du professionnel envers un même consommateur. Enfin, lorsque le consommateur refuse ce démarchage au cours de la conversation téléphonique, le professionnel s'abstient de le contacter ou de tenter de le contacter avant l'expiration d'une période de soixante jours calendaires révolus à compter de ce refus. La violation de ces règles est sanctionnée de l'amende administrative prévue à l'article L. 242-16 du code de la consommation (75 000 € d'amende pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale). La législation ne distingue pas les appels à destination des téléphones fixes de ceux reçus sur des téléphones mobiles et protège de la même façon les consommateurs en leur permettant à enregistrer sur BLOCTEL tous les numéros de téléphone dont ils sont titulaires, les appels frauduleux à destination des téléphones mobiles étant tout autant intrusifs que ceux passés vers des téléphones fixes. Par ailleurs, après l'interdiction de la prospection commerciale par voie téléphonique en matière de rénovation énergétique prévue par la loi ° 2020-901 du 24 juillet 2020, la loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires, face aux pratiques dénoncées et constatées dans le domaine de la formation professionnelle, a été créée une nouvelle interdiction de sollicitation téléphonique dans ce secteur d'activités. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) poursuit une action répressive résolue pour sanctionner les professionnels qui ne respectent pas leurs obligations légales et, de manière plus générale, les pratiques délictuelles qui s'y rattachent. Ainsi, en 2023, près de 5 300 établissements ont été contrôlés dont environ 60 % ne respectaient pas la réglementation relative au démarchage téléphonique et ont donné lieu à l'émission d'environ 4 millions d'euros d'amende. Les sanctions prononcées sont publiées sur le site de la DGCCRF et sur les comptes de ses réseaux sociaux, notamment « X » et « facebook », dans le cadre de sa politique du « name and shame » pour mieux informer les consommateurs sur les sociétés sanctionnées et renforcer l'effet dissuasif des sanctions. Ces publications sont également reprises sur le site internet bloctel.gouv.fr. Le Gouvernement est pleinement conscient que pour beaucoup de nos concitoyens, les appels téléphoniques, non désirés et répétés, effectués à tout moment de la journée, dans le but de leur vendre un produit ou de leur fournir un service qu'ils ne souhaitent pas, constituent une véritable nuisance. Il continuera donc à agir pour renforcer la lutte contre ces pratiques. S'agissant de l'évolution du cadre juridique existant que vous appelez de vos vœux en vue de n'autoriser le démarchage téléphonique qu'auprès des personnes qui auraient expressément et préalablement consentis à être sollicités par ce canal, il convient d'indiquer que le Sénat a adopté en première lecture, le 14 novembre 2024, la proposition de loi pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus qui « interdit à un professionnel, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers agissant pour son compte, de démarcher téléphoniquement un consommateur qui n'a pas exprimé préalablement son consentement pour faire l'objet de prospections commerciales par ce moyen sauf si le consommateur a consenti à être appelé ». Cette proposition de loi précise que le consentement s'entend de « toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une personne accepte que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à fin de prospection commerciale par voie téléphonique. »
Auteur : M. Philippe Bolo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Consommation
Ministère interrogé : Économie, finances et industrie
Ministère répondant : Consommation
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024