Question écrite n° 2101 :
Renégociation de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg

17e Législature

Question de : M. Frédéric Weber
Meurthe-et-Moselle (3e circonscription) - Rassemblement National

M. Frédéric Weber attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la nécessité de renégocier la convention fiscale entre la France et le Grand-Duché du Luxembourg dans un objectif de justice fiscale, en particulier pour les travailleurs frontaliers. La nouvelle convention fiscale, signée le 20 mars 2018, avait pour but d'éviter la double imposition des résidents français percevant des revenus au Luxembourg. Toutefois, malgré cet objectif, de nombreux travailleurs frontaliers sont toujours confrontés à des situations de double imposition, notamment en raison de la complexité de l'application des règles fiscales et des différences entre les systèmes d'imposition des deux pays. Cette situation est d'autant plus préoccupante avec l'essor du télétravail, qui engendre une incertitude sur la résidence fiscale et le risque d'une imposition multiple, particulièrement pour les jours travaillés depuis la France. Alors que, dans le cadre de la précédente convention, les travailleurs frontaliers devaient déclarer leur salaire brut luxembourgeois en déduisant les cotisations sociales ainsi que les impôts déjà payés au Luxembourg, la nouvelle convention introduit une modification significative. Désormais, ils devront déclarer leur salaire brut uniquement diminué des cotisations sociales, sans déduction des impôts payés au Luxembourg. Cette situation crée de facto un régime de double imposition pour ces travailleurs. Cela entraînera pour beaucoup d'entre eux un passage à une tranche d'imposition plus élevée, affectant particulièrement plusieurs catégories de travailleurs frontaliers. Sont notamment concernés les célibataires percevant des revenus locatifs en France, les retraités percevant plusieurs pensions, les indépendants exerçant une activité en France parallèlement à leur emploi au Luxembourg, ainsi que les couples mariés où l'un des conjoints travaille au Luxembourg et l'autre en France. Ces travailleurs risquent de subir une hausse importante de leur impôt sur le revenu, entraînant une perte de pouvoir d'achat significative, en plus des complications administratives liées à la déclaration dans deux systèmes fiscaux différents. Cette situation va à l'encontre de l'objectif premier de la convention, qui était d'assurer une imposition juste et équilibrée pour ces travailleurs, tout en évitant une charge administrative excessive. Dans un contexte où la justice fiscale devient un enjeu primordial pour garantir la confiance dans le système fiscal, il est indispensable d'assurer une répartition plus équitable de la charge fiscale entre les deux pays. La France doit veiller à protéger les travailleurs frontaliers et ses résidents contre les effets négatifs de la double imposition. C'est la raison pour laquelle M. le député demande à M. le ministre de lui préciser les mesures qu'il envisage de prendre pour protéger les travailleurs frontaliers français des effets négatifs de la nouvelle convention fiscale, prévue pour entrer en vigueur le 1er janvier 2025. Il souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage de renégocier certains aspects de la convention avec le Luxembourg, afin de garantir qu'aucun travailleur frontalier ne subisse de double imposition, conformément à l'objectif initial de l'accord.

Réponse publiée le 1er avril 2025

Signée le 20 mars 2018, la convention fiscale franco-luxembourgeoise est entrée en vigueur le 19 août 2019 et s'est appliquée pour la première fois aux revenus perçus en 2020. Largement inspirée du modèle de convention de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle a permis de moderniser le cadre bilatéral franco-luxembourgeois en intégrant notamment les derniers standards internationaux issues du projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting). S'agissant de l'imposition des salaires privés, la convention a maintenu le principe d'imposition au lieu d'activité, conformément au modèle de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et à l'ancienne convention signée en 1958. Les salaires privés de source luxembourgeoise perçus par les travailleurs frontaliers résidant en France restent ainsi, en règle générale, imposés exclusivement au Luxembourg. Cette règle garantit l'absence de double imposition des salaires perçus par les travailleurs frontaliers. La nouvelle convention fiscale avec le Luxembourg a par ailleurs modifié la méthode d'élimination de la double imposition pour les résidents de France percevant des revenus de source luxembourgeoise. L'ancienne convention évitait la double imposition de ces revenus de source luxembourgeoise par la méthode dite de l'exemption, consistant à retirer à la France tout droit de les imposer. Cette méthode, susceptible de conduire à des situations de double exonération injustifiées, ne fait plus partie de la pratique conventionnelle française et a été remplacée, conformément aux standards de l'OCDE, par la méthode dite de l'imputation, consistant à éliminer la double imposition par application d'un crédit d'impôt. La méthode de l'imputation est prévue dans un grand nombre de nos conventions en vigueur, par exemple avec le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie et l'Espagne. Si le principe de l'imposition de ces revenus au Luxembourg, au taux prévu par la législation luxembourgeoise, demeure inchangé, le passage d'une méthode à l'autre peut avoir une incidence sur le taux d'imposition appliqué aux autres revenus perçus en France. La méthode utilisée dans l'ancienne convention limitait en effet la progressivité de l'impôt appliqué aux revenus imposables en France. Sur ce point, la nouvelle convention assure que les revenus de source française des foyers qui perçoivent par ailleurs des revenus de source luxembourgeoise soient imposés au même taux que ceux des foyers qui, à revenus équivalents, ne disposent que de revenus de source française. En tout état de cause, si la nouvelle méthode d'élimination de la double imposition diffère de celle précédemment applicable, elle maintient le principe d'une imposition exclusive des salaires privés dans l'État d'activité et ne laisse persister aucune double imposition. Afin de laisser le temps aux foyers concernés de s'adapter, le Gouvernement avait annoncé, par tolérance, la possibilité de maintenir l'application de l'ancien système aux revenus perçus en 2020 et 2021. Cette tolérance a été prorogée pour les revenus de 2022 et 2023. Après une période transitoire de quatre années, les stipulations de la convention de 2018 s'appliquent pleinement aux revenus perçus à compter de 2024. Conscient de la situation spécifique des frontaliers résidents de France et travaillant au Luxembourg, le Gouvernement a adopté une série de mesures concrètes pour simplifier leurs démarches et les accompagner.  D'une part, ils peuvent depuis 2023 télétravailler en France 34 jours au lieu de 29 tout en restant intégralement imposables au Luxembourg aux termes de l'avenant du 7 novembre 2022. En cas de dépassement de ce seuil, dont la portée n'est que fiscale, le prélèvement à la source à la charge de l'employeur a été remplacé par le système des acomptes contemporains par l'article 3 de la loi de finances pour 2023. D'autre part, un guichet spécial a été ouvert au sein de la direction départementale des finances publiques de Moselle pour aider les contribuables à déterminer l'assiette imposable en France en application des nouvelles règles conventionnelles.

Données clés

Auteur : M. Frédéric Weber

Type de question : Question écrite

Rubrique : Frontaliers

Ministère interrogé : Économie, finances et industrie

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Dates :
Question publiée le 19 novembre 2024
Réponse publiée le 1er avril 2025

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