Simplification des demandes de visas des Afghanes en France
Question de :
Mme Dominique Voynet
Doubs (2e circonscription) - Écologiste et Social
Mme Dominique Voynet interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la simplification de la procédure pour les demandes de visas des Afghanes en France. Il y a quelques mois, Mme la députée a interpellé les collègues de M. le ministre en charge des affaires étrangères et de l'égalité femmes-homme sur les obstacles que rencontrent les femmes afghanes qui demandent à bénéficier d'un visa au titre de l'asile pour la France. Ce courrier lui a été transmis. Sa réponse a estomaqué Mme la députée. Alors que le moindre déplacement des femmes est contraint, qu'elles doivent être accompagnées d'un chaperon masculin, qu'elles ne peuvent franchir les frontières du pays sans autorisation de leur père ou de leur mari, M. le ministre écrit benoîtement : « le seul moyen pour les Afghans et les Afghanes de faire une demande de visa est de se rendre dans un consulat français, en Iran ou au Pakistan. Ces procédures sont bien connues des postes diplomatiques sur place ». Alors que les derniers droits de ces femmes sont aujourd'hui bafoués par les talibans, qui exigent que soient murées les fenêtres des cuisines, pour éviter qu'une vague silhouette ne risque d'exciter les hommes qui pourraient accidentellement jeter un regard par ces fenêtres, la France ne respecte pas la jurisprudence internationale en matière d'accueil de ces femmes. D'après l'arrêt du 4 octobre 2024 de la Cour de justice de l'Union européenne, les femmes afghanes doivent en effet être reconnues comme réfugiées « uniquement sur la base de leur pays et de leur sexe ». Une procédure de demande de visa simplifiée et accélérée doit leur permettre d'accéder à ce statut protecteur. La France ne dispose plus d'ambassade à Kaboul. Les Afghans et Afghanes doivent donc se rendre à Téhéran (à 2 067 km) ou Islamabad (à 470 km) pour effectuer leurs demandes de visas. C'est déjà très difficile. Celles qui ont réussi à fuir doivent solliciter une officine privée et payante telle que VSF Global, qui constitue le dossier et gère la relation avec l'ambassade. La réponse viendra après plusieurs semaines ou plusieurs mois au cours desquels il faudra assumer, outre le paiement de l'officine intermédiaire, le coût de l'hébergement sur place. Mme la députée demandera à M. le ministre des affaires étrangères de faire la lumière sur le fonctionnement des officines privées qui exercent leur business à la porte des ambassades. Et elle demande à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, au-delà des clivages politiques et au nom du respect des droits humains, quelles dispositions il entend prendre pour que soit enfin respectée la jurisprudence internationale sur l'accueil des Afghanes qui demandent l'asile dans le pays.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
DEMANDES DE VISAS DES AFGHANES
M. le président . La parole est à Mme Dominique Voynet, pour exposer sa question, no 208, relative aux demandes de visas des Afghanes.
Mme Dominique Voynet . Il y a quelques mois, monsieur le ministre, j'ai interpellé vos collègues chargés respectivement des affaires étrangères et de l'égalité entre les femmes et les hommes au sujet des obstacles que rencontrent les Afghanes demandant, au titre du droit d'asile, à bénéficier d'un visa pour la France. Mon courrier a été transmis au ministre de l'intérieur, dont la réponse m'a estomaquée. Alors que le moindre déplacement des femmes est contraint, qu'elles doivent être accompagnées d'un chaperon masculin, qu'elles ne peuvent franchir les frontières du pays sans autorisation de leur père ou de leur mari, vous écrivez benoîtement que leur seul moyen de faire une demande de visa est de se rendre dans un consulat français, en Iran ou au Pakistan, ces procédures étant bien connues de nos postes diplomatiques sur place.
