Question orale n° 221 :
Nombre alarmant d'enfants qui se trouvent actuellement à la rue

17e Législature

Question de : M. Emmanuel Fernandes
Bas-Rhin (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Emmanuel Fernandes appelle l'attention de Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement, sur le nombre alarmant d'enfants qui se trouvent actuellement à la rue. En 2022, son prédécesseur, M. Olivier Klein, affirmait : « aucun enfant ne doit dormir à la rue cet hiver ». Ce projet doit commencer par la mise à l'abri d'urgence de toutes les personnes et encore plus des enfants à la rue. Selon l'UNICEF, ce sont près de 2 000 enfants qui seraient aujourd'hui sans solution d'hébergement, soit une augmentation de 20 % en un an. Cette situation indigne a été pointée par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU. Selon l'article 28 de la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France, chaque enfant a droit à l'éducation et à des possibilités d'apprentissage de qualité. Or quelles possibilités d'apprentissage un enfant a-t-il après avoir passé la nuit dehors ? Comment peut-il se reposer pour intégrer les savoirs ? Comment pourrait-il même étudier et faire ses devoirs alors qu'il a froid ? Partout en France, ce sont les citoyens et citoyennes qui se retrouvent à pallier les graves manquements de l'État sur le sujet. Dans la circonscription de M. le député à Strasbourg, les personnels du collège Lezay-Marnésia ont dû occuper le collège pendant plusieurs nuits et, notamment grâce au soutien des parents d'élèves et à une médiatisation exerçant une pression sur les pouvoir publics, ont pu obtenir un toit pour trois familles à la rue. Que dire de ce pays où des professeurs sont forcés de s'engager personnellement dans un rapport de force avec les pouvoirs publics pour simplement permettre d'atteindre l'assouvissement d'un besoin primaire pour leurs élèves, celui de se loger, besoin qui est un droit élémentaire en principe garanti par la loi ? Quelle image la France renvoie-t-elle aux élèves des établissements, à qui l'on enseigne notamment l'égalité, la fraternité, le respect de la loi et la responsabilité ? C'est parce que l'État faillit que les citoyens et citoyennes prennent le relais. M. le député tient ici à féliciter chaleureusement les personnels et parents du collège Lezay-Marnésia, mais aussi ceux de l'école Albert -le-Grand et de tous les établissements mobilisés, qui ont réussi à faire loger des enfants à la rue. D'après le journal Rue89 Strasbourg, depuis novembre 2024, au moins huit établissements scolaires de l'eurométropole de Strasbourg ont été le théâtre de mobilisations citoyennes qui, à mi-février, avaient permis l'hébergement en urgence de 27 familles. Pourtant, selon une enseignante membre du syndicat SNUipp : « La hiérarchie nous envoie des rappels au devoir de réserve. C'est une forme de pression [...] : on nous demande de signaler les enfants SDF, mais de ne pas manifester aux côtés des parents d'élèves. Et ça fonctionne, certains enseignants sont réticents à rejoindre la mobilisation». L'éducation nationale cherche donc à étouffer ces mobilisations, quelle honte ! Et parallèlement, le silence et l'inaction de la préfecture sur le sujet est glaçant. L'État est totalement défaillant, le Gouvernement est indigne ! À Strasbourg il a fait entre -5 et -10 degrés la nuit. Le préfet du Bas-Rhin a déclaré le plan « grand froid » niveau 1. À ce titre, 13 places d'hébergement ont été ouvertes, alors qu'au moins 75 enfants sans abris sont signalés dans la métropole (et environ 700 personnes en tout). Sur quels critères s'est-il fondé pour ces 13 places ? Pourquoi seulement 13 personnes auraient droit à une nuit au chaud ? Et comment sont-elles sélectionnées parmi les centaines de personnes à la rue ? La question de M. le député est donc simple. Qu'attend le Gouvernement pour agir ? Qu'attend-il pour mettre de réels moyens dans l'hébergement d'urgence, le logement social et l'accompagnement par des travailleurs sociaux des personnes à la rue ? Qu'attend-il pour donner la consigne aux préfets de réquisitionner tous les bâtiments qui sont à leur disposition pour que plus un enfant n'aille à l'école après avoir passé la nuit dehors ?  Pour rappel, conformément à l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles, « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence ». Afin de garantir ce droit, l'article L. 641-1 du code de la construction et de l'habitat donne au préfet un pouvoir de réquisition afin de loger les personnes dépourvues de logement. Pourquoi les préfets ne se saisissent-ils pas de cet outil pour héberger les enfants qui dorment dans le froid ? M. le député parle ici uniquement de la situation des enfants et invite Mme la ministre à détailler les mesures d'urgence qu'elle prend lorsqu'il fait froid. Mais il s'agit de ne pas oublier que 350 000 personnes sont à la rue en France, dont 735 ont trouvé la mort l'an dernier. Que les hébergements d'urgence sont saturés parce que la production de logement social a reculé alors que 2,7 millions de personnes sont en attente. Et que pendant que des enfants grelottent la nuit faute de pouvoir être logés, le patrimoine des 500 personnes les plus riches du pays a plus que doublé depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. Liberté, égalité, fraternité : ces mots au fronton des écoles ne doivent pas être qu'un slogan creux. Il est temps que les pouvoirs publics mettent en œuvre tous les moyens dont ils disposent pour que tous les enfants aient dormi au chaud lorsqu'au matin, ils passent la porte de l'école, surmontée de cette devise républicaine. Il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

