Question orale n° 255 :
Carences du système éducatif

17e Législature

Question de : Mme Naïma Moutchou
Val-d'Oise (4e circonscription) - Horizons & Indépendants

Mme Naïma Moutchou attire l'attention de Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la dégradation alarmante des conditions d'éducation dans plusieurs établissements scolaires du Val-d'Oise. Malgré ses nombreuses interpellations, malgré les alertes des parents d'élèves et du corps enseignant, aucune réponse concrète n'a été apportée aux problèmes de remplacement de professeurs absents et aux heures de scolarité perdues. À Ermont, une classe de CP/CE1 de l'école Maurice Ravel se retrouve sans professeur depuis le 24 janvier 2025. À Saint-Leu-la-Forêt, la professeure de la classe ULIS de l'école Marie-Curie est absente depuis novembre 2024, elle n'a été remplacée que huit jours. Mme la députée pourrait parler d'Eaubonne ou de Franconville ou même des dysfonctionnements dans beaucoup d'autres villes du Val-d'Oise, département le plus jeune de France ! Les inégalités scolaires se creusent de plus en plus. C'est une urgence qui devrait être la priorité parmi les priorités. D'ailleurs, l'État a été condamné le 21 février 2025 par le tribunal administratif d'Orléans à indemniser les familles concernées par l'absence d'un professeur de français non remplacé. Si les situations dont Mme la députée fait part à Mme la ministre perdurent, elle signale que les parents des élèves concernés menacent d'engager la responsabilité de l'État pour discontinuité des enseignements et non garantie du droit à l'enseignement. Aussi, elle souhaite connaître les mesures prévues dès la rentrée prochaine pour assurer la continuité des enseignements de tous les élèves et rétablir un climat de confiance entre les parents et l'éducation nationale.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

REMPLACEMENT DES ENSEIGNANTS ABSENTS DANS LE VAL-D'OISE
M. le président . La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour exposer sa question, no 255, relative au remplacement des enseignants absents dans le Val-d'Oise.

Mme Naïma Moutchou . Madame la ministre de l'éducation nationale, c'est la quatrième fois que je suis ici pour vous parler d'un même sujet, celui du remplacement des enseignants absents. Je dois dire que je suis en colère et fatiguée de devoir revenir sans cesse sur une réalité que tout le monde connaît, que tout le monde vit sur le terrain et qui pourtant ne trouve jamais de réponse satisfaisante.

Chaque fois, j'ai rapporté les mêmes faits et les mêmes situations intenables et chaque fois, on m'a répondu la même chose : on me sert des éléments de langage, on me fait des promesses vagues, pendant que des heures de cours sont encore perdues, que les enfants décrochent, que les familles s'épuisent et que les enseignants, qui tiennent à bout de bras un système qui craque de partout, sont à bout. L'école vacille !

Je vais faire ce que j'ai déjà fait, vous donner des exemples. Dans la seule ville d'Ermont, une classe de CP-CE1 de l'école Maurice-Ravel est sans enseignant depuis le 24 janvier et ses élèves ne profitent plus, depuis deux mois, d'un enseignement normal. Au collège Saint-Exupéry, certains élèves n'ont plus de professeur de français depuis des semaines. Dans l'école Louis-Pasteur, une enseignante de CM1 a cumulé un mois d'absence de cours depuis la rentrée, sans être remplacée. Dans l'école Jean-Jaurès, on parle de 125 élèves répartis dans neuf classes pour pallier les mêmes difficultés. La professeure de la classe de l'unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis) de Saint-Leu-la-Forêt n'a été remplacée que huit jours alors qu'elle est absente depuis novembre. Une classe de moyenne et grande section de maternelle cumule déjà vingt-quatre jours sans enseignant.

Je pourrais continuer cette liste funeste en vous parlant des situations des établissements d'Eaubonne et de Franconville, mais aussi d'autres villes du Val-d'Oise, le département le plus jeune de France, où la situation est identique. Les directeurs, les équipes pédagogiques, les parents d'élèves, le directeur académique des services de l'éducation nationale, les maires… Tous s'épuisent à chercher des solutions !

Ce que je viens de décrire, ce ne sont pas des incidents, ce n'est pas une série de cas isolés : c'est un effondrement silencieux, auquel tout le monde, semble-t-il, s'habitue.

Évidemment, on ne peut pas s'habituer à la situation. Il s'agit de nos enfants, en d'autres termes des fondations qu'on est en train de saboter. Nous savons bien que l'école n'est pas un service parmi d'autres : c'est là que tout commence, que se joue l'avenir d'un enfant et d'un pays.

Le tribunal administratif d'Orléans a déjà condamné l'État le mois dernier pour des absences non remplacées. Si rien ne change, d'autres parents iront au contentieux, y compris dans mon département – et ils auront raison, car l'État ne peut pas abandonner les siens à ce point.

Je vous le demande avec gravité : comment allez-vous réagir ? Quelles mesures immédiates et concrètes comptez-vous prendre pour que les élèves retrouvent une école digne de ce nom et pour que les familles reprennent confiance dans l'institution scolaire ?

M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement . Je comprends votre colère et je mesure une nouvelle fois, aux questions posées ce matin au sujet de votre département et de l'académie de Versailles, les difficultés que nous connaissons et que je connaissais déjà quand j'étais parlementaire.

La question que vous posez est très importante, car elle porte sur la confiance que les parents placent dans l'éducation nationale et l'école publique. Elle touche au fondement de notre avenir et de l'investissement que nous faisons sur nos enfants. Vous connaissez l'implication du premier ministre sur ces questions qui lui tiennent particulièrement à cœur.

Aujourd'hui, nous rencontrons une difficulté globale, liée au remplacement des professeurs. Pour y faire face, des moyens ont été engagés ; ils seront renforcés l'an prochain. À Versailles, le déficit d'attractivité s'exprime tout particulièrement, car le rendement du concours ne suffit plus. Nous recrutons dès maintenant des contractuels : nous en avons déjà embauché quatre-vingts depuis le début de l'année, dans le but d'affecter un professeur à chaque classe.

L'attractivité du métier d'enseignant reste l'enjeu principal, son manque étant la cause des difficultés de recrutement. Pour cette raison, la ministre d'État Élisabeth Borne, ministre de l'éducation nationale, ouvre des concertations avec le corps enseignant et, plus généralement, l'ensemble de l'éducation nationale : elles doivent permettre de travailler sur l'attractivité et sur la formation et de définir le bon niveau d'étude auquel recruter les professeurs – nous envisageons un recrutement en fin de troisième année de licence, suivi de deux ans de formation rémunérée.

L'effort à fournir pour redonner de l'attractivité au métier d'enseignant est considérable et est difficile à réaliser. Nous constatons tous des manquements, auxquels nous pouvons opposer des solutions de court terme, mais il faut travailler sur la source de notre problème, c'est-à-dire sur l'attractivité de ce merveilleux métier, si essentiel pour notre société, consistant à instruire nos enfants.

Soyez assurée que le premier ministre et la ministre de l'éducation nationale sont totalement impliqués dans cette démarche.

M. le président . La parole est à Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou . Je vous remercie pour votre réponse, mais on me répète la même chose depuis des années. On ne peut plus continuer comme ça, compte tenu de ce que je viens de vous dire et de ce que disent d'autres collègues, y compris de l'académie de Versailles ; le sujet est désormais national ; il doit être la priorité des priorités.

Données clés

Auteur : Mme Naïma Moutchou

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mars 2025

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