Création d'une école de la deuxième chance dans l'est du Loiret
Question de :
M. Thomas Ménagé
Loiret (4e circonscription) - Rassemblement National
M. Thomas Ménagé appelle l'attention de Mme la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi, sur la nécessité, pour l'État, d'honorer ses engagements permettant la création d'une école de la deuxième chance à Montargis afin d'assurer l'employabilité des jeunes sans qualification ni emploi dans l'est du Loiret. Globalement, la zone d'emploi de Montargis enregistre un taux de chômage de 10,2 %, contre 7,3 % à l'échelle du département du Loiret, faisant d'elle la deuxième zone la plus touchée de la région Centre-Val de Loire à la fin de l'année 2023. Parmi les demandeurs d'emploi, 57 % des inscrits à France travail dans cette zone possèdent un niveau inférieur ou égal au CAP, ce qui limite grandement leur employabilité et leur accès aux formations qualifiantes. D'un point de vue sociologique, cette zone d'emploi connaît un taux de pauvreté de 15,7 % contre 13 % en région Centre-Val de Loire. Ce taux atteint en moyenne 47,1 % dans les quatre quartiers prioritaires de la ville (QPV) que compte la commune de Montargis et ses environs et l'ensemble des statistiques démontrent que les jeunes issus de la zone concernée sont dans une situation moins favorable qu'à l'échelle régionale ou départementale. En effet, le taux de scolarisation des 18-24 ans en 2021 était de seulement 32,6 % dans la zone d'emploi de Montargis alors qu'il atteint 47,2 % dans le Loiret. Dans le même temps, 960 demandeurs d'emploi de moins de 26 ans étaient recensés à la fin de l'année 2023, une grande partie ayant un niveau de qualification inférieur ou égal au CAP et sur les 24 000 offres d'emploi déposées en 2023 sur les zones d'emploi de Montargis et Gien, seules 220 ne nécessitaient pas de diplômes. Cette inadéquation entre l'offre et la demande empêche donc l'accès à l'emploi des jeunes les moins qualifiés et les plus en difficulté, d'autant plus que si des diplômes sont requis, la part des emplois demandant peu d'expérience dans le métier recherché est majoritaire. Au surplus, le poids du secteur industriel est de l'ordre de 22 % des actifs salariés, contre en moyenne 13 % au niveau national, ce qui renforce le besoin en personnel qualifié. L'employabilité des jeunes représente donc, à cet égard, un enjeu majeur lié à la création de valeur et la réindustrialisation du pays. L'installation d'une école de la deuxième chance permettrait d'offrir un parcours d'accompagnement intensif et individualisé aux jeunes sans qualification, combinant formation et immersion en entreprise. Cette approche a fait ses preuves dans d'autres territoires et permettrait de faciliter une insertion durable, notamment dans les secteurs en tension, d'autant plus que l'est du Loiret est lauréat du programme « Territoires d'industrie » et que le PETR Gâtinais Montargois œuvre énergiquement pour le développement industriel du territoire. Le CFA Est Loiret, porteur de projet, s'était donc engagé dès 2022 dans un parcours de labellisation avec le Réseau E2C France, conformément aux articles L. 214-14 et D. 214-9 et suivants du code de l'éducation. L'ensemble des acteurs publics (État, région Centre-Val de Loire, département du Loiret, Agglomération Montargoise et Rives du Loing, etc.) y ont été associés et ont unanimement soutenu le principe de création d'une école de la deuxième chance qui s'intégrerait à la dynamique économique locale. Cette création s'inscrit d'ailleurs pleinement dans le contrat de ville conclu entre les acteurs locaux et l'État, qui comprend le déploiement d'un programme « Cités éducatives » visant notamment à aider à l'insertion professionnelle des jeunes sans qualification. L'étude de faisabilité réalisée par le Réseau E2C France a démontré le besoin existant sur le territoire, le public cible potentiel ayant été estimé à 540 jeunes peu diplômés sur la zone d'emploi de Montargis et, à terme, 240 jeunes