Question écrite n° 2571 :
Mécénat privé des universités : le grand flou

17e Législature
Question signalée le 3 février 2025

Question de : M. Arnaud Saint-Martin
Seine-et-Marne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Arnaud Saint-Martin interroge M. le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les contrats de mécénat entre les entreprises privées et les universités publiques. L'association Acadamia a récemment enquêté sur le sujet. Les premières conclusions de leur investigation sont claires : ces contrats de partenariat manquent de transparence dans leur nature, dans leur contenu et dans leur nombre. Dans leur nature d'abord, l'association a ainsi mis en lumière un contrat passé entre TotalÉnergies et l'université de Lorraine dans le cadre d'une formation comprenant une excursion géologique financée par la multinationale, à hauteur de 2 000 euros. La convention de mécénat contient la clause suivante : « L'institut s'abstiendra de faire toute communication directe ou indirecte, écrite ou orale, susceptible de porter atteinte à l'image et la notoriété de TotalEnergies ». De telles clauses de non-dénigrement semblent répandues, alors qu'elles sont manifestement attentatoires à la liberté académique, consacrée par le Conseil constitutionnel comme principe fondamental reconnu par les lois de la République. L'existence de telles clauses est particulièrement inquiétante lorsqu'il s'agit de former des doctorants et des doctorantes et de financer la recherche publique. Certains contrats vont même plus loin, puisqu'ils autorisent les entreprises privées à participer à la sélection et à l'évaluation des étudiants et des étudiantes. Par ailleurs, l'association Acadamia alerte sur le fait que de nombreux établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche refusent de rendre publics leurs contrats de partenariat avec des entreprises mécènes. Pourtant, ces établissements, comme toute administration publique, sont soumis aux obligations de transparences prévues par le titre III du code des relations entre le public et l'administration. Ces établissements prétendent que le contenu de ces contrats est couvert par le « secret des affaires », alors que le mécénat est censé être un don désintéressé et non une activité commerciale. Ainsi, le contenu des contrats de mécénat ou de partenariat passés entre les universités publiques et les grandes entreprises sont inaccessibles au public : il est impossible de connaître le montant des financements, leur fléchage ou les contreparties pour les entreprises. Il est donc impossible pour les citoyens et citoyennes et les étudiants et étudiantes concernés par ces contrats de connaître la nature et les clauses du contrat liant leur université ou leur formation à l'entreprise qui la finance. Cette situation est contraire à l'éthique de la recherche, qui exige la transparence sur les financeurs, mais également contraire à l'article 15 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, selon lequel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Cette absence de transparence rend impossible aujourd'hui de connaître précisément le nombre de contrats de mécénat signé par chaque université et les montants correspondants. Ces contrats sont souvent signés par les fondations liées aux universités. Ces fondations, personnes morales de droit privé, ont encore moins d'obligations de transparence que les établissements publics qu'elles sont censées représenter et agissent de facto comme des sociétés écran, permettant de masquer le nombre et la nature des contrats : l'argent passe par la fondation et est redistribué sous forme de subventions à l'université. La publicité des contrats est donc encore plus entravée et les contrôles sont inexistants. Il est urgent d'obtenir des moyens de contrôle sur les universités, leurs financements et leurs fondations. Quels sont les moyens mis en œuvre par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour assurer le suivi des liens entre les établissements sous sa tutelle et leurs entreprises partenaires ? Comment le ministère s'assure-t-il que ces partenariats s'effectuent dans le respect de l'éthique de l'enseignement et de la recherche ? Quand seront rendues les conclusions de la mission d'inspection sur le modèle économique des universités ? Comment M. le ministre compte-t-il agir pour s'assurer que ces établissements respectent leurs obligations légales de transparence ? Quels sont les moyens de contrôle sont mis en place par le ministère pour suivre l'activité des fondations associées aux établissements publics ? Il souhaite obtenir des précisions sur ces sujets.

