Mixité dans le secteur industriel
Publication de la réponse au Journal Officiel du 16 décembre 2025, page 10322
Question de :
Mme Géraldine Grangier
Doubs (4e circonscription) - Rassemblement National
Mme Géraldine Grangier attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le défi que représente la mixité dans le secteur industriel. L'industrie française, socle de la souveraineté économique et levier d'innovation, demeure aujourd'hui confrontée à un double défi : combler le fossé entre les sexes tout en restant compétitive à l'échelle mondiale. La mixité, bien qu'identifiée comme un facteur clé de performance, progresse à un rythme insuffisant dans ce secteur stratégique. Dans le Doubs, région au riche patrimoine industriel, cet enjeu se manifeste particulièrement au sein des usines locales et des pôles d'innovation, où les femmes demeurent sous-représentées, en dépit d'un vivier de talents inexploité. Selon les données récentes, les femmes représentent moins de 30 % des effectifs dans l'industrie française, un chiffre bien en deçà de leur poids dans la population active (47 %). Dans des secteurs comme l'automobile ou la métallurgie, la proportion tombe à des niveaux encore plus faibles. Bien que des initiatives telles que Industri'Elles ou des campagnes de sensibilisation aient vu le jour, leur impact reste limité. Par exemple, les comités de direction des grandes entreprises industrielles demeurent composés à 80 % d'hommes et l'écart salarial entre sexes reste flagrant. Des témoignages récents recueillis par le programme Industri'Elles mettent en lumière les difficultés rencontrées par les femmes dans ces environnements. Certaines évoquent un sentiment de devoir constamment surperformer pour prouver leur légitimité, tandis que d'autres rapportent des discriminations, notamment liées à la maternité ou au manque de flexibilité des entreprises face aux contraintes familiales. Dans le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, l'accent a été mis sur la sensibilisation et la promotion des métiers industriels auprès des jeunes générations. Si cette approche est salutaire, elle ne suffit pas à résoudre un problème aussi structurel. À titre d'exemple, le rapport 2024 sur la mixité dans l'industrie souligne que les actions en faveur de l'égalité hommes-femmes sont souvent cantonnées à des initiatives ponctuelles, sans suivi ou évaluation systématique. Ce constat appelle une mobilisation accrue, portée par des mesures concrètes et ambitieuses. Le Doubs, marqué par une tradition industrielle forte, notamment dans les secteurs de l'automobile et de la mécanique, illustre parfaitement les enjeux de la mixité. Les entreprises locales, comme Peugeot ou des sous-traitants industriels, peinent à recruter des femmes, notamment dans les métiers techniques. Ce déficit contribue à perpétuer une perception genrée des carrières, dès le plus jeune âge. Les établissements scolaires de la région, pourtant en contact direct avec ces industries, disposent rarement des outils nécessaires pour promouvoir les filières scientifiques et industrielles auprès des jeunes filles. Ce manque d'interaction renforce un conditionnement social qui détourne les femmes de ces secteurs. Par ailleurs, la structure même des bassins d'emploi locaux, souvent marqués par une prépondérance d'emplois industriels, aggrave cette situation. L'absence de politiques incitatives claires, associée à un manque de modèles féminins visibles dans ces secteurs, freine l'intégration des femmes. Pourtant, la féminisation de l'industrie pourrait jouer un rôle décisif dans la revitalisation économique du Doubs, en élargissant le vivier de talents disponibles. Les études montrent que les entreprises adoptant des politiques de mixité ambitieuses enregistrent des gains en innovation, en productivité et en attractivité. Pour que ces bénéfices se concrétisent dans l'industrie française, plusieurs pistes doivent être explorées : 1. Agir sur les mentalités dès l'éducation secondaire : les choix de carrière se forgent souvent très tôt. Il est impératif de multiplier les initiatives visant à promouvoir les filières scientifiques et techniques auprès des jeunes filles, notamment dans des régions industrielles comme le Doubs. Des partenariats renforcés entre les établissements scolaires et les entreprises locales pourraient jouer un rôle clé. 2. Renforcer les incitations financières pour les entreprises : si certaines entreprises ont déjà intégré des politiques en faveur de la mixité, ces initiatives restent souvent motivées par des enjeux de communication plutôt que par une réelle volonté de transformation. La création d'un fonds dédié, destiné à soutenir les entreprises industrielles qui adoptent des pratiques exemplaires en matière de recrutement et de promotion des femmes, pourrait avoir un impact significatif. 3. Garantir une transparence salariale : les écarts de rémunération entre les sexes dans l'industrie demeurent une réalité préoccupante. M. le ministre envisage-t-il de renforcer les obligations légales en matière de transparence des salaires, en imposant des audits réguliers sur l'égalité de rémunération ? 