Menace sur la profession des comédiens de doublage face à l'IA
Question de :
M. Thierry Frappé
Pas-de-Calais (10e circonscription) - Rassemblement National
M. Thierry Frappé alerte Mme la ministre de la culture sur la situation des comédiens de doublage face au développement de l'intelligence artificielle. En effet, une campagne de sensibilisation a été lancée par de nombreux comédiens indiquant le danger immédiat que représente l'intelligence artificielle pour leur profession. Que ce soit dans la propriété de la voix mais aussi dans le cadre artistique, l'intelligence artificielle dans ce secteur met en péril près de 15 000 emplois. Il souhaite connaître ses intentions sur cette question si importante pour la culture française.
Réponse publiée le 26 novembre 2024
Les comédiens de doublage participent, au travers de leurs interprétations fines des œuvres, à la richesse culturelle française. Le public français est d'ailleurs très attaché aux œuvres en version doublée : 72 % des spectateurs vont généralement voir les films en salles en version française. Si le recours à l'intelligence artificielle (IA) n'est pas nouveau dans le secteur audiovisuel et cinématographique, la période actuelle est celle d'une intensification très forte de son utilisation. Cette intensification, qui touche le secteur du doublage, soulève des préoccupations légitimes, tant en matière de protection des droits des artistes-interprètes, que d'évolution des métiers et des emplois. Pour y répondre, un certain nombre de mesures et d'actions ont déjà été mises en œuvre aux niveaux interne et européen. Tout d'abord, un travail d'objectivation des évolutions des usages est mené par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Ce dernier a ainsi mis en place un observatoire de l'IA conduisant à la publication, en juin dernier, d'une étude permettant de mieux comprendre ses utilisations actuelles par les professionnels de la filière et la perception par ces derniers de ses impacts. Elle présente l'état d'adoption des technologies de l'IA pour le secteur du doublage et les opportunités et défis qui y sont attachés, notamment s'agissant du développement de voix numériques et de la synchronisation labiale. Des travaux d'études supplémentaires seront prochainement lancés quant à l'impact de l'IA sur l'emploi et la transformation des métiers du secteur de l'audiovisuel. Par ailleurs, compte tenu des évolutions que cette intensification entraîne en matière de métiers et d'emploi, il faut souligner l'engagement du ministère de la culture pour encourager toutes discussions entre les professionnels concernés. Celles-ci devraient faciliter la mise en place de pratiques vertueuses, permettant de placer les outils numériques au service de la création humaine et de pourvoir aux besoins de formation. Les services du ministère sont en lien permanent avec le secteur du doublage, dont les représentants ont été reçus à plusieurs reprises. Enfin, le règlement européen sur l'intelligence artificielle (RIA) de 2024 a permis de marquer un premier jalon en matière de régulation de l'IA. En application de celui-ci, les contenus de synthèse générés par IA doivent faire l'objet d'un marquage. Par ailleurs, les fournisseurs d'IA doivent se doter d'une politique de respect du droit d'auteur, en ce compris les droits voisins des artistes-interprètes, et publier un résumé détaillé des sources qu'ils utilisent pour entraîner leurs modèles. Pour permettre aux auteurs et artistes-interprètes de comprendre effectivement comment et à quelles fins les œuvres qu'ils concourent à créer sont utilisées pour entraîner l'intelligence artificielle générative, ces avancées doivent désormais être concrétisées dans les textes d'application de ce règlement. C'est la raison pour laquelle deux missions ont été confiées au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, dont les conclusions sont attendues en 2025. La première a vocation à proposer les modalités de mise en œuvre de l'obligation de transparence prévue par le RIA afin de s'assurer que celle-ci permette aux auteurs et aux artistes-interprètes de disposer des informations indispensables à l'exercice des droits. La seconde, plus prospective, étudiera la façon dont l'utilisation des contenus culturels par les modèles d'IA pourrait être rémunérée.
Auteur : M. Thierry Frappé
Type de question : Question écrite
Rubrique : Culture
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 26 novembre 2024