Question écrite n° 2219 :
Maltraitance animale dans certains abattoirs français

17e Législature

Question de : M. Jean Laussucq
Paris (2e circonscription) - Ensemble pour la République

M. Jean Laussucq interroge Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur des dysfonctionnements constatés dans certains abattoirs français, en particulier à la lumière de la récente enquête menée par L214 sur l'abattoir de Maurienne. Cette enquête révèle des pratiques extrêmement graves, notamment des cas où les animaux sont abattus alors qu'ils sont encore sensibles et conscients, voire découpés alors qu'ils sont encore vivants. Cet abattoir approvisionne les magasins Super U, Intermarché et E.Leclerc de la région Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que des boucheries locales, et vend également de la viande en direct dans les élevages d'origine. Depuis la promulgation de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, chaque abattoir est tenu de désigner un responsable bien-être animal (RPA), chargé de veiller à l'application des règles de protection animale. Des audits réguliers sont également obligatoires pour s'assurer que l'organisation des opérations respecte le principe d'épargner aux animaux « toute douleur, détresse ou souffrance évitable ». Cependant, ces dispositions légales semblent largement insuffisantes, comme en témoigne le cas de l'abattoir de Maurienne, qui ne respecte manifestement pas ces réglementations législatives. La proposition de loi de M. Olivier Falorni du 9 novembre 2016 visant à remettre en cause les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français semble prendre la mesure de ces dysfonctionnements. Il paraît être intéressant pour le Gouvernement de prendre en compte le droit de visite des parlementaires dans les abattoirs. Il souhaite savoir si des discussions sont actuellement en cours pour mettre fin à certaines pratiques contraires aux dispositions légales applicables aux abattoirs.

Réponse publiée le 27 mai 2025

Il convient en premier lieu de signaler que, malgré le caractère parfois choquant des images, et bien que des anomalies de manipulation des animaux et de fonctionnement de l'abattage puissent être observées justifiant la suspension de l'activité de l'abattoir de la Maurienne, la vidéo de L214 ne montre pas pour autant d'animaux découpés vivants, contrairement à ce qui a été rapporté dans la presse. Par ailleurs, le territoire national compte aujourd'hui 226 abattoirs d'animaux de boucherie. Le nombre d'abattoirs d'animaux de boucherie a diminué de 16 % depuis les six dernières années. Cette baisse est à la fois due au contexte économique difficile que traverse la filière d'abattage mais également à la fermeture, par l'administration, d'abattoirs non conformes à la réglementation, sans perspective de mise aux normes. Si l'abattage est aujourd'hui une activité de marché, libre et concurrentielle, assurée en grande majorité par des acteurs privés qui restent les premiers responsables du respect de la réglementation, chaque fermeture d'abattoir impacte le maillage territorial et la possibilité des éleveurs de faire abattre leurs animaux à proximité du lieu d'élevage. L'abattage des animaux de boucherie est cependant l'une des activités économiques la plus contrôlée tout secteur confondu. En effet, des agents de l'État sont présents en permanence pour réaliser des contrôles durant toutes les périodes d'abattage. Cette activité de contrôle mobilise aujourd'hui 1 265 équivalents temps plein. Les agents des directions départementales de la protection des populations qui sont postés au quotidien dans les abattoirs réalisent des contrôles réguliers de la qualité des viandes, de l'hygiène de production et de la bientraitance animale. Par ailleurs, des inspections complètes de la protection animale sont réalisées au moins une fois par an, voire plus fréquemment si l'abattoir est identifié à un risque particulier. Ces inspections donnent lieu à des rapports et, selon les besoins, à des suites proportionnées administratives et pénales, pouvant aller jusqu'à la fermeture de l'établissement. La direction générale de l'alimentation (DGAL) assure un suivi des abattoirs à l'échelle nationale et, depuis début 2022, elle a renforcé sa capacité d'intervention en constituant une force d'inspection nationale afin d'appuyer les services départementaux pour les cas les plus complexes. Cette force peut être mobilisée sur demande du préfet de département, qui est le seul à pouvoir décider de la fermeture d'un abattoir. Sur la base de ce dispositif, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est parfaitement déterminé à veiller à l'application du triptyque défini depuis 2021 pour les abattoirs : accompagner pour soutenir l'investissement et maintenir un maillage d'abattoirs pertinent ; contrôler au quotidien et renforcer ces contrôles selon une analyse de risque ; sanctionner de façon proportionnée au regard de la nature et de la gravité des non-conformités constatées. Pour ce qui est des actions mobilisées par les professionnels, des audits tierce-partie sont réalisés sur le volet de la protection animale par les clients des abattoirs dans le cadre de cahiers des charges commerciaux. En complément, depuis plusieurs années, la filière s'est dotée d'un dispositif d'audit volontaire de la protection animale en abattoir dont la grille d'évaluation a été construite en collaboration avec des associations de protection animale. Enfin, certaines associations, telle l'OABA (œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs) disposent de leurs propres auditeurs qui sont invités par les abatteurs à réaliser un diagnostic des conditions de mise à mort. Le manque de communication sur ces actions conduit le citoyen à envisager les abattoirs comme des « boites noires » alors même que la société confie aux exploitants d'abattoir le droit d'abattre les animaux de rente pour la production de viande. L'enjeu éthique fort de ce droit à mettre à mort des êtres vivants doués de sensibilité pour les besoins alimentaires de la société doit s'accompagner, pour les élus du peuple, de la possibilité de s'assurer du bon usage de ce droit. À la différence des établissements pénitenciers, les abattoirs sont pour la majorité d'entre eux des établissements de droit privé. Une expertise juridique a donc été sollicitée afin d'évaluer si ce droit d'accès aux abattoirs ne s'oppose pas au principe de la propriété privée. Particulièrement conscient des suspicions qui pèsent aujourd'hui sur les abattoirs, mais également pleinement sensibilisé à la place indispensable qu'ils occupent dans la chaîne alimentaire, le ministère chargé de l'agriculture reste attaché à apporter toute la transparence nécessaire pour maintenir la confiance des concitoyens vis-à-vis de l'activité d'abattage. Il en va de la survie de la filière viande.

Données clés

Auteur : M. Jean Laussucq

Type de question : Question écrite

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 26 novembre 2024
Réponse publiée le 27 mai 2025

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