Question de : Mme Sophie Ricourt Vaginay
Alpes-de-Haute-Provence (2e circonscription) - UDR

Mme Sophie Ricourt Vaginay attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur les importations massives de blé ukrainien. Pour soutenir l'Ukraine et « son effort de guerre », voilà plus de deux ans que l'Union européenne lui permet d'exporter du blé, sans quota, ni frais de douane. Certains agriculteurs français se demandent aujourd'hui, à juste titre, si cette mesure ne favorise pas une concurrence déloyale. Les volumes de blé ukrainien exportés dans les 27 pays membres de l'Union ont été multipliés par 17 en 2023, passant de 351 000 tonnes avant la guerre contre la Russie à plus de 6 millions de tonnes, selon les chiffres de la Commission européenne. Du coup, le prix du blé français, qui cotait entre 350 et 410 euros la tonne pour l'exportation au second trimestre 2022, n'était que de 213 euros ce mois-ci. Si certains produits agricoles ukrainiens ont subi certaines restrictions au début de l'année 2024, notamment avec le retour des droits de douane au-dessus d'un certain volume exporté, le blé et l'orge en ont été exclus. Ainsi, faisant face à cette concurrence déloyale, à la baisse des prix mais aussi aux intempéries successives qui minent les récoltes, les producteurs de blé français sont en danger. Elle souhaiterait donc connaître sa position sur le sujet et les mesures qu'elle entend prendre pour protéger et sauver les producteurs de blé français.

Réponse publiée le 11 février 2025

Depuis le début de la guerre, le Gouvernement français a toujours soutenu les mesures de solidarité vis-à-vis de l'Ukraine, y compris en matière de politique commerciale. Toutefois, compte-tenu de la sensibilité de certaines filières agricoles et du risque de déséquilibre des marchés induit par des importations trop importantes, les autorités françaises ont porté dans le cadre du renouvellement des mesures commerciales autonomes en 2024, la mise en place de mesures destinées à mieux contrôler les volumes d'importation sur le marché européen de certains produits agricoles en provenance d'Ukraine, permettant de trouver un juste équilibre entre la solidarité vis-à-vis de l'effort de guerre ukrainien et la nécessité de ne pas déstabiliser le secteur agricole européen. De ce fait, les règlements 1392/2024 du 14 mai 2024 et 1671/2024 du 6 juin 2024 prévoient la mise en place du mécanisme de frein d'urgence pour les importations en provenance d'Ukraine, rapidement mobilisable après le dépassement des seuils définis par l'accord. Le périmètre produit du frein d'urgence concerne la volaille, les œufs, le sucre, le maïs, le gruau, l'avoine et le miel. La France avait également soutenu l'inclusion du blé et de l'orge dans les produits concernés par ces mécanismes, mais sans succès car d'autres États membres européens s'y étaient opposés. Par ailleurs, la Commission européenne a déclaré dans un communiqué le 29 mai 2024 qu'elle accorderait une attention particulière au suivi des importations de céréales, en particulier de blé, et a également rappelé que les importations en provenance d'Ukraine pouvaient faire l'objet d'une surveillance en vertu du chapitre IV du règlement (UE) 2015/478 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2015 relatif au régime commun applicable aux importations, qui peut prendre la forme de licences d'importation si l'évolution des importations menace de causer un dommage aux producteurs de l'Union européenne (UE) et si les intérêts de l'UE l'exigent. Les cours européens du blé tendre sont en grande partie influencés par les marchés mondiaux. La baisse des prix peut cette année s'expliquer par différents facteurs, en particulier les niveaux de production mondiaux et la forte présence de la Russie à des prix très compétitifs sur les marchés d'export européens et français. Aussi, outre les tensions géopolitiques et commerciales, la filière française doit faire face à un contexte climatique difficile qui a nettement altéré le potentiel de production des céréales d'hiver pour la campagne commerciale en cours. La récolte de blé a été retardée et compliquée conduisant à une production historiquement faible. Face à cette situation, l'État s'est mobilisé pour répondre à la crise à travers une grande diversité d'actions mises en œuvre, au niveau national comme au niveau local. En particulier, différents dispositifs d'indemnisation des pertes de récolte en grandes cultures liées aux aléas climatiques ont pu être mobilisés. L'assurance récolte et notamment de l'indemnité de solidarité nationale pour les risques d'ampleur exceptionnelle constituent un gage de sécurisation pour les producteurs. D'autres dispositifs permettent également d'accompagner les producteurs : avances de la politique agricole commune, déduction pour épargne de précaution, reports des cotisations de la mutualité sociale agricole ou encore dégrèvement de taxe sur le foncier non bâti… Conscient des difficultés du monde agricole, la mobilisation de l'État se poursuit par la mise en place de deux dispositifs de soutien à la trésorerie des exploitations. Une première aide accompagne les agriculteurs qui traversent des difficultés conjoncturelles, du fait d'aléas climatiques ou sanitaires, et une seconde aide permettra de soutenir les agriculteurs qui traversent des difficultés plus structurelles du fait, par exemple, de l'impact du changement climatique. La renégociation de l'accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) sera importante pour décider des modification à apporter à la relation commerciale entre l'UE et l'Ukraine. Il est important que cette renégociation ne se fasse pas dans la précipitation, alors que la Commission européenne a annoncé le lancement de ce travail. La ministre chargée de l'agricuture y veillera, comme elle veillera à préserver les intérêts agricoles et agroalimentaires français dans d'autres négociations.

Données clés

Auteur : Mme Sophie Ricourt Vaginay

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 26 novembre 2024
Réponse publiée le 11 février 2025

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