Question écrite n° 2349 :
Situation urgente à Haïti - que fait la France pour aider ?

17e Législature

Question de : Mme Ersilia Soudais
Seine-et-Marne (7e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Ersilia Soudais alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation à Haïti, caractérisée par une crise interminable liée aux violences entre gangs et à l'instabilité politique générale. Depuis le début de l'année 2024, le pays a enregistré plus de 4 000 décès liés à la violence des groupes armés, aboutissant à une fermeture prolongée de son aéroport international. Le 11 novembre 2024, cette violence a provoqué l'exécution de plusieurs patients lors de l'attaque d'une ambulance de l'organisation non gouvernementale Médecins Sans Frontières. La France à une lourde responsabilité dans la pauvreté extrême qui détruit ce pays : en 1825, vingt et un ans après son indépendance, la France contraint Haïti à verser des réparations, faute de quoi une guerre sera déclarée. Le montant de 150 millions de francs dépassait largement les maigres moyens d'Haïti. Par la suite, la France a obligé son ancienne colonie à emprunter auprès de banques françaises, ajoutant donc des intérêts à cette dette colossale. Depuis 2028, Haïti fait partie des 19 pays que le Quai d'Orsay considère comme prioritaires pour l'aide au développement (APD) bilatérale de la France. Mme la députée demande à M. le ministre quelles sont les mesures prévues pour aider les Haïtiennes et les Haïtiens à surmonter cette interminable crise et si le Gouvernement prévoit de réévaluer l'aide publique au développement en tenant compte de l'urgence actuelle. Enfin, elle lui demande si le ministère des affaires étrangères a pris des dispositions d'urgence pour assurer la sécurité des nombreux acteurs humanitaires engagés sur place.

Réponse publiée le 3 décembre 2024

Haïti est confrontée à une aggravation des exactions des gangs, couplée à une grave crise humanitaire, économique et politique. L'ampleur des trafics criminels et la montée du risque migratoire sont une menace pour la stabilité régionale, y compris pour les collectivités françaises d'Amérique. La France est extrêmement préoccupée par la dégradation de la situation sécuritaire. Les groupes armés, à l'origine de nombreux meurtres, viols, pillages et enlèvements, ont intensifié leurs attaques depuis le mois de février 2024. Au moins 3 600 personnes ont été tuées depuis le début de l'année. Début octobre, un massacre a fait plus de 115 victimes dans la localité de Pont Sondé, dans le département de l'Artibonite. Le mois d'octobre a aussi été marqué par une recrudescence des attaques à Port-au-Prince, contrôlée à plus de 85 % par les gangs. Enfin, lundi 11 novembre dernier, un avion de la compagnie américaine Spirit Airlines à destination de la capitale a été touché par des tirs d'armes à feu et dérouté vers la Républicaine dominicaine. Depuis, l'aéroport de Port-au-Prince est fermé, jusqu'à nouvel ordre. La résilience des gangs pose un problème majeur à la Police nationale haïtienne, en sous-effectifs et sous-équipée, et à la Mission multinationale d'appui à la sécurité (MMAS), dont le déploiement demeure limité à moins de 450 personnels. Face à ce constat, le Conseil présidentiel de transition haïtien a sollicité auprès du Secrétaire général des Nations unies la transformation de la MMAS en une Opération de maintien de la paix, proposition dont la France estime qu'elle doit être prise en considération. Cette insécurité entraîne une aggravation de la crise humanitaire. Plus de 700 000 déplacés internes ont été recensés par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) en septembre 2024, soit une multiplication par 6 en 2 ans. Plus de la moitié des déplacés sont mineurs. 48 % de la population soit 5,4 millions de personnes, souffrent de la faim. Parmi elles, 2 millions sont en situation d'insécurité alimentaire et 125 000 enfants souffrent de malnutrition sévère. Sur les 93 établissements de santé que compte la zone métropolitaine de Port-au-Prince, seuls 42 % sont considérés comme partiellement fonctionnels. La France a soutenu l'accord politique inter-haïtien inclusif conclu le 11 mars 2024 à Kingston sous l'égide de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Il a permis la mise en place du Conseil présidentiel de transition, censé organiser des élections en 2025, et la formation d un gouvernement, à la tête duquel a été nommé M. Garry Conille. La France, comme l'ensemble de la communauté internationale, a pris note de son remplacement par M. Alix Didier Fils-Aimé à compter du 11 novembre 2024 et appelle tous les acteurs politiques haïtiens à poursuivre les priorités de la transition politique : le rétablissement de la sécurité, la lutte contre la corruption et l'impunité et l'organisation des élections dans un pays qui n'en a pas connu depuis 2016. La France a accru le montant de son assistance sécuritaire et humanitaire à Haïti. Elle a été le premier pays à abonder le fonds fiduciaire des Nations unies pour la MMAS. Sa contribution s'élève à 5 millions d'euros (3 millions en 2023 et 2 millions en 2024). Nous avons également soutenu la police haïtienne à titre bilatéral à hauteur d'un million d'euros en 2023 et avons pu reconduire, en 2024, cette dotation exceptionnelle, destinée à des actions de formation et à la fourniture d'équipements non létaux. La France a également octroyé 1,75 million d'euros à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pour la formation linguistique (en français et créole haïtien) des personnels de la MMAS, notamment kényans, et 750 000 euros pour un projet d'assistance électorale. En parallèle, nous travaillons avec nos partenaires européens pour que le soutien annoncé de l'Union européenne (UE) soit rapidement confirmé et décaissé (entre 5 et 10 millions d'euros).  En 2024, la France a alloué 14,5 millions d'euros d'aide humanitaire (dont 8,5 dédiés à l'aide alimentaire programmée et le reste en soutien aux ONG, à l'UNICEF et au Haut-commissariat aux droits de l'Homme) et 7,2 millions d'euros pour des projets de développement, grâce en particulier à l'action des opérateurs Agence française de développement (AFD) et Expertise France, avec le souci qu'ils puissent oeuvrer, comme l'ensemble de notre dispositif et de nos emprises, dans des conditions de sécurité renforcées. La France reste déterminée à aider Haïti à trouver une voie durable et efficace de sortie de crise le plus rapidement possible. Le Président de la République a rappelé, lors de son déplacement au Chili les 20 et 21 novembre et à l'occasion de son discours devant le Congrès chilien, la solidarité de la France avec Haïti et son soutien aux autorités de transition en vue du rétablissement de la sécurité et de la tenue d'élections.

Données clés

Auteur : Mme Ersilia Soudais

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 26 novembre 2024
Réponse publiée le 3 décembre 2024

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