4. Créer un label mixité pour l'industrie : inspiré des labels RSE (responsabilité sociétale des entreprises), un tel dispositif pourrait valoriser les entreprises pionnières et inciter leurs concurrentes à adopter des pratiques similaires. 5. Soutenir les parcours de femmes leaders : le manque de modèles féminins dans l'industrie freine l'ambition des jeunes générations. Des programmes de mentorat, associant des femmes occupant des postes stratégiques à de jeunes professionnelles, pourraient jouer un rôle décisif. La question de la mixité dans l'industrie dépasse le cadre de la simple égalité entre les sexes. Il s'agit d'un enjeu stratégique pour l'avenir économique de la France. Une industrie plus inclusive, tirant parti de l'ensemble des talents disponibles, sera mieux armée pour relever les défis de la compétitivité mondiale et de la transition écologique. Quelles mesures immédiates et structurelles M. le ministre compte-t-il prendre pour garantir une féminisation accrue du secteur industriel ? Envisage-t-il de mettre en place un plan d'action national, assorti d'objectifs chiffrés et d'un calendrier précis, afin d'évaluer et d'accélérer les progrès en la matière ? Enfin, elle lui demande comment il prévoit de mobiliser l'ensemble des acteurs concernés, des entreprises aux collectivités locales, pour faire de la mixité un levier central de la relance industrielle.
Réponse publiée le 16 décembre 2025
Le Gouvernement est très mobilisé pour améliorer l'égalité entre les femmes et les hommes et mène depuis plusieurs années de nombreuses actions pour attirer et orienter les femmes vers l'industrie. Ces actions portent sur différents leviers pour adresser les divers défis du recrutement au sein de l'industrie. Agir sur les mentalités dès l'éducation secondaire Différentes initiatives sont mises en œuvre pour promouvoir les filières scientifiques et techniques auprès des jeunes et ainsi favoriser l'orientation vers les métiers de l'industrie. La semaine de l'industrie, pilotée par la DGE (direction générale des entreprises) depuis 13 ans, continue chaque année d'organiser de plus en plus d'événements à un public en augmentation pour promouvoir les métiers de l'industrie auprès des jeunes et demandeurs d'emploi. Le dispositif de découverte des métiers au collège ou les stages obligatoires en seconde mis en place en 2024 sont des leviers de la politique industrielle en matière de compétences, via l'accroissement potentiel du vivier des personnes désirant travailler dans l'industrie. La DGE est mobilisée pour déployer ces dispositifs pilotés par la DGESCO (direction générale de l'enseignement scolaire) et encourager les entreprises industrielles à faire découvrir les métiers et changer l'image de l'industrie qu'ont les élèves du secondaire. La DGE et la DGEFP (la délégation générale à l'emploi et à la formation) ont initié en fin d'année 2024 un groupe de travail afin d'avancer sur la rédaction de fiches pratiques en matière de mixité dans l'industrie. La première production s'est intéressée à la question : " comment renforcer le lien école-entreprise pour favoriser la mixité de genre ? " avec un volet de la fiche sur la découverte des métiers présentant les différents dispositifs existants. En outre, les organisations professionnelles mettent en place un certain nombre d'actions de promotion auprès des jeunes telles que « Forindustrie, l'univers de la transition énergétique », financé par l'AMI CMA - Appel à manifestation d'intérêts - Compétences et métiers d'avenir (France Industrie, NSE, UMN, UIMM). La mobilisation du secteur associatif est également très forte dans le domaine de l'accompagnement à l'orientation auprès des jeunes avec par exemple, l'action du collectif Orientation ou encore de l'association Elles bougent pour la promotion des filières scientifiques et techniques. Renforcer les incitations financières pour les entreprises. La législation va plus loin aujourd'hui que l'instauration d'un système incitatif. Les entreprises sont ainsi soumises à des obligations prévues par la loi et permettant de faire progresser l'égalité femme/homme, notamment à des postes de direction. La loi du 27 janvier 2011 dite « Loi Copé-Zimmermann » oblige les sociétés de plus de 250 salariés ou avec un chiffre d'affaire supérieur à 50 millions d'euros à respecter un quota de 40 % de femmes dans leurs conseils d'administration et conseils de surveillance des entreprises. La loi « Rixain » du 24 décembre 2021 dispose que toutes les entreprises d'au moins 1 000 salariés doivent atteindre un objectif d'au moins 30 % de femmes et d'hommes cadres dirigeants et d'au moins 30 % de femmes et d'hommes membres d'instances dirigeantes, à compter du 1er mars 2026. À compter du 1er mars 2029 : les objectifs chiffrés passent de 30 % à 40 %. Garantir une transparence salariale Des mesures ont été mises en place en matière de transparence des rémunérations L'index de l'égalité professionnelle a été instauré par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Il permet aux