Question écrite n° 2108 :
Montée de l'ultra-violence chez les mineurs

17e Législature

Question de : Mme Sophie Blanc
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Rassemblement National

Mme Sophie Blanc attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la montée de l'ultra-violence chez les mineurs. La France fait face depuis plusieurs années à une montée en puissance inquiétante de la violence juvénile. Ce phénomène, qui se caractérise par une recrudescence de crimes graves commis par des mineurs, notamment des meurtres, des rixes mortelles et une implication croissante dans des réseaux de narcotrafic, met en lumière les carences d'un système judiciaire et éducatif dépassé par la gravité de la situation. Les exemples d'actes de violence extrême impliquant des adolescents, parfois dès l'âge de 13 ou 14 ans, se multiplient, illustrant une dérive sociale et criminelle de plus en plus difficile à contrôler. Les médias se font régulièrement l'écho de ces drames qui touchent les quartiers populaires et les villes moyennes, là où la précarité et la déliquescence de l'autorité contribuent à la montée de cette violence. Le récent phénomène des « shooters » , ces jeunes tueurs à gages recrutés par des réseaux criminels pour éliminer leurs rivaux, en est un exemple frappant. La situation est telle que certains mineurs sont désormais en première ligne des guerres de territoires qui gangrènent certaines des villes, transformées en zones de non-droit. Dans ce contexte, plusieurs interrogations surgissent quant à la capacité de l'État et de ses institutions à répondre à ces défis. Le recours aux sanctions pénales semble inefficace pour dissuader ces jeunes, dont l'implication dans des crimes graves ne cesse d'augmenter. En outre, la complexité des mécanismes de protection de l'enfance, qui limitent la possibilité de répondre pénalement à la hauteur des actes commis, contribue à l'impunité ressentie par les délinquants juvéniles et, par ricochet, à la dégradation de la sécurité dans de nombreuses zones urbaines. D'après les statistiques du ministère de la justice, la criminalité des mineurs a augmenté de façon notable ces dernières années. Si cette violence n'est pas un phénomène nouveau, son intensité et sa nature ont évolué. Là où auparavant les délits se limitaient principalement à des vols ou des dégradations, on assiste désormais à une explosion des actes de violence extrême. La multiplication des rixes entre bandes rivales dans certaines zones urbaines, souvent orchestrées via les réseaux sociaux, en est une illustration. Ces affrontements se soldent de plus en plus fréquemment par des blessures graves, voire des décès. Des quartiers de villes comme Marseille, Lyon, ou la banlieue parisienne sont devenus des épicentres de cette violence, avec des mineurs de moins de 16 ans souvent impliqués dans des faits criminels particulièrement graves. Le narcotrafic constitue également une des principales causes de cette violence. De jeunes adolescents sont rapidement intégrés dans ces réseaux, parfois même pour des tâches aussi dangereuses que le transport d'armes ou l'exécution de contrats meurtriers. Les policiers eux-mêmes se disent souvent dépassés face à des jeunes déterminés, organisés et bénéficiant de la complicité de réseaux criminels aguerris. Le phénomène des « shooters » , évoqué dans un récent article du Monde, où des adolescents sont recrutés pour tuer sur commande, témoigne de cette nouvelle escalade criminelle. La jeunesse n'est plus seulement l'apanage des petites infractions ou des incivilités, elle devient actrice de crimes graves, souvent prémédités et commandités par des organisations criminelles de plus en plus structurées. En France, le traitement des mineurs délinquants est régi par l'ordonnance de 1945, qui prévoit des mesures de protection adaptées à la jeunesse. Cependant, les évolutions sociétales et la montée en puissance de la délinquance juvénile posent la question de l'adéquation de ce cadre légal à la situation actuelle. La prise en charge des mineurs violents repose encore largement sur des mesures éducatives, souvent inadaptées à la gravité des actes commis. Les magistrats spécialisés dans la justice des mineurs expriment régulièrement leur désarroi face à l'inadéquation des sanctions prévues. Trop souvent, les jeunes impliqués dans des affaires criminelles graves échappent à des peines lourdes en raison de leur âge, ce qui crée un sentiment d'impunité. De surcroît, les centres éducatifs fermés (CEF), qui constituent l'une des principales réponses apportées par le système judiciaire aux mineurs délinquants, sont aujourd'hui surchargés et ne permettent pas d'assurer un encadrement rigoureux et personnalisé pour chaque cas. Il en résulte une prise en charge inefficace qui, loin de dissuader ces jeunes, les renforce dans leur sentiment de toute-puissance. Cette impunité perçue est également ressentie par les victimes, qui voient ces mineurs récidiver sans que des mesures fortes ne soient prises. Cette situation est préoccupante, d'autant plus que les trafiquants de drogue et les chefs de bandes criminelles exploitent ces lacunes judiciaires en recrutant de plus en plus jeunes, sachant que les mineurs sont moins sévèrement punis. Plusieurs pays européens ont mis en place des systèmes qui pourraient inspirer des réformes en France pour mieux encadrer la délinquance juvénile. Au Danemark un dispositif innovant appelé « le modèle de Copenhague » a été mis en place. Ce modèle repose sur une étroite collaboration