Réponse publiée le 25 mars 2025

L'accomplissement des missions des établissements publics d'enseignement supérieur suppose la création et le renforcement des liens avec l'ensemble des acteurs de leur environnement local, national et international, en particulier les entreprises, au service de la formation des étudiants, de leur insertion et de l'excellence de la recherche et de l'innovation. Les formes de partenariat sont variées, incluant le mécénat sous différentes modalités. Comme toutes les actions de mécénat, celles conduites au bénéfice d'établissements publics d'enseignement supérieur doivent répondre aux critères encadrant le mécénat, notamment ceux relatifs à l'absence de contreparties pour l'entreprise qui entend se prévaloir de ce cadre, sous le contrôle de l'administration fiscale. S'agissant plus spécifiquement des conventions de mécénat avec des universités, leur conclusion relève de la compétence des établissements eux-mêmes, plus précisément : signature par le chef d'établissement et approbation par le conseil d'administration (articles L. 712-2 et L. 712-3 du code de l'éducation). La liberté académique garantie constitutionnellement et la neutralité du service public font partie des principes qui s'imposent à chaque établissement. De même, ces conventions ne peuvent, dans le respect du principe de spécialité de l'établissement public d'enseignement supérieur, conduire ce dernier à déléguer les missions du service public de l'enseignement supérieur à une entité tierce. C'est ainsi que, notamment, les conventions incluant des prestations de service d'enseignement doivent répondre à des conditions strictes pour garantir le respect de ce principe. En application des dispositions de l'article L. 719-7 du code de l'éducation, comme à l'égard de toutes les décisions ou délibérations des autorités des universités, le contrôle de légalité des conventions de mécénat est assuré par le recteur de région académique. Ce dernier peut saisir le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation d'un de ces actes qui lui paraîtrait entaché d'illégalité, le tribunal statuant alors en urgence. Est ici également soulevée la question de la transparence, plus précisément de la communication au public des conventions de mécénat. Certains établissements ont fait le choix de répondre favorablement à une demande de communication tandis que d'autres ont considéré qu'était en jeu un des secrets protégés par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, à savoir le secret des affaires. Cette question a donné lieu à un recours devant le Conseil d'État qui est appelé à se prononcer prochainement. En fonction de la décision du Conseil d'État, le ministre informera les établissements publics sous la tutelle de son département ministériel de leurs obligations en matière de communication des conventions de mécénat conclues avec des entreprises. À l'instar des établissements publics d'enseignement supérieur, les fondations universitaires (article L. 719-12 du code de l'éducation) sont également soumises au contrôle de légalité exercé par le recteur de région académique, qui assure de surcroît le rôle de commissaire du gouvernement auprès du conseil de gestion de la fondation (article R. 719-198 du code de l'éducation). Il peut à ce titre obtenir communication de tout document relatif à l'activité ou à la gestion de la fondation. Les fondations partenariales, organismes de droit privé (article L. 719-13 du code de l'éducation) sont quant à elles constituées pour permettre aux établissements d'enseignement supérieur, dans une logique de complémentarité public-privé, de réaliser des œuvres ou activités d'intérêt général, distinctes des missions statutaires de l'établissement public à caractère scientifique, culturel ou professionnel. C'est l'intérêt même de ces projets portés par la fondation dans un domaine bien spécifique et clairement identifié qui peut être déterminant et attractif pour lever des fonds auprès de nouveaux mécènes. La présence de représentants des établissements publics d'enseignement supérieur et de représentants des personnels de ces mêmes établissements au conseil d'administration de la fondation permet d'instaurer une collaboration efficace entre acteurs publics et privés. Elle garantit en outre l'association des personnes publiques aux prises de décision de la fondation, qui conservent ainsi un droit de regard sur les activités de ces structures, notamment sur les contrats. Les interventions d'une part, du recteur de région académique, lors des étapes clés du fonctionnement des fondations partenariales (création, modifications statutaires, dissolution) et d'autre part, du préfet de département, compétent pour s'assurer de la régularité de leur fonctionnement (article 19-10 de la loi n° 87-571 sur le développement du mécénat) sont également révélatrices des nombreux moyens de contrôle mis en place sur ces organismes.

Données clés

Auteur : M. Arnaud Saint-Martin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Marchés financiers

Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche

Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche (MD)

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 3 février 2025

Dates :
Question publiée le 3 décembre 2024
Réponse publiée le 25 mars 2025

partager