Drogue de synthèse : l'hexahydrocannabinol
Question de :
M. Antoine Villedieu
Haute-Saône (1re circonscription) - Rassemblement National
M. Antoine Villedieu alerte Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur l'hexahydrocannabinol. Créé dans les années 40, l'hexahydrocannabinol, connu sous le nom de HHC, est une drogue de synthèse dérivée du cannabis qui connaît actuellement un essor considérable sur le continent européen de par sa facilité d'accès. Vendu légalement et bénéficiant d'un flou juridique, ce produit inquiète particulièrement les médecins. Pouvant être fumée sous forme de fleur, de résine ou encore ingérée, cette substance vendue dans les bureaux de tabac ou dans certaines boutiques spécialisées procure des effets psychoactifs proches de ceux du cannabis. Loin d'être anodin, le HHC n'est pas sans danger pour la santé des consommateurs et présente de nombreux effets indésirables sur le système neurologique, cardiovasculaire et digestif pouvant causer des crises d'angoisse ou être à l'origine d'épisodes dépressifs. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a déclaré que le HHC et ses dérivés sont inscrits sur la liste des produits stupéfiants depuis le 13 juin 2023. Il aimerait connaître les outils qui seront mis à disposition des forces de sécurité intérieur afin de lutter contre le fléau des drogues de synthèse.
Réponse publiée le 1er avril 2025
Au cours des deux dernières décennies, le trafic mondial des drogues de synthèse s'est rapidement développé et, dans l'Union européenne par exemple, de nombreux pays, dont la France, font face à l'afflux de produits, destinés à alimenter la consommation locale ou à être réexpédiés vers d'autres régions du monde. L'Observatoire français des drogues et des tendances addictives a recensé plus de 300 nouveaux produits de synthèse (NPS) en France. Trois catégories appellent actuellement une vigilance renforcée : les cannabinoïdes de synthèse, les cathinones de synthèse et les opioïdes de synthèse. S'agissant de l'hexahydrocannabinol (HHC) cité dans la question écrite, il s'agit d'un cannabinoïde semi-synthétique, apparu en France et en Europe en 2022. Initialement vendu librement sur des sites internet, dans des magasins de CBD ou dans des bureaux de tabac, la vente et la consommation du HHC ont été interdits en juin 2023. Deux des dérivés du HHC, le HHC-O et le HHC-P, ont également été inscrits sur la liste des stupéfiants. En mai 2024, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a inscrit de nouveaux dérivés de cannabinoïdes sur la liste des stupéfiants, notamment le H4-CBD, le H2-CBD, le HHCPO, le THCA et le THCP. Les cannabinoïdes de synthèse ne peuvent être détectés par des tests de dépistage classiques, urinaires ou salivaires. Ils peuvent être identifiés en laboratoire, par des techniques spécifiques, sur la base de prélèvements biologiques ou à partir de produits saisis. La lutte contre ces produits est complexe notamment en raison de leur vente en ligne - le fret express et postal étant particulièrement prisé des trafiquants - et de l'absence d'harmonisation juridique de leur statut, au niveau tant européen que mondial. Le dynamisme du marché européen s'explique par des contours législatifs fragiles, exploités par les trafiquants qui font évoluer la composition chimique de certaines molécules au gré des décisions d'interdiction. Les groupes criminels profitent du fait qu'un produit non classé comme stupéfiant ne peut pas être interdit, en proposant continuellement de nouvelles drogues. La difficulté de détection des nouveaux produits de synthèse, et par conséquent la lutte contre leur trafic, est aggravée par la rapidité d'apparition des nouvelles substances. L'identification précise par les autorités scientifiques de la molécule constituant un produit de synthèse s'avère en effet indispensable lorsque celui-ci n'appartient pas à une famille entièrement classée comme stupéfiant. En tout état de cause, la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), en particulier l'Office antistupéfiants (OFAST), la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de la préfecture de police ainsi que la gendarmerie nationale sont particulièrement investies dans la lutte contre les drogues de synthèse. Celle-ci relève du combat global mené par les forces de sécurité intérieure de l'État contre le trafic de stupéfiants. Pour la seule année 2023, elles ont ainsi appréhendé 4 072 704 comprimés d'ecstasy/MDMA (+ 164 % par rapport à 2022), 265 kg d'amphétamine/méthamphétamine (- 3 %) et 721 kg de kétamine (+ 35 %). Bien qu'une large part des quantités mises hors-circuit en France semble destinée à des marchés étrangers, le marché de consommation en France reste dynamique et évolutif avec une offre de produits diversifiée. Au cours des 8 premiers mois de 2024, les forces de l'ordre ont encore saisi 4 257 000 comprimés d'ecstasy/MDMA, 340 kg d'amphétamine/métamphétamine et 165 kg de kétamine. Le contrôle des précurseurs chimiques est un élément essentiel pour limiter la production de drogues de synthèse et le développement de laboratoires clandestins. À ce titre, la Mission nationale de contrôle des précurseurs chimiques (MNCPC), rattachée au ministère de l'économie, pilote et coordonne la mise en œuvre des politiques de lutte contre le détournement des précurseurs chimiques. Il s'avère que les principales difficultés rencontrées concernent principalement la détection et l'identification des « nouvelles drogues de synthèse » pour lesquelles les tests classiques comme les dépistages salivaires sont actuellement inefficaces. La gendarmerie nationale mène à ce titre des expérimentations dans l'objectif de faciliter à terme l'identification des drogues, y compris les drogues de synthèse. Ainsi, le « Micro Nir » est un système portable conçu pour une identification rapide des stupéfiants et sans contact direct avec la plupart des échantillons (incluant des produits de coupage et des précurseurs de drogue). Actuellement en phase de test, son expérimentation pourrait être étendue en 2025. En parallèle, le projet d'analyse des eaux usées baptisé « Argos/Cloaca » pourra concourir à mesurer l'éventuelle progression de ces drogues sur le territoire en cartographiant plus précisément la diffusion des produits. S'agissant de la prévention, tant en matière de drogues de synthèse que des autres stupéfiants, les policiers interviennent régulièrement dans les collèges et lycées, dans le cadre du partenariat avec l'éducation nationale, pour des actions de sensibilisation sur les risques liés à la consommation de stupéfiants. La gendarmerie nationale mène également activement des actions de sensibilisation et des séances d'information sur les risques et dangers de la consommation de produits stupéfiants au profit d'un large public (éducation nationale, associations, élus locaux, entreprises, fonction publique, forces armées ou encore administration pénitentiaire). En outre, la prévention s'exerce à travers une véritable chaîne territoriale dédiée allant des correspondants territoriaux de prévention en passant par les officiers adjoints prévention (OAP) ou les 101 maisons de protection des familles (MPF) appuyées par plus de 600 formateurs anti-drogue. De fortes initiatives seront prochainement engagées par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en matière de lutte contre le trafic de drogue, la criminalité organisée et l'économie souterraine. La proposition de loi visant à sortir la France du piège du narco-trafic, déposée en juillet 2024 par les sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain, dans la continuité de leur commission d'enquête, constitue à cet égard une importante base de travail sur laquelle Gouvernement et Parlement vont pouvoir s'appuyer. Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité au Sénat le 4 février 2025.
Auteur : M. Antoine Villedieu
Type de question : Question écrite
Rubrique : Drogue
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 1er avril 2025