entre la police, les travailleurs sociaux et les éducateurs, permettant une prise en charge immédiate et complète des jeunes délinquants. Dès qu'un mineur commet un acte de délinquance, une équipe dédiée composée de policiers, d'assistants sociaux et de responsables éducatifs intervient pour évaluer la situation et proposer des mesures immédiates, allant de l'accompagnement éducatif renforcé à l'incarcération. Ce modèle a permis une réduction significative de la récidive, notamment en offrant des solutions alternatives à la détention tout en maintenant une surveillance étroite. En Allemagne, le système de justice des mineurs se distingue également par une réponse rapide et proportionnée à la gravité des faits commis. Les jeunes délinquants peuvent être placés dans des institutions spécialisées dès l'âge de 14 ans pour des crimes graves, avec des sanctions plus lourdes pour les récidivistes. Le système allemand met l'accent sur une combinaison de sanctions pénales et de réhabilitation, avec un encadrement strict en milieu fermé pour les cas les plus graves, tout en offrant des programmes de réinsertion adaptés. Les États-Unis d'Amérique, bien que souvent critiqués pour la sévérité de leur justice pénale, ont également expérimenté des programmes novateurs pour endiguer la violence des mineurs. Des initiatives telles que les « teen courts » (tribunaux pour adolescents), où des jeunes sont jugés par leurs pairs dans un cadre légal, ont été mises en place pour responsabiliser les jeunes délinquants tout en leur offrant une seconde chance. Ces tribunaux, combinés à des programmes de mentorat et de travail d'intérêt général, permettent de réduire la récidive tout en maintenant un cadre disciplinaire fort. En Suède, les autorités ont adopté une approche préventive en axant leurs efforts sur l'éducation, la lutte contre l'exclusion sociale et une réponse rapide aux premiers signes de violence chez les jeunes. La Suède a également mis en place des systèmes d'alerte précoce permettant de détecter rapidement les jeunes à risque et de les orienter vers des structures éducatives renforcées avant qu'ils ne basculent dans la délinquance grave. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : la France connaît une montée sans précédent de la délinquance juvénile, avec des actes de plus en plus graves commis par des adolescents, voire des préadolescents. Ce phénomène, qui s'étend à toutes les régions du pays, a pris des proportions inquiétantes dans les grandes métropoles comme Marseille, Paris et Lyon, mais aussi dans des villes de taille moyenne telles que Dijon ou Mulhouse. Il ne s'agit plus seulement de délinquance ordinaire ou d'incivilités. Les faits criminels dans lesquels ces mineurs sont impliqués vont bien au-delà des vols ou des dégradations : on parle de meurtres violents, de règlements de comptes et d'une participation active à des trafics de stupéfiants. La situation est d'autant plus préoccupante que certains mineurs, à peine âgés de 13 ou 14 ans, sont recrutés par des réseaux criminels pour devenir des « shooters », des tueurs à gages, souvent engagés pour éliminer des rivaux dans les guerres de territoire liées au narcotrafic. Ces jeunes, devenus acteurs majeurs des trafics de drogue, sont dotés d'armes à feu et de la capacité à tuer, un phénomène qui souligne l'échec du système répressif et éducatif en place. Comme le décrit un récent article du Figaro, les magistrats eux-mêmes se trouvent dépassés par l'ampleur de la violence et des délits graves commis par des adolescents de plus en plus jeunes. Les récentes affaires survenues à Grenoble et à Nice, impliquant des rixes entre bandes, ont démontré à quel point ces mineurs sont capables de commettre des actes d'une extrême brutalité, motivés par des logiques de territoire et des conflits liés aux trafics de drogue. Dans ces villes, les autorités locales sont confrontées à une situation de crise, avec des quartiers entiers devenus des zones de non-droit, où les forces de l'ordre peinent à maintenir l'ordre. Face à la montée de l'ultra violence chez les mineurs en France, il est indispensable de revoir en profondeur le cadre législatif et judiciaire en vigueur. Voici quelques pistes de réflexion et de réforme que Mme la députée propose d'envisager : M. le ministre va-t-il revoir le cadre juridique régissant la justice des mineurs qui semble obsolète ? M. le ministre va-t-il développer les centres éducatifs fermés (CEF) qui sont saturés ? M. le ministre va-t-il diversifier les structures d'accueil avec des programmes adaptés aux différents profils de jeunes (récidivistes, primo-délinquants, etc.) ? M. le ministre va-t-il renforcer la prévention et l'accompagnement social en s'inspirant du modèle danois (mise en place d'équipes pluridisciplinaires, associant policiers, travailleurs sociaux et éducateurs spécialisés, permettrait une prise en charge immédiate des jeunes délinquants) ? M. le ministre va-t-il réviser l'ordonnance de 1945 ? Car il semble nécessaire d'adapter ce texte fondateur à la réalité actuelle, en permettant une répression plus efficace des actes graves commis par des mineurs. Enfin, elle lui demande s'il envisage un abaissement de l'âge de responsabilité pénale, ou l'instauration de peines plus sévères pour les récidivistes.

Données clés

Auteur : Mme Sophie Blanc

Type de question : Question écrite

Rubrique : Jeunes

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date :
Question publiée le 19 novembre 2024

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