Alors que, bafouant les derniers droits de ces femmes, les talibans, de peur qu'une vague silhouette n'excite les hommes qui pourraient y jeter les yeux, font désormais murer les fenêtres des cuisines, notre pays ne respecte pas la jurisprudence internationale : d'après l'arrêt du 4 octobre 2024 de la Cour de justice de l'Union européenne, leur nationalité et leur sexe suffisent à faire considérer les Afghanes comme des réfugiées. Une procédure de demande de visa simplifiée et accélérée doit leur permettre d'accéder à ce statut protecteur. Or, je le répète, la France ne possédant plus d'ambassade à Kaboul, cette demande nécessite de se rendre à Islamabad ou Téhéran, soit respectivement à 470 ou à 2 067 kilomètres. Les femmes qui parviennent à fuir, puis à atteindre l'une de ces deux villes, doivent alors solliciter une officine privée, telle que VSF Global, qui constitue le dossier et gère la relation avec l'ambassade. La réponse arrivera au terme de plusieurs semaines, voire plusieurs mois, au cours desquels la demandeuse, outre le paiement de cet intermédiaire, aura dû assumer les frais nécessaires pour vivre sur place.
Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères de faire la lumière sur le fonctionnement des officines qui exercent leur business à la porte de nos ambassades. De votre côté, au-delà des clivages politiques et au nom des droits humains, quelles dispositions entendez-vous prendre pour que soit enfin respectée la jurisprudence concernant l'accueil des Afghanes ?
M. le président . La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur . Vous me donnez l'occasion d'une réponse précise ayant trait à une situation extrêmement grave qui continue de se détériorer chaque jour : nous connaissons la tragédie de l'Afghanistan. Quelques jours après la Journée de la femme, je souhaite redire à quel point le gouvernement est engagé en faveur de la protection des Afghanes : le droit de demander l'asile depuis un pays tiers n'existant ni à l'échelle internationale ni à celle de la France, celle-ci a volontairement et spontanément instauré des dispositifs grâce auxquels, aujourd'hui encore, des Afghanes rejoignent notre territoire gratuitement et en toute sécurité. Ainsi, entre mai et juillet 2021, la France a évacué 623 agents de droit local et leurs familles, suivis de près de 6 000 autres ressortissants afghans dans le cadre de l'opération Apagan, lancée le 17 août 2021, peu après la chute de Kaboul, tandis que les demandes de réunification familiale émanant d'Afghanes faisaient l'objet, de la part des services du ministère de l'intérieur, d'une instruction accélérée.
Cependant, ces opérations, d'abord basées à Kaboul, ont dû être déplacées vers des pays tiers après la fermeture, le 28 août 2021, de notre ambassade en Afghanistan, où des raisons diplomatiques et sécuritaires évidentes rendaient dorénavant impossible le maintien d'agents consulaires. C'est pourquoi, dès la fin de ce mois d'août 2021, nous avons offert aux Afghans souhaitant un visa afin de gagner la France et d'y demander asile de s'adresser à une représentation consulaire française, cette mesure ayant entraîné l'octroi d'importants moyens supplémentaires. Ce visa en vue de demander l'asile constitue d'ailleurs une spécificité française en Europe : sa délivrance, visant à répondre aux besoins de protection les plus urgents, nécessite d'établir que le demandeur d'une part est exposé à une menace actuelle et personnelle, d'autre part ne saurait nuire à la sécurité de notre territoire, raison pour laquelle des vérifications préalables doivent être effectuées systématiquement par les services consulaires français.
À ce jour, plus d'un millier de femmes afghanes se sont vu délivrer un tel visa ; s'y ajoute l'initiative Avec elles, lancée en décembre 2023 dans le cadre du Forum mondial sur les réfugiés, par laquelle la France a décidé de consacrer une attention particulière aux réfugiées et surtout aux Afghanes seules. Ainsi, en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 300 réfugiées afghanes et leurs enfants ont été réinstallés en 2024 sur notre territoire ; cet objectif est porté à 500 pour l'année 2025. Cette effroyable situation continue donc de mobiliser pleinement le gouvernement.
M. le président . La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet . Je tiens à votre disposition trois exemples, dans ma seule circonscription, d'Afghanes réfugiées en France qui, leur visa ayant expiré, ont été invitées à rejoindre l'un des consulats cités.
M. François-Noël Buffet, ministre . Oui…
Mme Dominique Voynet . Des associations se sont cotisées afin que ces femmes puissent payer le voyage et les services de l'officine intermédiaire mais, une fois leur petit pécule épuisé, il leur a fallu rentrer sans avoir eu gain de cause. J'ai alerté à ce propos ; je vous ferai passer leur dossier.
Auteur : Mme Dominique Voynet
Type de question : Question orale
Rubrique : Immigration
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 2025