Question écrite n° 2463 :
Renforcement des moyens de l'AGRASC face au trafic de stupéfiants

17e Législature

Question de : M. Nicolas Meizonnet
Gard (2e circonscription) - Rassemblement National

M. Nicolas Meizonnet attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les moyens et les perspectives de renforcement de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la criminalité financière, en particulier dans un contexte de développement du narcotrafic. En France, le trafic de stupéfiants génère chaque année un chiffre d'affaires estimé à plus de 3,5 milliards d'euros, dont une part significative est blanchi à travers des mécanismes complexes, tels que l'investissement dans des commerces de façade, des montages fiscaux internationaux ou encore l'usage croissant de cryptoactifs. Ces fonds, qualifiés d'« avoirs criminels », alimentent l'économie parallèle et échappent aux contrôles fiscaux et judiciaires, malgré les efforts des services de l'État. Dans ce contexte, l'AGRASC joue un rôle essentiel dans la lutte contre ces pratiques. En 2023, cette agence a enregistré des résultats remarquables : 1,44 milliard d'euros saisis, 175,5 millions d'euros confisqués et une augmentation notable des biens immobiliers et mobiliers récupérés. Par ailleurs, ses effectifs ont été renforcés, passant de 45 agents en 2020 à 86 agents en 2024. Toutefois, le blanchiment d'argent reste un défi majeur : à l'échelle européenne, il est estimé à 190 milliards d'euros par an. Face à cette criminalité financière toujours plus sophistiquée, il semble nécessaire de poursuivre les efforts pour améliorer l'efficacité des dispositifs de saisie et de gestion des avoirs criminels. Sorti le 7 mai 2024 à la suite d'une commission d'enquête, le rapport du Sénat n° 588 souligne la nécessité de « sortir du piège du narcotrafic » et déclare qu'une grande partie des flux qui constituent le blanchiment d'argent sont intraçables alors qu'ils pourraient constituer une manne financière qui pourrait s'élever, a minima, à plusieurs centaines de millions d'euros supplémentaires. Aussi, il lui demande quelles sont les actions envisagées pour renforcer encore les moyens de l'AGRASC, tant sur le plan des effectifs que des outils juridiques, pour répondre aux nouvelles formes de criminalité financière. Il souhaite également savoir si des mesures sont prévues pour renforcer la coopération internationale, notamment pour récupérer les fonds dissimulés à l'étranger et pour accroître l'utilisation sociale ou locale des biens confisqués. Enfin, il l'interroge sur les initiatives du Gouvernement pour sensibiliser davantage les acteurs publics et privés aux enjeux liés au blanchiment d'argent et à ses impacts sur la société française.

Réponse publiée le 8 avril 2025

Depuis la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, dite loi « Warsmann », la France s'est dotée d'un dispositif normatif dense et performant en matière de saisie et de confiscation des avoirs criminels, afin d'en capter efficacement toutes les formes générées par les activités criminelles et délinquantes (création et développement de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués – AGRASC, développement des enquêtes patrimoniales, facilitation des saisies pour garantir l'effectivité des confiscations, amélioration de la gestion des biens saisis et confisqués, etc.). La France bénéficie d'un arsenal juridique complet qui, au-delà de sa fonction punitive, revêt un caractère vertueux sur de nombreux aspects. L'augmentation majeure de la volumétrie des saisies et des confiscations permet, davantage chaque année, de faire retour au budget général de l'Etat des avoirs liés à la commission d'infractions pénales. Dans ce cadre, l'AGRASC, aujourd'hui répartie entre son siège à Paris et ses huit antennes déployées progressivement depuis 2021 jusqu'en avril 2023 (Marseille, Lyon, Bordeaux, Paris, Fort de France, Nancy, Rennes, Lille), est notamment chargée de la gestion des avoirs saisis et confisqués par les juridictions pénales et de l'exécution des peines de confiscation prononcées. Elle assiste également les enquêteurs et les juridictions dans leurs missions de saisie et de recouvrement des avoirs criminels en France et à l'étranger et vend, pour le compte de l'Etat, les biens avant jugement ou définitivement confisqués. Elle facilite la mise en œuvre des dispositifs d'affectation sociale d'immeubles confisqués à des associations d'utilité publique et des collectivités territoriales, et d'affectations de biens meubles aux services d'enquête, judiciaires et pénitentiaires. Elle indemnise enfin les parties civiles sur l'assiette des biens confisqués et participe également aux instances internationales en matière de recouvrement des avoirs criminels. Pour permettre à l'AGRASC d'assurer efficacement ses missions, la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 dite « Loi Warsmann » a de nouveau renforcé ses moyens d'action. Elle étend ainsi notamment les droits d'accès de l'AGRASC aux informations contenues dans le fichier immobilier informatisé des données juridiques immobilières (FIDJI) tenu par les services de publicité foncière, lui donnant ainsi directement accès à des informations essentielles pour la gestion des biens immobiliers susceptibles d'être saisis ou dévolus à l'Etat. La loi Warsmann étend les hypothèses permettant de recourir à la vente avant jugement par l'AGRASC de biens saisis. Elle rend obligatoire la communication des décisions de saisie et de confiscation à l'agence et étend sa compétence en matière de gestion et de vente des biens non restitués ou dévolus à l'Etat en application de l'article 41-4 alinéa 3 du code de procédure pénale. La loi Warsmann s'inscrit enfin dans le prolongement des objectifs, prioritaires pour le ministère de la Justice, de rationalisation des frais de justice engagés pour la conservation des scellés et de renforcement des moyens des services de l'Etat, à travers le développement du dispositif d'affectation à titre gratuit des biens saisis et dévolus à l'Etat. En effet, elle étend une nouvelle fois la liste des services bénéficiaires de ce dispositif aux services de l'administration pénitentiaire et aux établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la Justice, tels que l'AGRASC. La lutte contre le blanchiment fait partie des priorités de politique pénale fixées par le ministère de la Justice, lequel participe en outre au dispositif préventif mis en place au plan interministériel en la matière. La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) assure ainsi la vice-présidence du conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (COLB) qui réunit les acteurs publics et privés impliqués dans la lutte contre blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), A ce titre, le ministère de la Justice participe à la définition et à la mise en œuvre du plan national d'action en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qui vise à renouveler l'engagement de la France en faveur de la transparence et de l'intégrité de son économie, et entend renforcer l'efficacité globale de son action. Appelant les juridictions à être pleinement mobilisées dans la lutte contre le blanchiment, le ministère de la Justice s'emploie par ailleurs à mettre à leur disposition un corpus documentaire visant à faciliter leur appréhension d'infractions complexes aux enjeux probatoires élevés tout comme leur maitrise du dispositif de saisie et confiscation. Des rencontres régulières entre praticiens sont également organisées afin de permettre le partage d'expériences, de connaissances et de bonnes pratiques en la matière, grâce au concours d'intervenants spécialisés dans la lutte contre le blanchiment. Le ministère de la Justice s'inscrit ainsi durablement dans une démarche de sensibilisation de l'ensemble des acteurs en charge de la lutte contre le blanchiment afin de renforcer la coordination de tous les niveaux de traitement, tant au niveau préventif que répressif.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Meizonnet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Drogue

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 3 décembre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025

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