Situation préoccupante de l'emploi des personnes en situation de handicap
Question de :
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Rhône (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi alerte Mme la ministre du travail et de l'emploi sur la situation préoccupante de l'emploi des personnes en situation de handicap dans le pays. En cette semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, elle souhaite rappeler que les inégalités d'accès et de maintien à l'emploi persistent et s'inquiète que la situation soit encore dégradée de par la volonté du Gouvernement de baisser les moyens alloués à l'Agefiph. En effet, selon le Défenseur des droits, le handicap est le premier motif de discriminations et 37 % des réclamations portent sur l'emploi. Une situation bien éloignée de l'égalité des droits, qui contrevient à l'émancipation et à l'autonomie des personnes. La mise à l'écart pure et simple du marché du travail est l'exclusion la plus criante : le taux de chômage des personnes en situation de handicap se situe autour de 12 %, c'est presque deux fois plus que dans le reste de la population. Le taux d'emploi des personnes en situation de handicap travaillant dans le privé est de 3,5 %, bien loin des 6 % fixés par la loi de 1987. Les quotas sont parfois contournés ou peu appliqués, les employeurs pas suffisamment pénalisés pour leur non-respect des politiques d'inclusion. De plus, un tiers des personnes en situation de handicap sont à temps partiel, souvent subi, contre 17 % pour la population générale, révélant une précarité accrue. Le handicap est également un outil de discrimination utilisé pour maintenir les personnes dans des postes peu qualifiés. Seulement 10 % occupent des postes de cadre, contre 22 % pour la population générale. 75 % des actifs en situation de handicap estiment que leur handicap a freiné leur évolution professionnelle. Près de la moitié rapporte avoir subi des discriminations, notamment pour l'accès à des promotions ou des augmentations. Les opportunités professionnelles limitées des personnes en situation de handicap s'expliquent également par des parcours scolaires interrompus, faute d'une éducation inclusive. Dans son rapport du 16 septembre 2024, la Cour des comptes qualifie les dispositifs d'accueil de « fragiles », soulignant un manque d'investissement évident. Cette situation prouve bien que les politiques incitatives ne suffisent pas à résorber des inégalités préoccupantes. Elle souhaite donc connaître ses intentions en matière de lutte contre les discriminations à l'embauche et en cours de carrière des personnes en situation de handicap ainsi que les moyens mis en œuvre pour rendre les lieux de travail véritablement accessibles et inclusifs.
Réponse publiée le 27 mai 2025
L'emploi des personnes en situation de handicap figure parmi les priorités du Gouvernement. Depuis 2017, une nouvelle approche a été mise en œuvre visant à favoriser leur accès à l'emploi en leur ouvrant plus largement les portes des entreprises et en valorisant leurs compétences. Ainsi, avec la loi n° 2018-771 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, deux réformes concomitantes ont été engagées : la réforme de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés et la réforme du cadre d'intervention des entreprises adaptées ; la réforme de l'obligation d'emploi a confirmé le taux de 6 % de travailleurs handicapés dans les entreprises de 20 salariés et plus et recentré la réponse des entreprises sur l'emploi direct de travailleurs handicapés dans leurs effectifs en réduisant de manière significative les mécanismes dérogatoires. En parallèle, la réforme des entreprises adaptées s'est traduite par l'enrichissement de la palette des solutions d'accompagnement des personnes en situation de handicap les plus éloignées du marché du travail, notamment afin de leur permettre de définir leur projet professionnel et d'acquérir une expérience professionnelle et des compétences en situation de travail. Cette réforme positionne les entreprises adaptées dans les territoires comme des partenaires susceptibles de proposer un vivier de travailleurs en situation de handicap disposant d'une expérience et des compétences recherchées par les employeurs de ce même territoire. La loi du 18 décembre 2023 relative au plein emploi a ainsi pérennisé le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire. Enfin, le rapprochement entre France Travail et les cap emploi, engagé dès 2018, propose un Lieu unique d'accompagnement (LUA) des demandeurs d'emploi en situation de handicap en s'appuyant sur une expertise mutualisée au service des personnes et des employeurs. 842 LUA sont désormais opérants sur tout le territoire. Aussi, le taux de chômage des personnes handicapées est passé de 18 % en 2015 à 12 %, soit une diminution de 6 points. En 2023, ce sont 674 400 personnes qui sont ainsi employées par les entreprises assujetties à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, soit un taux de 3,5 % et 52 000 salariés. Ces chiffres sont encourageants mais ne doivent pas masquer le fait qu'il reste encore des marges de progrès pour un marché du travail complètement inclusif. C'est le sens de la feuille de route fixée par la conférence nationale du handicap avec 17 mesures en matière d'emploi très concrètes portant l'ambition de garantir à chacun le libre choix d'une trajectoire professionnelle dans l'environnement professionnel qui lui convient. Figure parmi ces engagements la suppression de l'orientation vers le milieu ordinaire de travail, effective depuis 1er janvier 2024. Désormais, le milieu ordinaire est de droit pour les personnes en situation de handicap en recherche d'emploi. France Travail, en lien avec Cap emploi, est chargé de proposer un accompagnement dans des conditions adaptées à tout demandeur d'emploi en situation de handicap qui le souhaite et qui recherche un emploi. S'agissant de la lutte contre les discriminations, le rapport de la défenseure des droits souligne que le handicap reste encore un motif important de ses saisines. L'accompagnement et l'acculturation de tous les acteurs, dont les employeurs, dans la prise en compte de ce défi sociétal doivent donc continuer. Notre arsenal juridique en matière de principe de non-discrimination est très complet, en particulier porté par la loi du 11 février 2005, notamment ses articles 23 à 25, et la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 a adapté le droit français au droit de l'Union européenne en portant une attention particulière à la notion de discrimination indirecte et en précisant les différences de traitement autorisées. Une discrimination indirecte suppose « qu'une disposition, un critère ou une pratique en apparence neutre soit susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, en raison d'un critère prohibé, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ». Sanctionner les comportements avérés de discrimination ne s'oppose pas à la logique d'accompagnement et d'incitation de tous les acteurs afin d'aboutir à une société plus inclusive et à l'emploi pour tous. Pour rappel, le Gouvernement n'a pas prévu de baisse des moyens alloués à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). Fin 2024, l'Etat a même supprimé le plafond des dotations collectées versées à l'Agefiph pour ne pas risquer justement de priver l'Agefiph des ressources nécessaires pour mettre en place des actions en faveur de l'insertion professionnelle et du maintien en emploi des personnes en situation de handicap.
Auteur : Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Type de question : Question écrite
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Travail et emploi
Ministère répondant : Autonomie et handicap
Dates :
Question publiée le 26 novembre 2024
Réponse publiée le 27 mai 2025