supplémentaires sur la zone d'emploi de Gien où pourrait être ouverte une antenne. L'activité de la mission locale démontre également qu'elle pourrait utilement orienter ce public et l'accompagner vers l'accompagnement et la formation en lien avec une école de la deuxième chance, de même que France travail a indiqué souhaiter s'inscrire en complémentarité des actions menées par cette école. La mise en place d'une telle structure nécessite toutefois des financements pérennes impliquant un engagement de l'État en complément des contributions versées par les acteurs locaux. Alors que la labellisation est acquise et qu'une ouverture était prévue à la rentrée scolaire 2024-2025, l'État avait donné un accord de principe ayant encouragé le CFA Est Loiret à poursuivre la conception du projet. Il apparaît finalement, alors même que deux tiers du financement sont sécurisés et que le projet est complètement finalisé, que l'engagement pris par l'État de financer le tiers restant ne sera pas honoré et cette situation empêche donc toute ouverture à brève échéance. C'est l'ensemble du travail du porteur de projet, du Réseau E2C France et des acteurs locaux qui s'en trouve menacé. Aussi, il souhaite savoir si le Gouvernement entend honorer l'engagement que l'État a pris auprès des acteurs locaux en soutenant financièrement ce projet dans un bref délai pour garantir l'ouverture rapide et le maintien durable d'une école la deuxième chance dans l'est du Loiret.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
ÉCOLE DE LA DEUXIÈME CHANCE À MONTARGIS
M. le président . La parole est à M. Thomas Ménagé, pour exposer sa question, no 226, relative à l'école de la deuxième chance à Montargis.
M. Thomas Ménagé . Je tiens à appeler votre attention sur un enjeu fondamental pour ma circonscription du Gâtinais montargois : l’insertion professionnelle des jeunes sans qualification. Dans ce territoire, notamment dans la zone d’emploi de Montargis, la situation est particulièrement préoccupante. Avec un taux de chômage de plus de 10 %, bien supérieur à la moyenne départementale de 7 %, Montargis est la deuxième zone la plus touchée de la région Centre-Val de Loire.
Au-delà du chômage, c’est la difficulté d’accès à l’emploi qui frappe particulièrement les jeunes. Près de 57 % des demandeurs d’emploi dans cette zone ont un niveau de qualification inférieur ou égal au certificat d'aptitude professionnelle (CAP). Concrètement, cela signifie qu’ils rencontrent d’énormes obstacles pour accéder à des formations qualifiantes et pour trouver un emploi stable. Par ailleurs, en 2021 – il faut bien avoir ce chiffre à l’esprit –, le taux de scolarisation des 18-24 ans y était de seulement 32 %, contre 47 % pour l’ensemble du Loiret.
À la fin de l’année 2023, près de 1 000 jeunes de moins de 26 ans y étaient inscrits comme demandeurs d’emploi. Or, sur les 24 000 offres déposées à Montargis et Gien cette même année, seules 220 ne nécessitaient pas de diplôme. La quasi-totalité des emplois proposés requiert donc un niveau de qualification que ces jeunes n’ont pas, alors même que l’industrie représente 22 % des emplois salariés dans cette région – poids bien plus élevé que la moyenne nationale – et que notre industrie a besoin de main-d’œuvre. Cette situation traduit donc un véritable paradoxe : d’un côté, des jeunes veulent travailler mais n’ont pas les qualifications nécessaires ; de l’autre, un tissu économique peine à recruter par manque de personnel qualifié.
Une des solutions est pourtant connue et a fait ses preuves ailleurs : la présence d’une école de la deuxième chance. Le projet d'en créer une à Montargis existe, il est solide et soutenu. Le centre de formation d'apprentis (CFA) Est Loiret, qui promeut cette initiative, a suivi toutes les étapes nécessaires pour obtenir la labellisation auprès du réseau E2C France. Les acteurs locaux sont pleinement mobilisés et se sont engagés à apporter une part significative du financement et à contribuer au projet.
