Question écrite n° 2380 :
Présomption de vaines poursuites - Liquidation judiciaire

17e Législature

Question de : Mme Pascale Got
Gironde (5e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Pascale Got attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur une problématique rencontrée par les associés de sociétés civiles d'exploitation agricole (SCEA) en liquidation judiciaire, aggravée par une évolution jurisprudentielle récente relative à l'application de l'article 1858 du code civil. En vertu de cette jurisprudence de 2020, il est désormais admis que la déclaration de créance effectuée dans le cadre d'une procédure collective vaut présomption de vaines poursuites contre la personne morale débitrice. Dès lors, les créanciers et en particulier les services de recouvrement bancaires, peuvent appeler directement les associés en complément de passif sur leurs biens personnels, sans attendre la réalisation des actifs sociaux ni démontrer préalablement l'insuffisance de ces derniers pour couvrir les dettes. Cette évolution crée une situation extrêmement préjudiciable pour de nombreux viticulteurs et exploitants agricoles déjà fragilisés économiquement. Les associés se trouvent exposés à des poursuites personnelles et immédiates, amplifiant leur précarité financière. Des exploitants agricoles sollicitent ainsi une modification de l'article 1858 du code civil pour protéger les associés en limitant cette présomption de vaines poursuites. Ils proposent notamment d'ajouter à cet article la mention suivante : « Dans le cas où celle-ci est soumise à une procédure collective, la déclaration de la créance à la procédure ne saurait valoir présomption de vaines poursuites et dispenser le créancier d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser ». Face à la détresse des associés impactés par cette jurisprudence et au risque de déstabilisation supplémentaire des filières agricoles et viticoles, elle lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement pour rééquilibrer les droits des créanciers et la protection des associés de sociétés civiles.

Réponse publiée le 8 avril 2025

La SCEA est une forme particulière de société civile, qui a pour objet l'exercice d'une activité agricole. Il s'agit d'une société à risque illimité, ce qui emporte pour conséquence que les associés doivent contribuer aux pertes, en vertu de l'article 1832 du code civil, et sont obligés aux dettes, en vertu de l'article 1857 du même code. Les associés sont tenus de cette obligation aux dettes au jour où la société civile se trouve en état de cessation des paiements. La jurisprudence de la cour de Cassation est constante depuis 2007 et a été confirmée à plusieurs reprises, notamment par l'arrêt de 2020. Cette solution a pour but d'adapter la notion de vaine poursuite à la liquidation judiciaire. En effet, l'ouverture d'une liquidation judiciaire interdit les actions en justice et les mesures d'exécution forcée. Le créancier n'est donc pas en mesure de poursuivre la société ou d'accomplir des actes d'exécution forcée. L'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire suppose que le redressement de l'entreprise soit impossible et permet ainsi de considérer que la société est insolvable. Une grande majorité des procédures de liquidation judiciaire sont clôturées pour insuffisance d'actif, ce qui corrobore l'insuffisance du patrimoine social en pareil cas. La responsabilité illimitée des associés de la SCEA vient en contrepartie de facilités dans le cadre de la vie de la société : aucun capital minimal n'est imposé par la loi, aucune contrainte ne pèse sur la libération des apports. Par ailleurs, le fait que les associés soient responsables des dettes de la société sur leur patrimoine personnel procure à la société un crédit plus important puisqu'elle offre aux créanciers des codébiteurs subsidiaires. Il est probable qu'une réduction de la responsabilité des associés nuirait au crédit de la société civile, et qu'il serait demandé aux associés de s'engager en qualité de caution de la société, ce qui offre une protection moindre que la subsidiarité de l'article 1858 du code civil. Pour ces raisons, et bien que sensible aux problématiques du monde agricole, le Gouvernement n'envisage pas de modification de ces dispositions. Il est à noter que d'autres formes de sociétés civiles agricole sont plus protectrices des associés, qui peuvent convenir aux professionnels qui ne souhaitent pas voir leur responsabilité engagée au-delà de leur apport : - l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), dans laquelle la responsabilité des associés est limitée au montant de leur apport en capital ; - le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), dans lequel la responsabilité des associés est limitée à deux fois la fraction du capital social qu'ils détiennent. Enfin, lorsqu'il existe un potentiel d'apurement des dettes par la liquidation judiciaire, l'associé poursuivi conserve la faculté de solliciter du juge un sursis à statuer dans l'attente de la réalisation des actifs de la société. 

Données clés

Auteur : Mme Pascale Got

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sociétés

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 26 novembre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025

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