Il est temps d'agir contre les inégalités de genre en mathématiques !
Question de :
M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Écologiste et Social
M. Alexis Corbière alerte M. le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le manque de femmes comme professeurs et maîtres de conférences en mathématiques. Alors que le président Emmanuel Macron avait déclaré « grande cause du quinquennat » 2017/2022 l'égalité femmes/hommes, un rapport de la Cour des comptes publié en septembre 2023 étrille la politique des Gouvernements successifs dans ce domaine. Ainsi, le sous-titre de ce rapport pointe « des avancées limitées par rapport aux objectifs fixés ». Malheureusement cette inaction politique se ressent aussi dans l'enseignement supérieur et plus particulièrement dans le domaine scientifique et des mathématiques. Ainsi, il apparaît que la part des femmes en mathématiques à l'université (comme maîtres de conférences et professeurs) n'a pas progressé ces 25 dernières années. En 1996, elles représentaient 21 % de l'ensemble et 22 % en 2021. De plus, cette part apparaît de plus en plus compliquée à calculer, notamment depuis la loi relative aux libertés et responsabilités des universités de 2007. D'après les calculs du collectif Femmes et Maths, le nombre de femmes a baissé chaque année en mathématiques fondamentales jusqu'en 2020 (perte moyenne de 0,7 poste par an). Ainsi et alors que depuis 30 ans il y a moins de 10 % de femmes professeurs dans cette matière, ce nombre atteindrait 0 en 2060 si aucune action radicale n'est prise. Cette matière est la moins féminisée de l'université française. Souvent, l'argument donné est qu'il serait difficile d'embaucher des femmes lorsque les postes manquent. Pourtant, dans la période 1996-2006, lorsque le recrutement de professeurs était en expansion, cela n'a profité qu'aux hommes. En mathématiques appliquées, la convergence du pourcentage de femmes vers la parité est très lente : si rien ne change, celle-ci serait atteinte seulement en 2130 ! Pour arriver à cette situation dramatique et qui risque malheureusement d'empirer, il y a plusieurs causes. Cela prend bien entendu sa source dans un schéma de société patriarcal qui fait que les filles ont moins confiance en elles dans les matières scientifiques ou encore que ces mêmes matières soient plus considérées comme étant « masculines » et les lettres, plus « féminines ». De plus, la réforme Parcoursup mise en place sous Jean-Michel Blanquer a accentué cette disparité hommes/femmes dès le lycée. Ainsi, la réforme de 2018 a provoqué un recul de 25 ans de la place des lycéennes en maths : en 2021, 45 % des filles n'étudient plus les maths en 1ère, ce qui n'était le cas que de 17 % des lycéennes en 2019. Or les filles touchées par cette réforme n'arriveront en thèse qu'en 2025/2026. En conséquence, ces prochaines années, dans la recherche en mathématiques, deux phénomènes majeurs se dérouleront : les effets néfastes de la réforme du lycée et donc l'arrivée de très peu de filles (voire pas du tout) au niveau doctorat, ainsi qu'une vague de départ à la retraite de femmes. Le collectif propose, par exemple, que sur une période moyennement longue qui s'étendrait sur plusieurs années, soient proposées 20 bourses de thèse, 10 post-doc et 5 postes permanents au niveau national à des femmes chercheuses. M. le député demande donc à M. le ministre quels sont les mécanismes prévus par le Gouvernement pour pallier cette situation. Après avoir fait une action de communication sur cette « grande cause du quinquennat », il lui demande si le Gouvernement compte enfin s'attaquer aux problématiques liées aux inégalités de genre et ainsi permettre aux femmes d'avoir le même accès que les hommes à des postes de professeurs et de maîtres de conférences en mathématiques.