L’étude de faisabilité a démontré un réel besoin, avec une estimation de 540 jeunes concernés dans la seule zone d’emploi de Montargis. L’ouverture de cette école était prévue pour la rentrée 2024-2025 et deux tiers du financement sont déjà sécurisés. Pourtant, contre toute attente, l’État a indiqué renoncer à son engagement de financer le tiers restant. Sans ce soutien, le projet ne peut pas voir le jour et ce sont des centaines de jeunes qui se retrouvent potentiellement privés d’accès à une formation et au marché du travail.
Il s'agit d’un projet structurant et d'un levier essentiel pour notre territoire. L’État a donné son accord de principe, il a encouragé les porteurs de projet à aller de l’avant et à réaliser les études nécessaires pour ensuite se dédire. Ma question est donc simple : le gouvernement va-t-il respecter ses engagements et débloquer les fonds nécessaires pour que cette école de la deuxième chance ouvre dans les meilleurs délais ?
M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . Je réponds à votre question au nom de Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi dont je vous prie de bien vouloir excuser l'absence. Je rappelle tout l'intérêt que le gouvernement porte au modèle des écoles de la deuxième chance. Mme Panosyan-Bouvet a eu l'occasion de visiter plusieurs de ces écoles au cours de ses déplacements et a apprécié l'exigence des parcours conçus et la précision dans les méthodologies d'apprentissage proposées. C'est donc un modèle auquel nous croyons.
Ces dernières années, l'État a soutenu le développement du réseau dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences qui a permis la création de cinq nouvelles écoles et de trente-cinq nouveaux sites depuis 2018. Les écoles de la deuxième chance comptent désormais 159 lieux d'activité permanents, implantés dans douze régions, soixante-huit départements et cinq territoires ultramarins.
De plus, nous souhaitons renforcer encore davantage les liens entre les missions locales et les écoles de la deuxième chance, et faire en sorte que le contrat d'engagement jeune oriente plus de jeunes, non pas après quelques mois mais après quelques jours ou semaines, vers les écoles de la deuxième chance. Nous y travaillons avec le réseau des missions locales.
Le projet de Montargis – vous avez raison et Mme Panosyan-Bouvet partage votre diagnostic – est un projet de qualité, qui a du sens pour ce territoire et qui a été fortement soutenu par le réseau et les acteurs locaux. Je mesure l'investissement et le travail de préparation que nécessite un tel projet. Toutefois, les services de l'État qui ont pris part à l'élaboration du projet à l'échelle locale ont indiqué, à partir de l'automne 2024, ne pas disposer des moyens suffisants pour le soutenir.
Dans le cadre du budget pour 2025, nous avons veillé, afin d'éviter des ruptures de parcours, à maintenir les financements de l'État au profit de l'actuel réseau des écoles de la deuxième chance. Cependant, cet effort budgétaire ne permet pas d'en ouvrir de nouvelles et donc de s'engager pour le projet de Montargis. Mme la ministre le regrette et demeure attentive à l'évolution du dossier.
M. le président . La parole est à M. Thomas Ménagé.
M. Thomas Ménagé . Vous vous doutez bien que votre réponse ne me satisfait pas. Il s'agit du tiers restant à financer, soit 100 000 euros. Vous l'avez rappelé : le modèle fonctionne, il est efficace. Notre territoire a subi des émeutes sans précédent et vous avez été les premiers à tenir des discours rappelant la nécessité d'accompagner socialement les jeunes.
Les écoles de la deuxième chance doivent être au bon endroit ; celles qui existent sont à des centaines de kilomètres de populations qui connaissent des problèmes de mobilité. Je peux comprendre le manque de moyens budgétaires mais je vous invite à venir expliquer aux acteurs locaux qui ont dépensé de l'argent et financé des études, ainsi qu'aux jeunes qui attendent des solutions, que vous ne pourrez pas les accompagner. Tous sont aujourd'hui très déçus.
Auteur : M. Thomas Ménagé
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Travail et emploi
Ministère répondant : Travail et emploi
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 4 mars 2025