Amendes abusives : une dérive des polices municipales et nationale !
Question de :
M. Abdelkader Lahmar
Rhône (7e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Abdelkader Lahmar alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les verbalisations abusives et inefficaces qui se multiplient à Rillieux-la-Pape, dans la 7e circonscription du Rhône. Ces dernières années, de nombreux jeunes habitants de Rillieux-la-Pape sont harcelés par la police municipale et certaines unités de la police nationale, notamment la brigade spécialisée de terrain (BST). Ils sont verbalisés, parfois plusieurs fois par jours, souvent par vidéosurveillance pour des incivilités mineures et peu justifiées. Par exemple, il y a de nombreuses amendes pour tapage nocturne délivrées en pleine journée. D'après les remontées du terrain, cette injustice concerne plusieurs dizaines de jeunes pour des préjudices se chiffrant en dizaines de milliers d'euros. Ces amendes pour différents motifs sont souvent distribuées simultanément par les mêmes agents. Cela s'apparente donc à une forme d'acharnement et à un abus d'autorité de la part des forces de l'ordre. Rillieux-la-Pape n'est pas une ville touchée par la grande délinquance mais ce phénomène a participé à fragiliser les relations police-population. Ces jeunes verbalisés sont, parfois, collégiens, lycéens ou en formation et aspirent à la tranquillité eux aussi. Au-delà du caractère abusif de ces verbalisations, leur inefficacité détonne. Ces collections d'amendes représentant des milliers d'euros ne sont bien entendu jamais payées. Les majorations pour impayé ne changent rien à la situation et éloignent un peu plus ces jeunes des institutions. Les dettes accumulées constituent aussi un fardeau presque indépassable pour l'accès à l'emploi, au logement, aux services bancaires, etc. L'économie souterraine apparaît pour certains de ces jeunes adultes ou mineurs endettés comme la seule voie de subsistance envisageable. C'est un échec pour la puissance publique, pour la ville de Rillieux-la-Pape et pour l'ensemble de la société. La préfecture du Rhône n'étant même pas au courant de l'existence de ces amendes, elle n'est pas en mesure de contrôler la légalité et la légitimité des agissements de la police municipale de Rillieux-la-Pape. Finalement, cette affaire pose la question de la régulation des polices municipales. Leur développement hors de tout contrôle de l'État favorise l'arbitraire. Il lui demande ce qu'envisage le Gouvernement pour mieux encadrer l'action des polices municipales afin d'éviter que ce genre d'abus se reproduise à l'avenir. De plus, ces agissements étant aussi le fait de la BST, il lui demande ce qu'il attend pour mettre fin à ces dérives.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
VERBALISATIONS À RILLIEUX-LA-PAPE
M. le président . La parole est à M. Abdelkader Lahmar, pour exposer sa question, no 222, relative aux verbalisations à Rillieux-la-Pape.
M. Abdelkader Lahmar . Des dizaines de jeunes de Rillieux-la-Pape, dans le Rhône, sont harcelés, ces dernières années, par la police municipale et par certaines unités de la police nationale, notamment la fameuse brigade spécialisée de terrain (BST), qui les verbalisent plusieurs fois par jour, notamment au moyen de la vidéosurveillance, pour des incivilités mineures et de manière peu justifiée – par exemple, de nombreuses amendes pour tapage nocturne ont été délivrées en plein jour. Ces amendes sont souvent distribuées simultanément, pour des motifs différents, par les mêmes agents : on assiste donc à une forme d'acharnement doublée d'un abus d'autorité. Alors que Rillieux-la-Pape n'est pas touchée par la grande délinquance, ce phénomène a contribué à fragiliser les relations entre police et population. Les jeunes concernés sont, pour certains, collégiens, lycéens ou en formation ; eux aussi aspirent à la tranquillité.
Outre le caractère abusif de ces verbalisations, il faut souligner leur inefficacité : les dizaines de milliers d'euros en cause ne sont, bien entendu, jamais payés. Les majorations ne font qu'éloigner un peu plus des institutions ces jeunes dont les dettes deviennent un obstacle presque insurmontable en matière d'accès à l'emploi, au logement, aux services bancaires, au point que l'économie souterraine apparaît à certains comme la seule voie de subsistance envisageable. C'est un échec pour la puissance publique, pour la ville, pour la société.
