Conséquences sur les collectivités de la hausse de la CNRACL
Question de :
Mme Martine Froger
Ariège (1re circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
Mme Martine Froger alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la hausse de cotisation de la CNRACL prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS 2025). Pour rappel, la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) connaît une dégradation très rapide de sa situation financière : son déficit pourrait atteindre 11 milliards d'euros en 2030, alors qu'elle était encore excédentaire en 2017. Les causes de cette dégradation sont multiples et tiennent notamment au fait que la CNRACL a été contributrice au titre du mécanisme de compensation démographique vers les autres régimes pour un montant de 100 milliards d'euros constants au cours des cinq dernières décennies. Ainsi, en 2023, le régime a encore versé plus de 800 millions d'euros de compensation aux régimes de retraite déficitaires. C'est dans ce contexte que le Gouvernement a décidé dans le PLFSS 2025 de faire contribuer exclusivement les employeurs territoriaux et hospitaliers au redressement de la caisse en augmentant très substantiellement leur taux de cotisation, de quatre points en 2025. Cette augmentation, qui relève du pouvoir réglementaire du Gouvernement, serait suivie de deux autres hausses consécutives, en 2026 et 2027. Cette mesure qui n'a fait l'objet d'aucune discussion préalable avec les représentants des employeurs territoriaux et hospitaliers suscite de nombreuses inquiétudes. Elle pourrait avoir de graves conséquences sur la situation financière des collectivités et des hôpitaux sans apporter de solution durable à l'équilibre de la caisse. En 2025, les conséquences de cette hausse massive et extrêmement rapide représenteraient pour les collectivités territoriales et leurs établissements un montant d'au moins 1,5 milliard d'euros en 2025 et de l'ordre de 1,1 milliard d'euros pour les établissements publics de santé. Cette hausse pourrait bien menacer pour nombre d'entre eux leur solvabilité et plus largement la capacité de l'action publique locale à répondre aux besoins des populations et à réaliser les investissements nécessaires aux transitions. Dans ces conditions, elle lui demande comment le Gouvernement compte répondre au désarroi des collectivités qui vont voir exploser le montant de leurs cotisations et les mesures qui pourraient être envisagées pour remédier rapidement à la détérioration de leur situation financière.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
CAISSE NATIONALE DE RETRAITE DES AGENTS DES COLLECTIVITÉS LOCALES
M. le président . La parole est à Mme Martine Froger, pour exposer sa question, no 224, relative à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Mme Martine Froger . Face à un déficit budgétaire et une dette historiquement élevés, l'État a choisi de mettre à contribution les collectivités territoriales pour le redressement des finances publiques. C'est dans ce contexte qu'a été pris, le 31 janvier, un décret qui prévoit une hausse du taux de cotisation employeur à la CNRACL, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, de 12 points sur les quatre prochaines années – il a déjà augmenté de 3 points en 2025 et de 1 point non compensé en 2024.
Cette mesure, qui n'a fait l'objet d'aucune discussion préalable avec les représentants des employeurs territoriaux et hospitaliers, suscite de nombreuses inquiétudes. Faute de PLFSS – projet de loi de financement de la sécurité sociale – et d'approbation du Parlement, le gouvernement a choisi le passage en force en publiant ce décret, d'autant plus choquant qu'il prévoit cette hausse d'un seul coup, sans aucune concertation avec les principaux concernés.
Cette hausse massive et très rapide pourrait bien menacer la solvabilité de nombreuses collectivités territoriales, et plus largement la capacité de l'action publique locale à répondre aux besoins des populations et à réaliser les investissements nécessaires aux transitions en cours. Ainsi, dans mon département de l'Ariège, la hausse de 3 points représenterait, pour la communauté d'agglomération Pays Foix-Varilhes, qui compte 33 000 habitants, une dépense supplémentaire de près de 127 000 euros en 2025. L'augmentation de la cotisation CNRACL étant lissée sur quatre ans, l'impact global annuel de ces mesures serait d'environ 408 000 euros à compter de 2028. Vous le voyez, les conséquences de cette mesure sur le budget de nos collectivités sont considérables ; elles affecteront nécessairement leur capacité à répondre aux besoins des territoires.