ENFANTS SANS DOMICILE FIXE
M. le président . La parole est à M. Emmanuel Fernandes, pour exposer sa question, no 221, relative aux enfants sans domicile fixe.

M. Emmanuel Fernandes . En 2022, M. Olivier Klein, alors ministre du logement, affirmait : « aucun enfant ne doit dormir à la rue cet hiver ». Un tel projet doit commencer par la mise à l'abri d'urgence de toutes les personnes, a fortiori des enfants, se trouvant à la rue.

Selon l'Unicef, près de 2 000 enfants seraient aujourd'hui sans solution d'hébergement, leur nombre ayant augmenté de 20 % en un an. Cette situation indigne a été pointée par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU. Selon l'article 28 de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), ratifiée par la France, chaque enfant a droit à l'éducation et à des possibilités d'apprentissage de qualité. Or quelles possibilités d'apprentissage un enfant a-t-il, après avoir passé la nuit dehors ? Comment peut-il se reposer pour intégrer les savoirs ? Comment pourrait-il même étudier et faire ses devoirs, alors qu'il a froid ?

Partout en France, ce sont les citoyennes et les citoyens qui se retrouvent à pallier les graves manquements de l'État sur le sujet. Dans ma circonscription, à Strasbourg, les personnels du collège Lezay-Marnésia ont dû occuper le collège pendant plusieurs nuits. Ils ont pu obtenir un toit pour trois familles à la rue, notamment grâce au soutien des parents d'élèves et à une médiatisation qui a mis la pression sur les pouvoirs publics.

Que dire de ce pays où des professeurs sont forcés de s'engager personnellement dans un rapport de force avec les pouvoirs publics pour que leurs élèves puissent assouvir un besoin primaire, celui de se loger, conformément à un droit élémentaire en principe garanti par la loi ? Quelle image la France renvoie-t-elle aux élèves à qui l'on enseigne l'égalité, la fraternité, le respect de la loi et la responsabilité ?

C'est parce que l'État a failli que les citoyens et citoyennes prennent le relais. Je tiens à féliciter chaleureusement les personnels et les parents d'élèves du collège Lezay-Marnésia, mais aussi ceux de l'école Albert-le-Grand et ceux de tous les établissements mobilisés, qui ont réussi à faire loger des enfants à la rue. D'après le journal Rue89 Strasbourg, depuis novembre 2024, au moins huit établissements scolaires de l'eurométropole de Strasbourg ont été le théâtre de telles mobilisations citoyennes ; à la mi-février, ces mobilisations avaient permis l'hébergement en urgence de vingt-sept familles.

