Question écrite n° 2307 :
Dégradation des droits humains dans les centres de rétention administrative

17e Législature

Question de : Mme Ersilia Soudais
Seine-et-Marne (7e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Ersilia Soudais alerte M. le ministre de l'intérieur sur la situation qui ne cesse de se dégrader dans les centres de rétention administrative (CRA) du pays depuis la promulgation de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, dite « loi Darmanin ». En effet, la France a été habituée aux condamnations par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), notamment sur les conditions de détention des étrangers. Pourtant, les différentes lois sur l'asile et l'immigration n'ont fait qu'aggraver la situation. Le manque de moyens et de fonds pour les escortes met en danger les retenus, notamment pour les transferts vers les hôpitaux qui ne peuvent pas être assurés. Ce manque de moyens pousse aussi à l'utilisation des visioconférences pour les audiences, un procédé qui met à mal les principes élémentaires de la séparation des pouvoirs mais aussi un droit sacralisé de tout prévenu : celui d'une conversation confidentielle avec son avocat. Par ailleurs, l'allongement de la durée de séjour en LRA avant celui en CRA réduit la possibilité pour les retenus de contester les obligations de quitter le territoire français (OQTF), d'autant que l'accès aux droits en LRA a toujours été problématique. Il devient indéniable que la France est en train de sacrifier le respect des droits humains, ainsi que le droit primordial à un traitement judiciaire équitable, afin d'expulser le maximum d'étrangers. En 2023, la France a été épinglée par la CEDH suite à l'expulsion d'un ressortissant ouzbek soupçonné de radicalisation, alors qu'une mesure provisoire de la Cour européenne des droits de l'Homme en empêchait les autorités françaises. Elle lui demande ce qu'il compte faire pour assurer le droit des étrangers en France à une justice équitable et pour mettre fin à une politique répressive et dégradante, contraire aux principes constitutionnels, qui fait de la France un pays qui cumule les condamnations pour des atteintes aux droits de l'Homme alors que le pays a fait de la Déclaration des droits de l'Homme un des textes fondamentaux.

Réponse publiée le 17 juin 2025

Les droits des étrangers placés en rétention administrative sont garantis par le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), la directive retour et la convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales, quel que soit le lieu de rétention. Sur le fondement de l'article L. 744-4, l'étranger est informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix ». Aux termes de l'article L.744-5, « dans chaque lieu de rétention, l'étranger retenu peut s'entretenir confidentiellement avec son avocat dans un local prévu à cette fin. Ce local est accessible en toutes circonstances sur demande de l'avocat, sauf en cas de force majeure » Le magistrat du siège de l'ordre judiciaire vérifie l'exercice effectif de ces droits, lors des audiences au cours desquelles l'administration demande la prolongation de la rétention ou le cas échéant à la demande de l'étranger qui, à tout moment, peut solliciter auprès du juge judiciaire sa remise en liberté. En ce qui concerne les audiences en visioconférence, depuis l'entrée en vigueur de la loi « CIAI » et de son décret d'application le 15 juillet 2024, dès lors qu'une salle d'audience délocalisée se situe à proximité immédiate du CRA, tant le juge judiciaire que le juge administratif doivent statuer in situ. Si la salle permet la visio-audience, ils peuvent statuer depuis le siège de la juridiction. Attribuée au ministère de la justice, la salle d'audience délocalisée doit être spécialement aménagée, ce qui signifie qu'il s'agit d'une salle juridictionnelle, située en dehors de l'enceinte du CRA. Les principes constitutionnels qui régissent une audience publique doivent être garantis, ainsi que la possibilité d'un échange confidentiel avec les avocats. A la suite des attentats d'Arras et d'Annecy, il a été décidé de mieux prendre en compte l'ordre public dans le cadre de la rétention, ainsi que de faire évoluer l'office des juges de la rétention. La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration prévoit la possibilité de placer en rétention un étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement au motif que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Ainsi, la loi ajoute la menace pour l'ordre public comme élément déterminant le risque de fuite. Le placement en rétention qui était de 48 heures a par ailleurs été porté à 4 jours. Cette évolution permettra de faciliter l'organisation des éloignements par les préfectures et allonge de facto la durée de placement en LRA. La première prolongation est ramenée à 26 jours (contre 28 jours précédemment). Le suivi des étrangers dont le profil est évocateur de risques de troubles à l'ordre public constitue depuis plusieurs années une priorité d'action, que l'étranger soit en situation irrégulière, qu'il soit détenteur d'un titre de séjour, demandeur d'asile ou bénéficiaire de la protection internationale. Plusieurs instructions, notamment celles en date 16 août 2019 relative à l'amélioration de la coordination du suivi des étrangers incarcérés faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, du 29 septembre 2020 relative à l'éloignement des étrangers ayant commis des infractions graves ou représentant une menace grave pour l'ordre public, du 12 avril 2021 (portant sur les étrangers incarcérés), du 3 août 2022 (visant à renforcer la chaîne de l'éloignement) et du 17 novembre 2022 (exécutions des obligations de quitter le territoire) forment le cadre de ces orientations et ont conduit à la mise en œuvre d'un suivi spécifique par les préfectures. L'instruction du 3 août 2022 a prévu de placer prioritairement en rétention administrative, les étrangers inscrits au FSPRT et ceux relevant d'un profil ordre public en vue de faciliter leur éloignement.

Données clés

Auteur : Mme Ersilia Soudais

Type de question : Question écrite

Rubrique : Immigration

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 26 novembre 2024
Réponse publiée le 17 juin 2025

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