Quant aux établissements hospitaliers, il est à craindre que cette mesure menace directement la viabilité de l'offre publique, sanitaire et médico-sociale.
Cette situation est d'autant plus regrettable que la CNRACL est appelée à contribuer, au nom de la compensation démographique, au redressement d'autres régimes de retraite déficitaires. La ponction opérée à ce titre au cours des cinquante dernières années s'élève à 100 milliards d'euros, ce qui a privé la Caisse de toute possibilité de constituer un fonds de réserve. Le gouvernement a choisi de faire porter la charge de cette situation sur les seuls employeurs, à un moment où la situation financière des collectivités et des employeurs hospitaliers est particulièrement contrainte. De surcroît, cette décision n'aura qu'un impact mineur sur les finances d'une caisse devenue structurellement déficitaire.
Comment comptez-vous répondre au désarroi des collectivités et des hôpitaux, qui vont voir exploser le montant de leur cotisation ? Quelles sont les mesures qui pourraient être envisagées pour remédier rapidement à la détérioration de leur situation financière ?
M. le président . La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation . Vous connaissez parfaitement le sujet ; votre question en témoigne. La situation du régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, géré par la CNRACL, est particulièrement préoccupante et menace sa pérennité. Comme vous l'avez souligné, c'est un problème qui remonte à une vingtaine d'années. Le déficit s'est élevé à 2,5 milliards d'euros en 2023 et, en l'absence d'intervention, il est projeté à 11 milliards en 2030.
Cette dégradation de l'équilibre financier du régime, dont le financement repose quasi exclusivement sur les cotisations, s'explique par la ponction opérée sur les comptes, mais également par la dégradation du ratio démographique, plus rapide qu'ailleurs. L'augmentation du recrutement de personnels contractuels, qui ne sont pas affiliés à la CNRACL, accentue cette tendance.
Sachez que le gouvernement mesure combien ce régime a contribué, par le passé, à la solidarité avec les autres régimes de notre système de retraite. Afin d'apporter une première réponse à cette situation d'urgence, il a décidé d'augmenter le taux de cotisation des employeurs de 3 points par an pendant quatre ans – et non de 4 points pendant trois ans, comme envisagé au départ –, de 2025 à 2028. C'est une hausse importante et le gouvernement, à travers moi, reconnaît l'effort qui est demandé ; mais elle est, comme l'a souhaité le premier ministre, moins brutale – parce que plus étalée – qu'initialement prévu.
Conscients des contraintes financières qui pèsent sur les collectivités, nous avons, à l'occasion de l'examen budgétaire des finances publiques locales, réduit l'effort financier que le gouvernement de Michel Barnier leur avait demandé, de 5 milliards à 2,2 milliards.
Enfin, parce que la seule mobilisation des employeurs ne sera sans doute pas suffisante pour rétablir l'équilibre de la CNRACL, j'ai, avec mes collègues Catherine Vautrin, Astrid Panosyan-Bouvet et Amélie de Montchalin, proposé aux représentants des employeurs locaux, par courrier en date du 31 janvier 2025, d'organiser une concertation pour trouver les solutions susceptibles de garantir un équilibre financier durable à ce régime de retraite auquel sont très attachés les collectivités et les agents. Celle-ci doit s'ouvrir au printemps, en bonne articulation avec les conclusions du conclave sur les retraites.
M. le président . La parole est à Mme Martine Froger.
Mme Martine Froger . Je vous remercie pour votre réponse mais elle ne suffit pas à apaiser mes craintes de voir les collectivités embaucher de préférence des contractuels en raison du moindre coût des cotisations versées à l'Ircantec, ce qui renforcera la précarité des agents territoriaux.
Auteur : Mme Martine Froger
Type de question : Question orale
Rubrique : Collectivités territoriales
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Aménagement du territoire et décentralisation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 2025