Réponse publiée le 8 avril 2025
La faible représentation des femmes parmi les maîtres de conférences et les professeurs de mathématiques constitue un enjeu majeur pour l'égalité des carrières scientifiques et l'attractivité de la recherche. Cette discipline joue un rôle essentiel dans le développement des connaissances et des technologies et ne peut se priver de l'ensemble des talents. Le ministère suit de près l'évolution des inégalités entre les femmes et les hommes dans l'enseignement supérieur et la recherche. Depuis 2016, il publie chaque année les « chiffres clés de l'égalité », qui permettent de documenter précisément les écarts persistants, de l'orientation au lycée jusqu'aux plus hauts niveaux académiques. L'analyse des tendances récentes confirme que les femmes sont moins nombreuses à s'orienter vers les carrières en mathématiques et que leur progression dans la hiérarchie universitaire reste plus lente que dans d'autres disciplines. À l'origine de cette sous-représentation, on retrouve des disparités genrées dans les choix d'orientation. Ce phénomène de ségrégation horizontale se cumule avec une sous-représentation des femmes au fil de la hiérarchie, appelée ségrégation verticale. Ainsi, il apparaît que ces inégalités persistent tout au long de la carrière académique. Pour mieux comprendre ces phénomènes et identifier des leviers d'action efficaces, la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle impose désormais aux établissements d'enseignement supérieur et aux organismes de recherche de publier chaque année des indicateurs sur l'égalité des chances et les mesures mises en place pour réduire ces écarts. L'exploitation de ces données permettra de renforcer les dispositifs existants et de généraliser les bonnes pratiques. Par ailleurs, pour lutter contre la sous-représentation des femmes dans les filières de sciences, technologies, ingénierie et mathématiques et les inégalités qui persistent tout au long de la carrière académique, le ministère mène une politique globale et transversale de lutte contre les inégalités. Le plan interministériel « toutes et tous égaux », lancé en 2023 par le gouvernement, comprend un axe spécifique dédié à la féminisation des filières scientifiques, notamment les mathématiques. Le programme « TechpourToutes », mis en place dans le cadre de ce plan pour encourager la présence des femmes dans la « tech », s'inscrit également dans cette dynamique. De plus, le ministère soutient financièrement plusieurs associations qui jouent un rôle essentiel dans la sensibilisation et l'orientation des jeunes filles vers les filières scientifiques, comme « femmes et mathématiques », « femmes & sciences » et l'association pour les femmes dirigeantes de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Afin de promouvoir la place des femmes dans la recherche et la technologie en France, le ministère organise chaque année le prix Irène Joliot-Curie. Créé en 2001, il vise à mettre en lumière la carrière de femmes scientifiques qui allient excellence et dynamisme. Le prix est organisé par le ministère avec le soutien de l'académie des sciences et de l'académie des technologies. Créé en 2020, la catégorie « prix spécial de l'engagement » récompense, depuis deux ans, la carrière d'une femme scientifique au parcours exceptionnel qui s'est également distinguée par son engagement en faveur de l'orientation des jeunes filles et, plus largement, des jeunes vers les sciences. Les réformes récentes ont également permis de favoriser l'accès des femmes aux postes de professeures et de maîtresses de conférences. La loi de programmation de la recherche 2021-2030 a introduit des dispositifs visant à améliorer la progression des carrières. La double session 2021-2022 du repyramidage des corps de maîtres de conférences et professeurs des universités a bénéficié à 52 % à des femmes, en renforçant leur accès aux grades supérieurs. Par ailleurs, la mise en œuvre du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (RIPEC) a favorisé une augmentation du nombre de lauréates aux primes individuelles : en 2022, 45 % des bénéficiaires de la composante C3 étaient des femmes, contre 34 % sous l'ancien dispositif « prime d'encadrement doctoral et de recherche » en 2021. Le Gouvernement a confié une mission à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche pour analyser les inégalités de genre dans l'apprentissage des mathématiques et l'accès aux carrières scientifiques. Les conclusions de cette mission seront publiées prochainement et viendront alimenter les réflexions du ministère pour renforcer l'égalité des carrières en mathématiques. L'égalité des carrières scientifiques est un enjeu de long terme qui nécessite des actions coordonnées à tous les niveaux. Le ministère poursuivra ses efforts pour garantir un accès équitable aux disciplines mathématiques, en s'appuyant sur les données disponibles, les dispositifs de promotion des carrières féminines et les recommandations des travaux d'expertise en cours.
Auteur : M. Alexis Corbière
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche (MD)
Dates :
Question publiée le 3 décembre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025