Jusqu'à ce que je les dénonce, la préfecture du Rhône n'était même pas au courant de ces amendes, ce qui signifie que la police municipale de Rillieux-la-Pape agit sans aucun contrôle. Cette affaire pose ainsi la question de la régulation des polices municipales dont le développement hors de tout contrôle de l'État favorise l'arbitraire. Qu'envisage le gouvernement afin de mieux encadrer leur action et d'éviter que ce genre d'abus se reproduise à l'avenir ? De plus, ces agissements étant aussi le fait de la BST, qu'attend le ministère de l'intérieur pour mettre fin à ces dérives ?
M. le président . La parole est à M. le ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur . Tout d'abord, la doctrine du ministère de l'intérieur consiste à apporter une réponse ferme et systématique, quelle que soit la situation, à chaque acte de délinquance. Permettez-moi de profiter de cette occasion pour saluer nos gendarmes et policiers – je dirai un mot tout à l'heure de la police municipale. Il faut donc rester ferme face aux comportements délinquants – il n'y a pas de doute sur ce point, que tout le monde partage.
Ensuite, l'action des forces de sécurité intérieure, chargées de veiller au respect des lois, obéit à des principes déontologiques exigeants. D'ailleurs, d'un point de vue pratique, le recours aux caméras-piétons a permis d'apaiser les relations entre les forces de l'ordre et les personnes soupçonnées d'avoir commis des actes de délinquance. Il est important de le souligner, même si cela n'empêche pas la fermeté.
En ce qui concerne plus précisément la commune de Rillieux-la-Pape, à la fois quartier de reconquête républicaine et quartier témoin, une action renforcée des services de police a été engagée grâce à la création d'une unité dédiée, la BST que vous avez mentionnée, qui agit avec la police municipale, connaît la délinquance locale et crée un lien avec la population. Si des individus sont verbalisés plusieurs fois par jour, c'est sans doute que les mêmes commettent plusieurs infractions le même jour.
La vidéoverbalisation est utile. Elle permet en effet, notamment grâce au relevé des plaques d'immatriculation, d'établir des contraventions : ainsi, en 2024, le centre de supervision urbaine de Rillieux-la-Pape a dénombré 1 849 vidéoverbalisations, dont 1 762 pour des infractions liées au stationnement et 87 à la circulation.
Par ailleurs, la commune de Rillieux-la-Pape a instauré un dispositif important afin de lutter contre les faits délictueux que constitue le tapage nocturne et diurne.
Enfin, pour répondre à votre question de fond s'agissant des polices municipales, nous sommes engagés dans ce que l'on appelle le Beauvau des polices municipales. Nous avons d'ailleurs tenu hier la dernière réunion au Havre et nous avons constaté, à l'occasion des différentes rencontres, la nécessité non seulement de faire évoluer les polices municipales mais aussi de renforcer la formation et de veiller au respect de la déontologie par leurs agents. Dans le continuum de sécurité que nous nous efforçons de déployer, ces aspects seront bien présents.
Pour résumer, il faut de la fermeté, afin de poursuivre les auteurs de faits contraventionnels ou délictuels – le rôle de la police municipale n'est pas de faire de la police judiciaire, mais bien d'assurer la tranquillité publique sur son territoire –, et, en contrepartie, de la déontologie et de la formation.
M. le président . La parole est à M. Abdelkader Lahmar.
M. Abdelkader Lahmar . J'ai assisté au cycle 1 des concertations du Beauvau à Lyon et j'ai entendu les deux principes que vous avez rappelés, à savoir la complémentarité et la non-interchangeabilité. Or la logique du Beauvau est de confier davantage de missions aux polices municipales, en réponse au désengagement de la police nationale lié à l'austérité budgétaire que votre gouvernement organise.
C'est pourquoi je mets l'accent sur le manque de contrôle de l'État sur les polices municipales. À travers le cycle 1, le Beauvau aborde en priorité les prérogatives et l'armement des polices municipales, mais occulte la déontologie et le contrôle – qui relèvent du cycle 4 et seront évoqués ultérieurement –, alors que ces deux aspects sont très importants.
Auteur : M. Abdelkader Lahmar
Type de question : Question orale
Rubrique : Police
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 2025