Ma question est simple : qu'attend le gouvernement pour agir ?

M. le président . La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation . J'approuve l'esprit de votre intervention, bien entendu. Le sans-abrisme, en premier lieu celui des enfants, est et reste un drame humain qui nous oblige collectivement. Je veux tout de même rappeler qu'en dix ans, le budget de l’État consacré à l’hébergement a triplé : il a atteint 2,8 milliards d’euros en 2024. Il a fallu se battre pour l'obtenir, mais nous maintiendrons en 2025 les 203 000 places d’hébergement existantes. Des places ciblées pour les publics les plus vulnérables ont été créées, dont 11 000 pour les femmes victimes de violences et 2 500 pour celles qui sortent de la maternité. Le budget pour 2025 conforte ces besoins en mobilisant 20 millions d'euros supplémentaires pour les femmes et les enfants à la rue – c'est précisément le sujet de votre question.

Nous accélérerons le relogement grâce au deuxième plan quinquennal « logement d’abord » – le premier plan, 2018-2022, a permis à 600 000 personnes de sortir de l’urgence. Avec la ministre du logement Valérie Létard, nous lui consacrerons 29 millions d’euros supplémentaires en 2025. Ce grand plan interministériel de lutte contre le sans-abrisme mobilise aussi les ministères de la santé et du travail ainsi que les collectivités locales volontaires. Cela répond en quelque sorte à votre question.

S’agissant du département du Bas-Rhin, plus de 6 000 places d’hébergement étaient ouvertes chaque soir en janvier, afin d’assurer au mieux la prise en charge des publics les plus vulnérables, notamment les familles avec enfants. Sans attendre la chute des températures, 73 places ont été ouvertes, dont 60 étaient destinées à accueillir des familles. Les 13 places destinées aux personnes isolées ont toutes été occupées. En revanche, sur les 60 places qui étaient destinées aux familles, seules 35 ont été occupées, soit faute de demande, soit parce que les personnes concernées les ont refusées.

Les services de l'État, en lien avec les associations, ont par ailleurs renforcé les maraudes – auxquelles participent souvent des élus – et ont étendu les horaires de tous les accueils de jour du territoire. Des diagnostics sociaux ont également été réalisés pour favoriser l’orientation des personnes vers les dispositifs adaptés à leur situation et permettre – c'est essentiel – leur accès aux soins.

M. le président . La parole est à M. Emmanuel Fernandes.

M. Emmanuel Fernandes . Face à une telle urgence, les chiffres et les mesures que vous me présentez ne suffisent pas. Je pense à une petite fille qui écrit à une responsable de l'association Les Petites Roues à Strasbourg : « Quand est-ce que vous viendrez me chercher ? Je suis dans ma tente, il fait très froid, l'eau est rentrée dans la tente. » Ce ne sont pas vos discours qui permettront de la mettre à l'abri, avec sa famille ; seules des mesures comme la réquisition des logements pourront y contribuer.

Pourquoi les préfets ne sont-ils pas appelés à réquisitionner les logements vacants, lorsque nous faisons face à de telles situations d'urgence ? À Strasbourg, il a fait entre 5 et 10 degrés au-dessous de zéro et le préfet du Bas-Rhin, lorsqu'il a déclenché le niveau 1 du plan Grand Froid, n'a ouvert que treize places d'hébergement supplémentaires. Sur quels critères ce nombre a-t-il été fixé ? Je peux vous dire que treize places, c'est dérisoire lorsqu'on compte au moins une centaine d'enfants à la rue à Strasbourg. Je ne peux pas vous laisser dire que des personnes ont refusé des places disponibles alors que des enfants dorment dehors, dans des tentes parfois inondées par de l'eau glacée.

Données clés

Auteur : M. Emmanuel Fernandes

Type de question : Question orale

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Logement

Ministère répondant : Logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 2025

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