Question de : M. Christian Girard
Alpes-de-Haute-Provence (1re circonscription) - Rassemblement National

M. Christian Girard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la procédure de kafala. Cette procédure est un système permettant, dans certains pays musulmans d'accueillir des enfants pendant leur minorité de manière bénévole pour participer à leur protection, leur entretien et leur éducation. Ce système étranger n'a pas d'équivalent en France et pourtant, d'après l'association des parents adoptifs d'enfants recueillis par kafala, 300 à 400 couples accueillent chaque année en France un enfant sous ce régime. Bien que dépourvue d'effet sur la filiation, déléguant simplement l'autorité parentale, celle-ci permet à des enfants étrangers de résider sur le territoire national. Cela soulève plusieurs questions, notamment dans un contexte où il devient nécessaire de maîtriser les flux migratoires. En effet, certaines caisses d'allocations familiales semblent accorder des prestations sociales pour des enfants mineurs pris en charge sous le régime de la kafala, ce qui pourrait constituer une source d'attraction migratoire non négligeable. Par ailleurs, les voies de naturalisation offertes à ces enfants peuvent apparaître comme une facilité pour accéder à la nationalité française sans passer par les critères habituels. Selon l'article 21-12 du code civil, peut réclamer la nationalité française, « l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ». Ce critère de durée a été abaissé car il était de 5 ans auparavant. Aussi, M. le député souhaiterait savoir quelles mesures M. le ministre envisage pour veiller à ce que la procédure de kafala ne soit pas détournée de son objectif initial et ne devienne pas un moyen de contourner les règles d'immigration et d'acquisition de la nationalité française. En particulier, il lui demande s'il envisage de renforcer les critères d'octroi des prestations sociales et d'encadrer plus strictement la naturalisation des enfants pris en charge par kafala.

Réponse publiée le 17 juin 2025

Les législations de certains États du Maghreb, notamment celles de l'Algérie et du Maroc, prohibent l'adoption telle qu'elle est organisée, avec tous ses attributs, par le Code civil français. Elles n'envisagent que des cas de transfert de l'autorité parentale : la kafala. Celle-ci se définit comme l'acte, validé par l'autorité judiciaire, par lequel une personne s'engage à recueillir un enfant mineur. Elle implique que l'accueillant assure la protection de l'enfant mineur et pourvoit à ses besoins d'entretien et d'éducation. Elle est donc organisée dans l'intérêt de l'enfant. Pour produire ses effets, la décision de kafala doit être prononcée ou homologuée par une autorité judiciaire. En principe, les actes se rapportant à l'état des personnes établis à l'étranger ne nécessitent aucune mesure pour s'appliquer en France. Le jugement de kafala concerne l'état et la capacité des personnes. Il doit produire des effets en France indépendamment de tout prononcé d'exequatur. La kafala dite notariale ou adoulaire, assimilable à un contrat, ne produit pas ses effets, même homologuée, dès lors qu'il n'y a aucun contrôle judiciaire ou administratif sur ses conditions d'exécution. La kafala n'a pas les mêmes effets que l'adoption. Elle n'instaure aucune filiation légale. L'enfant mineur recueilli conserve les liens de filiation qui l'unissent à ses parents ou à sa famille. Il n'acquiert aucun droit successoral sur les biens de l'accueillant et la protection cesse avec la majorité. Cette procédure s'apparente à un simple transfert de l'autorité parentale. En matière de droit au séjour, la kafala n'emporte aucun droit particulier à l'accès de l'enfant au territoire français, sauf dans le cadre de l'accord franco-algérien où la kafala est envisagée. En effet, dans le cas des ressortissants algériens, l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 encadrant la procédure de regroupement familial prévoit que les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Parmi les membres de famille algériens admissibles au titre de regroupement familial figurent les « enfants de moins de dix-huit ans dont le demandeur a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, dans l'intérêt supérieur de l'enfant » autrement dit une décision de kafala. Hormis les kafalas algériennes, l'étranger ne peut utilement se prévaloir de ce transfert de l'autorité parentale au soutien de sa demande de regroupement familial formée au bénéfice de cet enfant, dispositif qui exige l'existence d'un lien de filiation. Dans le cas de la demande de document de circulation pour étranger mineur (DCEM), la kafala intervient au stade du dépôt du dossier lorsque le demandeur doit prouver qu'il détient sur le mineur l'autorité parentale. Hormis au stade de la recevabilité, la kafala ne constitue pas un motif de délivrance du DCEM. Toutefois, le juge administratif a estimé que « l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ». Dans l'appréciation des situations par les autorités préfectorales, il doit ainsi être tenu compte de l'intérêt supérieur de l'enfant tel que garanti par l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 et du droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A noter également qu'il n'est pas rare que des personnes de nationalité française prennent en charge un enfant par kafala. Dans ce cas précis, aucun document relatif à la régularité de séjour ne sera requis pour l'enfant. En matière d'acquisition par décision de l'autorité publique, par décret, un enfant recueilli au titre de la kafala ne peut être pris en effet collectif au titre de l'article 22-1 du code civil. En revanche, l'article 21-12 1° du code civil permet l'acquisition de la nationalité française par l'enfant recueilli par une personne de nationalité française sous les conditions cumulatives suivantes : L'enfant doit être mineur au sens du droit français Le recueillant doit être de nationalité française à la date de la souscription de la déclaration Le recueil doit lui-même répondre à certaines conditions : Être effectif depuis trois ans au moins au jour de la souscription de la déclaration Résulter d'une décision de justice : la décision de justice peut être française ou étrangère, judiciaire ou administrative selon l'organisation de l'Etat où elle a été rendue Condition liée à la personne du recueillant dans la décision de recueil: la juridiction doit confier l'enfant à un tiers afin qu'il soit élevé par lui ; ce tiers ne peut être ni le parent (père ou mère), ni son conjoint, son concubin ou son partenaire Condition liée au lieu du recueil : le recueil peut avoir lieu en France ou à l'étranger, pourvu que l'enfant recueilli réside de manière effective avec le recueillant Dans ce cadre, le recueil d'un enfant pendant trois ans par kafala par une personne de nationalité française peut permettre à l'enfant l'acquisition de la nationalité française par déclaration.  A ce jour, il n'est pas envisagé de modification du 1° de l'alinéa 3 de l'article 21-12 du code civil. Le ministère de la justice, compétent pour l'enregistrement des déclarations souscrites à l'étranger, comptabilise 177 déclarations enregistrées entre 2019 et 2024 sur le fondement de l'alinéa 3, 1° de l'article 21-12 du code civil, soit moins de 30 déclarations par an concernant des recueils par kafala. S'agissant des déclarations souscrites en France, le système informatique de traitement des déclarations de nationalité française utilisé par les juridictions comptabilise l'ensemble des acquisitions au titre de l'article 21-12 du code civil c'est-à-dire les déclarations suite à une adoption simple par Français, un recueil par un Français ou encore par l'Aide sociale à l'enfance. En revanche, il ne permet pas de distinguer la proportion des déclarations selon la catégorie du recueil. Une baisse des enregistrements est constatée depuis l'année 2021 (2021 : 2 457 ; 2022 : 2 349 ; 2023 : 1 760). En moyenne, on observe 2 188 acquisitions par an tous motifs confondus.

Données clés

Auteur : M. Christian Girard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Immigration

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 19 novembre 2024
Réponse publiée le 17 juin 2025

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