entreprises concernées de mesurer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et de mettre en évidence les points de progression sur lesquels agir quand ces disparités sont injustifiées. Pour ce faire, il évalue sur 100 points le niveau d'égalité entre les femmes et les hommes en s'appuyant sur les critères suivants : écart de rémunération femmes / hommes, écart de répartition des augmentations individuelles, nombre de salariées augmentées à leur retour de congé maternité, parité parmi les 10 plus hautes rémunérations, écart de répartition des promotions (seulement pour les entreprises de plus de 250 salariés). Depuis le 1er mars 2020, toutes les entreprises d'au moins 50 salariés sont concernées par cette obligation. L'industrie est soumise à la mise en œuvre de l'index, comme l'ensemble des secteurs économiques. Enfin, l'application du principe d'égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes est prévu au niveau européen par la directive européenne 2023/970 du 10 mai 2023 visant à renforcer l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d'application du droit. La directive prévoit, en son article 5, un droit à la transparence des rémunérations avant l'embauche ainsi qu'une obligation de transparence à l'égard des employeurs relative à la mise à disposition des critères utilisés pour déterminer la rémunération, les niveaux de rémunération et la progression des rémunérations [1].La directive devra être transposée en droit interne au plus tard le 7 juin 2026. Créer un label mixité pour l'industrie Des labels d'État d'égalité f/h gérés par l'AFNOR existent déjà. Les entreprises dans le domaine de l'industrie doivent s'emparer des outils existants ; un webinaire organisé par la DGEFP et la DGE à destination d'entreprises industrielles a eu lieu en avril 2024 pour présenter les labels et inciter les entreprises à s'en saisir. Le Label Egalité Professionnelle a été créé en 2004 et vise à promouvoir et à favoriser la mixité et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de la sphère professionnelle. Le Label Diversité a été créé en 2008 et permet de reconnaître toutes les actions engagées en faveur de l'égalité des chances, de la lutte contre les discriminations et qui promeuvent la diversité sous toutes ses formes, dans le cadre de la gestion des RH. Il couvre les critères de discrimination prohibés par la loi et le code général de la fonction publique. Ces outils permettant de valoriser l'engagement effectif, volontaire et durable d'un organisme, privé ou public, pour prévenir les discriminations et promouvoir la diversité et/ou pour favoriser la mixité et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Soutenir les parcours de femmes leaders De nombreuses associations, rassemblées au sein du collectif Mentorat dont notamment l'association Femmes ingénieures, permettent d'accompagner des jeunes filles vers des études et des métiers scientifiques et techniques. De plus, spécifiquement dans l'industrie, le collectif Industri'Elles créé en 2023 oeuvre à la féminisation des métiers de l'industrie, à l'égalité femme-homme. Le collectif vise à diffuser de bonnes pratiques et à fédérer les femmes de l'industrie, des techniciennes aux cadres dirigeantes, dans toute la France. Depuis 2023, le collectif a : Créé une communauté d'environ 4500 membres sur son groupe LinkedIn ; Créé un réseau de plus de 35 ambassadrices et ambassadeurs, représentant la quasi-totalité des régions, pour incarner la féminisation de l'industrie ; Participé à des événements pour promouvoir la féminisation des métiers industriels tels que "Bercy fait son industrie" en novembre 2023 et en novembre 2024, à Global Industrie en mars 2024 et à Wordlskills en septembre 2024 ; Lors des événements, les ambassadrices ont pu échanger avec des publics scolaires, présenter leurs métiers et ainsi contribuer à changer les représentations des jeunes sur le secteur de l'industrie. Par ailleurs, le collectif est porté par un marrainage annuel (Frédérique Le Grevès Présidente de STMicroelectronics France et Catherine MacGregor, directrice générale d'Engie). [1] il est prévu au sein de l'article 9 de la directive une obligation pour les employeurs de fournir : l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes ; l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires ; l'écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes ; l'écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes pour les composantes variables ou complémentaires ; la proportion de travailleurs féminins et masculins bénéficiant de composantes variables ou complémentaires ; la proportion de travailleurs féminins et masculins dans chaque quartile ; l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégorie de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires.
Auteur : Mme Géraldine Grangier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Économie, finances et industrie
Ministère répondant : Industrie
Renouvellement : Question renouvelée le 21 octobre 2025
Dates :
Question publiée le 3 décembre 2024
Réponse publiée le 16 décembre 2025